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Washington semble traiter le couple Syrie-Liban comme un cas à part

La distinction se fait dans le temps comme dans l’espace. Powell empoigne d’abord le secteur syro-libanais. Il est prévu ce samedi à Beyrouth. Puis, le 8, il doit débarquer en Israël, passer par les Territoires, visiter ensuite Amman, Le Caire et Ryad. C’est comme si le conflit israélo-arabe et les problèmes du Golfe tournaient pareillement autour du dossier palestinien. Tandis que le couple Syrie-Liban constituerait un cas à part. Qu’il faut soigner d’abord, sinon en priorité. Un étrange « privilège » qu’explique, en partie, le matraquage américain subi par une Syrie accusée d’avoir soutenu l’Irak de Saddam. Avec les Libanais, Powell fera d’abord ses devoirs de vacances. C’est-à-dire qu’il évoquera les retombées de la guerre en Irak, le remodelage de la région, le redémarrage du processus de paix sur la base de la « feuille de route ». Mais assez rapidement, car le temps lui est compté. En effet, le secrétaire d’État ne passe que quelques heures à Beyrouth. Initialement, il ne voulait pas y venir. Mais les dirigeants libanais ont insisté pour ne pas être laissés sur la touche, comme tant d’autres fois par le passé. Le remplaçant pressenti de Powell, son bras droit William Burns, leur a donné raison. Pourquoi ? Sans doute parce que, en bon spécialiste du dossier régional, il a noté que la position des Libanais, assez souple à tout prendre, pourrait être utile aux fins de promouvoir les possibilités d’ouverture réciproque avec la Syrie. Qui a semblé elle-même donner un signe dans ce sens. En effet, les deux ministres politiques libanais proches de Damas nommés récemment aux Affaires étrangères et à l’Information sont des chrétiens, censés assumer plus facilement un rôle positif de trait d’union. Cela, sans compter que le Hezbollah, problème majeur pour les Américains, est après tout un mouvement libanais. Quoi qu’il en soit, Powell bavardera dès son arrivée avec Jean Obeid, qui l’accompagnera de l’aéroport à Baabda. Là, le secrétaire d’État s’entretiendra avec le président Lahoud, en présence des présidents Berry et Hariri, avant de s’envoler pour l’Albanie. On le sait, l’Administration US a une priorité, pour ne pas dire une hantise, la sécurité. Pour les Américains, ce terme couvre depuis le 11 septembre toute la stabilité de cette région agitée du monde et doit en cautionner la paix future. Dans cette optique, les autorités libanaises et syriennes sont averties d’avance que Powell compte insister pour une parfaite dissociation entre le volet sécuritaire et les dossiers politiques. Le message américain est clair : nul ne doit tenter d’exploiter les questions relatives à la sécurité pour améliorer ses positions politiques. Ou pour s’en servir comme d’une carte de pression. Ce qui signifie, en pratique, que la Syrie et le Liban doivent renoncer à garder le front du Sud semi-ouvert. Et qu’ils doivent de même, et surtout, cesser de jouer sur la fibre dite de la Résistance. En d’autres termes, il leur est demandé de désarmer le Hezbollah, de déployer l’armée libanaise le long de la ligne bleue, de neutraliser les camps palestiniens et de lâcher les organisations radicales palestiniennes comme le Hamas, le Jihad ou le FPLP. En même temps, le Liban et la Syrie doivent continuer à coopérer dans la lutte contre le terrorisme, en s’assurant des éléments subversifs réfugiés çà ou là sur leurs territoires, notamment dans les camps palestiniens. Toujours suivant la même conception de dissociation, les Américains attendent des Libanais, et surtout des Syriens, qu’ils ne se mêlent en aucune façon ni de ce qui se passe en Irak ni par rapport à la question palestinienne. Ils ne doivent songer qu’au Hezbollah, faute de quoi, on matraquerait encore plus fort le thème de la 520 (récemment soulevé par de Villepin). C’est-à-dire du retrait des forces syriennes du Liban. Powell lui-même, on le sait, a qualifié la présence militaire syrienne dans ce pays d’occupation. Dans le cadre des pressions prénégociatoires exercées par l’Amérique qui a, parallèlement, réactivé le Syria Accountability Act. En y ajoutant même, pour faire bonne mesure, le nom du « Lebanon ». Que vont répondre les Libanais ? Essentiellement que si on laisse de côté le problème des réfugiés palestiniens, on n’a rien fait. C’est mettre la charrue devant les bœufs, estime Beyrouth, que de vouloir clore à la hâte, sans même en discuter, les dossiers dits faussement sécuritaires (comme le droit de résistance du Hezbollah) alors que la cause même du problème régional reste sans solution. Plus exactement, alors que Sharon torpille toute possibilité de règlement en rejetant le droit de retour. Ce qui risque, à terme, de provoquer tant de colère qu’il serait pratiquement impossible, par exemple, d’empêcher des Palestiniens des camps de tirer des roquettes à partir du territoire libanais. Or, observent les Libanais, prendre les camps de force, c’est risquer de replonger ce pays dans les affres des guerres intestines. Et c’est aussi déstabiliser la région. Quant au Hezbollah, comme Obeid l’a répété à Battle lundi dernier, le Liban le considère comme une formation légale qui a fait partie d’une résistance réussie à l’occupation israélienne. Le ministre a rappelé que le Hezb est présent à la Chambre et reste soumis aux lois de l’État libanais. S’il existe des problèmes avec lui, ils peuvent être traités dans le cadre constitutionnel intérieur et non au chapitre de la politique étrangère. Le Hezb, a indiqué enfin Obeid, fait montre d’une saine estimation des situations qui mettent en jeu l’intérêt de l’État libanais. Allant plus loin, des responsables développent une argumentation assez inattendue. Selon eux, si l’on désarmait le Hezbollah, comment pourrait-on contenir les Palestiniens des camps et les empêcher d’embraser le Sud pour riposter à Israël ? Pour ces officiels, il faut donc traiter de conserve le problème des camps et la question du Hezb. C’est-à-dire qu’il faut d’abord garantir que l’implantation n’aura pas lieu. Enfin, les Libanais vont répéter à Powell combien ils sont reconnaissants à la Syrie pour le soutien actif qu’elle leur apporte. Notamment sur le terrain. Pour conclure que le jumelage organique s’impose naturellement, surtout que la paix globale n’est pas encore réalisée. Philippe ABI-AKL
La distinction se fait dans le temps comme dans l’espace. Powell empoigne d’abord le secteur syro-libanais. Il est prévu ce samedi à Beyrouth. Puis, le 8, il doit débarquer en Israël, passer par les Territoires, visiter ensuite Amman, Le Caire et Ryad. C’est comme si le conflit israélo-arabe et les problèmes du Golfe tournaient pareillement autour du dossier palestinien....