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Des députés songent à interroger sérieusement le cabinet Hariri sur les naturalisations

Il ne fallait peut-être pas réveiller le chat qui dort. En déléguant au ministère de l’Intérieur le pouvoir de radiation en matière de naturalisations, le Conseil d’État a ranimé un vieux débat qui paraissait éteint. Ainsi, des députés se demandent s’il ne serait pas utile, pour savoir ce qui va être vraiment fait, de poser officiellement une question parlementaire au gouvernement. Pour remonter aux origines, il convient de rappeler qu’en 1994, un vif désaccord avait éclaté entre les présidents Hraoui et Hariri. Le premier soulignait qu’il fallait respecter les quotas confessionnels qui fondent les équilibres indispensables à ce pays composite. Le deuxième soutenait qu’il fallait donner satisfaction à tout ayant droit, par esprit d’équité, sans tenir compte de sa coloration confessionnelle ou politique. Finalement, le décret a été signé, à la satisfaction d’une partie déterminée et au mécontentement de l’autre. La Ligue maronite avait de suite réagi en introduisant devant le Conseil d’État ce recours qui vient d’être à moitié admis. C’est-à-dire que le décret n’a pas été invalidé, mais le tribunal a estimé nécessaire que les innombrables failles en soient corrigées. Tout au long des neuf années, Nehmetallah Abi Nasr, devenu député a poursuivi le dossier en tant qu’avocat de la ligue. Il y a neuf mois, il cosignait avec Nayla Moawad, Salah Honein et Gabriel Murr (dont l’élection n’avait pas encore été invalidée), une question au gouvernement sur le retard apporté dans le rendu du verdict. Il y avait été répondu que l’affaire serait bientôt tranchée. Il n’en reste pas moins que les députés songent à poser de nouveau au pouvoir les questions suivantes : – Pourquoi avoir attendu neuf ans ? Pour des raisons juridiques, techniques ou politiques ? Inversement, pourquoi maintenant ? Pour éviter d’atteindre le délai de dix ans, au bout desquels la naturalisation devient définitive, avec droit d’éligibilité ? Ou également pour des raisons politiques déterminées ? – Combien de temps faudra-t-il au ministère de l’Intérieur pour vérifier les dossiers un par un ? Le contrôle va-t-il se limiter aux Palestiniens, dont la naturalisation n’est pas admissible puisqu’elle équivaut à l’implantation ? L’enquête va-t-elle, au contraire, être élargie à toutes les fractions, à toutes les communautés, pour que nul ne puisse se plaindre de discrimination et d’arbitraire ? Sur ce point, le ministre Murr affirme que chaque cas va être étudié à part, la vérification ne se faisant pas en bloc. Il précise que s’il y a eu des falsifications ou des infractions, il proposera des contre-décrets privant ceux qui auraient été naturalisés à tort de la nationalité libanaise. – Au cas où des dérapages devaient être confirmés, enchaînent les députés, l’on ne devrait pas se contenter de gommer les naturalisations fallacieuses. Il faudrait également poursuivre les auteurs des ces fautes, qu’elles soient volontaires ou non, qui entraînent de considérables préjudices pour l’État libanais. En effet, on ne peut oublier que les particuliers naturalisés depuis neuf ans ont pu voter, se marier, trouver du travail, acquérir des biens, avoir des enfants. Bref, que les naturalisations ont eu avec le temps des effets ou des droits qu’il est impossible d’annuler. Ce point a été soulevé par le président Hoss, qui relève que des milliers de naturalisés risquent de se retrouver dans une situation terrible. Il est évident que les présidents Hraoui et Hariri, cosignataires du décret, ne pouvaient vérifier les dossiers. Mais il faut se tourner, ajoutent les députés, vers les parties chargées alors en pratique d’effectuer ce contrôle. On doit sanctionner les fautes commises à dessein, mais aussi les négligences. Les vrais coupables ne sont pas les particuliers ayant obtenu la nationalité libanaise sans droit, mais ceux qui la leur ont donnée. D’autant qu’en fait, les naturalisés auxquels on va retirer la nationalité peuvent poursuivre l’État libanais en justice et réclamer des indemnités. Sans compter qu’on voit mal ce qu’on va faire du statut des enfants, ou des biens-fonds acquis. Le mal qui est fait de la sorte aurait pu être évité. Si l’on avait suivi les avocats de la ligue, Nehmetallah Abi Nasr ainsi qu’Antoine Akl et Hafez Zakhour qui avaient réclamé dès le départ la suspension de l’exécution du décret de naturalisations, en attendant le verdict des tribunaux. Toujours est-il qu’en définitive, il ne suffit pas d’opérer des radiations pour rétablir les équilibres rompus. Il faut, à cet effet, un deuxième décret donnant satisfaction aux fractions chrétiennes qui demandent la nationalité libanaise à titre légitime. Il faut enfin un nouveau code pour que désormais les naturalisations ne soient pas du ressort d’un pouvoir exécutif régalien qui n’en ferait qu’à sa tête. L’ancien ministre de l’Intérieur, Michel Murr, avait élaboré un projet technique inspiré des législations syriennes, françaises et belges. Il prévoyait des critères de paternité s’étendant dans certains cas aux enfants naturels ou adoptés. Il renforçait les restrictions à l’octroi de la nationalité par mariage. Et il soumettait les impétrants à une surveillance morale de cinq ans. – Enfin les députés cités relancent l’idée d’un statut intermédiaire de « citoyen émigré » en prélude au rétablissement des émigrés dans leur nationalité libanaise. Émile KHOURY
Il ne fallait peut-être pas réveiller le chat qui dort. En déléguant au ministère de l’Intérieur le pouvoir de radiation en matière de naturalisations, le Conseil d’État a ranimé un vieux débat qui paraissait éteint. Ainsi, des députés se demandent s’il ne serait pas utile, pour savoir ce qui va être vraiment fait, de poser officiellement une question parlementaire...