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ENVIRONNEMENT - Plusieurs constructions illégales relevées dans le prestigieux site La vallée de la Qadicha risque d’être supprimée de la liste du patrimoine mondial(photos)

Même les sanctuaires naturels millénaires n’échappent plus au vandalisme. Inexplicablement, la vallée sainte de la Qadicha, qui figure sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, a été cet hiver le théâtre de diverses constructions illégales qui en altèrent le paysage, mais qui pourraient aussi lui coûter sa place sur cette prestigieuse liste. Une aberration vu l’importance du site et de l’enjeu. Ces empiètements seront-ils supprimés au plus vite comme il se doit, ou entrera-t-on de nouveau dans un cycle de négligence qui nous fera perdre un trésor national de plus ? La vallée de la Qadicha (caza de Bécharré), une merveille naturelle nichée dans les hautes montagnes du Liban-Nord, chargée de symboles religieux puisqu’elle abrite plusieurs couvents, dont le fameux couvent Qozhaya, est un site protégé à plus d’un titre : d’une part, durant le mandat d’Akram Chehayeb, ancien ministre de l’Environnement, il a été classé réserve naturelle par décret. D’autre part, il figure sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, ce qui signifie que personne ne peut intervenir dans la vallée sans le consentement des autorités concernées, notamment la Direction générale des antiquités (DGA). Les terres appartiennent principalement à l’Ordre mariamite, à l’Ordre maronite et au patriarcat maronite, alors qu’une quatrième partie est du domaine du village de Hadchit. Profitant apparemment des intempéries et du fait que cette région est peu fréquentée en hiver, certains habitants originaires du village de Qannoubine, qui travaillent comme métayers sur les terres, ont élargi des constructions en plusieurs endroits : le propriétaire d’un restaurant appelé Abou Joseph, situé sur les terres du patriarcat, a construit un étage supplémentaire sans obtenir l’aval du patriarche, de la DGA ou de la Direction générale de l’urbanisme (DGU), selon des sources proches du Rassemblement pour la protection de la vallée. Un peu plus loin, au fond de la vallée, une vieille baraque, également construite sur les terres du patriarcat, a été considérablement élargie, et dotée de deux étages supplémentaires. Par ailleurs, dans le périmètre des terres de Hadchit, une bicoque en parpaing, qui devait être entièrement détruite selon le plan de gestion du site, a désormais un nouveau toit en béton. Le propriétaire projetterait d’y établir une buvette. Enfin, le gérant d’un café, initialement conçu pour être en conformité avec les normes écologiques, a entrepris de construire deux chambres dans son établissement. Selon les sources citées plus haut, les contrevenants sont parfaitement informés des implications de leurs actes, mais refusent d’entendre raison. Ils menacent même d’utiliser des moyens violents pour protéger leurs biens, pointant même leurs armes contre des journalistes venus filmer le site, selon des témoins. La DGA a constaté les dégâts et envoyé le rapport n° 1 297, daté du 22 avril, au mohafez du Liban-Nord, qui l’a reçu sous l’appellation 288 ch/a-24-4. Selon la loi, les constructions devraient être détruites sans autre forme de procès, mais elles ne l’ont toujours pas été. Pour sa part, Alexi Moukarzel, président du Rassemblement pour la protection de la vallée de la Qadicha, a envoyé des lettres explicatives aux ministères de l’Intérieur, de l’Environnement et de la Culture, ainsi qu’à la DGA et à la DGU. Nous n’avons pu obtenir une réaction de la part de Bkerké, sur les terres duquel deux des constructions illégales au moins ont été effectuées, mais selon les sources interrogées, le patriarcat serait totalement opposé à de telles pratiques. Alors comment ces contrevenants se seraient-ils permis d’outrepasser et les lois et la volonté des propriétaires ? Les rumeurs courent et parlent de l’appui d’un certain député de la région. Elles font également état de projets que nourrirait un grand entrepreneur d’un village voisin, pour qui la suppression de la Qadicha de la liste du patrimoine mondial tomberait à pic. Déjà, un projet de route mal conçu, qui aurait défiguré le paysage, a été mis en échec. En fait, les défenseurs de la vallée réclament aujourd’hui du mohafez la destruction pure et simple des constructions illégales, conformément à la loi. Si cette simple mesure n’est pas prise, personne ne peut plus répondre de l’intégrité de la vallée et les constructions illégales se multiplieront. Plus grave serait alors la réaction des experts de l’Unesco, qui devaient visiter la vallée ce mois-ci, mais qui ont remis leur voyage à plus tard : si le problème n’est pas résolu avant leur arrivée, ils mettraient presque certainement, selon des sources bien informées, le site sur la liste du patrimoine en danger. Ce ne serait qu’un pas avant de le rayer définitivement de la liste du patrimoine mondial... Mais la destruction des constructions illégales n’est pas suffisante à long terme. La protection de la vallée ne peut être garantie que si elle fait l’objet d’une loi spécifique (alors que, pour l’instant, seul un décret a été adopté en la matière). Cette loi représente une des exigences de l’Unesco. Le projet est sur le tapis depuis des années, mais il tarde à se matérialiser. À la lumière des dernières infractions, il apparaît de plus en plus nécessaire de remédier rapidement à cette situation désastreuse. La loi serait élaborée dans le même esprit que le texte sur les réserves naturelles, mais en l’adaptant au cas de la vallée, évidemment. Un pays sans mémoire, sans culture et sans racines, est-ce ce qu’on veut nous léguer pour l’avenir ? Dans quelle logique œuvrons-nous pour la reconnaissance mondiale de nos sites alors que nous restons incapables de généraliser le sentiment que doit impérativement inspirer leur incontestable valeur ? Un échec dans la suppression de ces nouvelles infractions dans la Qadicha aurait des conséquences d’une gravité extrême non seulement sur le site lui-même, mais également sur la perception de la vie culturelle libanaise à l’étranger. Suzanne BAAKLINI
Même les sanctuaires naturels millénaires n’échappent plus au vandalisme. Inexplicablement, la vallée sainte de la Qadicha, qui figure sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, a été cet hiver le théâtre de diverses constructions illégales qui en altèrent le paysage, mais qui pourraient aussi lui coûter sa place sur cette prestigieuse liste. Une aberration vu...