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INTERVIEW - Le représentant du Hamas ne s’attend pas à une fermeture des permanences au Liban Oussama Hamdane : Nous sommes passés par des étapes plus dures et le plan américain pour la région échouera

Le timing n’est pas innocent, même si hajj Oussama Hamdane, représentant du Hamas au Liban, refuse d’y voir un lien avec la prochaine visite du secrétaire d’État américain dans la région. Pourtant, le message est clair : la résistance se poursuivra et si le nouveau gouvernement palestinien voudra désarmer les organisations, il devra recourir à la force et il se heurtera à la volonté populaire. Ce qui le fera sauter, plus tôt que prévu. Et concernant les pressions américaines sur le Liban et la Syrie, hajj Oussama estime qu’elles n’aboutiront pas à la fermeture des permanences du Hamas et du Jihad, même s’il reconnaît que l’étape actuelle est difficile. D’emblée, Oussama Hamdane considère que l’opération d’hier à Tel-Aviv s’inscrit dans le cadre de la situation en vigueur depuis 30 mois (le début de l’intifada). « C’est aussi un message adressé à tous ceux que cela intéresse : la résistance est le choix de tout le peuple. D’autant que cette opération est apparemment commune au Hamas et au Fateh. » Hajj Oussama s’empresse de préciser qu’il se base sur les informations de presse et qu’en tant que responsable politique, il n’a aucun lien avec les opérations militaires. « Le message s’adresse aussi aux Israéliens, puisque l’opération a eu lieu dans un lieu très surveillé, à cent mètres de l’ambassade américaine, aux Américains eux-mêmes pour leur dire que s’ils ont remporté une victoire militaire en Irak, cela ne signifiera pas qu’ils pourront imposer leur volonté aux Palestiniens et à l’Autorité palestinienne. » « Si Abou Mazen veut nous désarmer, il partira très vite » Cela ne risque-t-il pas de déclencher une guerre civile entre les Palestiniens ? « Non, il n’y aura pas de guerre civile. Si le nouveau gouvernement veut désarmer les organisations, il devra recourir à la force et il se heurtera à la détermination de la population. Il sera un régime oppresseur comme il y en a beaucoup et cela accélérera sa chute. » Mais le gouvernement est soumis à de très fortes pressions américaines. « C’est un prétexte qui ne convainc personne. Le seul véritable moyen d’affronter les pressions américaines, c’est l’unité interne autour d’un programme politique. Les pressions sont énormes depuis longtemps et nous avons prouvé que nous étions en mesure d’y faire face. La seule faille, ce sont les dissensions internes. » Mais depuis la victoire américaine en Irak, le déséquilibre est énorme. Avez-vous les moyens de poursuivre la lutte ? « Que faire d’autre ? Se rendre ? Le déséquilibre est énorme, c’est vrai, mais nous avons aussi des moyens. D’autant que le plan américain n’a pas emporté l’adhésion de la communauté internationale. Nous pouvons essayer de travailler avec ceux qui s’opposent à ce projet, même si, pour l’instant, ils ne semblent pas très efficaces. » Ceux qui s’opposent au plan américain n’approuvent pas pour autant les opérations-suicide palestiniennes. Vous êtes isolés… « Ils ont une vision faussée de la situation. Israël utilise les pires armes contre les Palestiniens, les civils notamment. Il utilise même l’aviation, alors que nous n’avons que des bombes artisanales, que nous transportons vers les lieux où se trouve l’occupant. Les Européens devraient voir les choses sous cet angle. On peut certes isoler la Résistance, mais celle-ci tient sa légitimité du peuple. Ceux qui croient pouvoir juger de l’extérieur se trompent. » Ne vaudrait-il pas mieux donner une chance à Abou Mazen ? « Le prix du sang palestinien ne peut pas être la démission. On sauve momentanément quelques vies, mais on détruit l’avenir de tout un peuple. L’histoire l’a toujours démontré : un peuple dont le pays est occupé ne peut se libérer qu’à travers une résistance militaire qui fasse mal à l’occupant. Le programme d’Abou Mazen n’offre aucun élément nouveau. Nous avons déjà essayé les négociations. Nous avions même commencé en parlant des territoires occupés en 1967 et des quartiers est de Jérusalem et nous en sommes maintenant à parler de 40 % de ces territoires et d’un État provisoire qui n’a aucune existence juridique. De plus, en se déclarant prêt à ramasser les armes, le nouveau gouvernement ne veut même plus reconnaître le droit des Palestiniens à la résistance. Même sur le plan interne, les symboles de la corruption sont encore là. Malgré cela, si ce gouvernement veut améliorer les conditions de vie des Palestiniens, nous n’y voyons pas d’inconvénient. Mais s’il veut affronter la résistance, c’est à tout le peuple qu’il s’opposera. » « Que nous ont apporté les compromis ? » Vous comptez donc le faire chuter ? « Non, pas nous. Ceux qui l’ont amené le feront chuter, lorsqu’ils verront qu’il est incapable de mener à bien la mission dont il est chargé. Surtout que Abou Mazen n’est pas Yasser Arafat, qui reste un symbole pour les Palestiniens. » Mais en 30 mois, qu’a fait l’intifada ? « C’est vrai qu’il y a de plus en plus de destructions et de morts et que l’occupant continue de riposter avec encore plus de violence. Mais un jour, il comprendra qu’il ne peut pas briser la volonté du peuple. Au Liban, la résistance a commencé très vite après l’invasion. Mais ce n’est que bien plus tard que les Israéliens ont compris qu’ils devaient se retirer. Ce moment n’est peut-être pas encore venu pour les Palestiniens, car les Israéliens trouvent des gens prêts à coopérer. Si ceux-ci étaient neutres, ce serait plus difficile pour les Israéliens… Enfin, je poserai la question autrement : qu’a apporté la politique de compromis ? Encore plus de concessions. C’est pourquoi la résistance reste la seule voie à suivre. » Y a-t-il une coordination avec le Hezbollah ? « Il y a un accord stratégique pour résister contre l’occupant. Malheureusement, ils ne peuvent pas nous aider concrètement car nous n’avons pas de frontières communes. Notre coopération se limite à l’appui politique et médiatique. » Avez-vous des activités militaires au Liban ? « Ni au Liban ni ailleurs. Nous considérons que les activités militaires doivent se limiter aux territoires occupés. La Résistance a beaucoup perdu en menant des guerres annexes ailleurs qu’en Palestine. Nos activités hors de Palestine sont destinées à obtenir des appuis politiques et à mener des campagnes d’information. » Quelle sera votre attitude si le secrétaire d’État américain demande au Liban de fermer les permanences palestiniennes ? « Je n’ai pas entendu une telle exigence pour le Liban. De toute façon, les Américains parlent au nom des Israéliens. Ils veulent que la résistance soit étouffée, sans que les médias n’en sachent rien. Mais je ne crois pas que Powell présentera des demandes précises, car il sait que les Syriens n’y répondront pas positivement. Ils savent aussi que la résistance palestinienne est en Palestine et qu’elle est motivée par l’oppression israélienne. La seule possibilité de fermer les permanences à l’étranger, c’est de ramener les Palestiniens chez eux. Par contre, s’ils réussissent à étouffer certaines organisations, les Palestiniens en créeront d’autres. » « Je ne crois pas que la Syrie va changer ses positions » Vous ne craignez donc pas que les autorités vous demandent de fermer vos permanences ? « Notre présence est acceptée par les autorités et lorsque nous parlons, nous ne portons pas atteinte à la souveraineté des pays qui nous accueillent. Nous n’avons toutefois pas besoin d’autorisation pour le faire. » Même en une période aussi délicate, vous ne coordonnez pas vos interviews avec les autorités libanaises ? « Non. Nous ne faisons que parler politique, sans aborder les questions internes. Nous connaissons les limites de l’hospitalité. » Les Syriens semblent en tout cas prêts à céder aux pressions américaines sur certains points… « Je ne veux pas évaluer la position syrienne. Mais je dirais que depuis 50 ans, Damas appuie la résistance palestinienne et les droits du peuple palestinien. Ces dernières années, l’appui est devenu encore plus éclatant et je n’ai pas l’impression que le régime est prêt à modifier sa position. » Comment expliquez-vous la campagne actuelle contre la Syrie ? « Je crois qu’elle a pour but de consolider la victoire militaire en Irak. Les Américains savent que les Irakiens n’acceptent pas l’occupation de leur pays. Mais s’ils veulent monter une véritable résistance, ils auront besoin des pays voisins et la Syrie est la plus apte à jouer un tel rôle. Les Américains veulent donc obtenir une victoire politique après la victoire militaire et ils doivent agir rapidement, car la résistance ne devrait pas tarder à s’organiser. » C’est pourquoi ils veulent aussi régler rapidement le conflit israélo-palestinien. « Je ne pense pas qu’ils réussiront à le faire. Leur plan est un projet israélien et il consiste à liquider la cause palestinienne et non à régler un conflit. Ils se placent désormais en confrontation directe avec les populations et ils vont se heurter à leur détermination. La résistance contre eux sera justifiée et il leur sera très difficile de s’opposer à la volonté populaire, surtout qu’il ne s’agira pas d’une organisation structurée. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles les Américains se retirent d’Arabie saoudite. » Ce ne serait pas plutôt pour punir ce pays ? « Je crois surtout qu’ils ont peur de la réaction des populations. » Comment voyez-vous la prochaine étape ? « Il y aura peut-être un frein aux opérations, ou un ralentissement, mais la résistance se poursuivra. Nous avons déjà traversé des étapes difficiles. Après le sommet de Charm el-Cheikh, en 1996, tout le monde avait cru que la résistance était finie. Mais elle a repris de plus belle. Plus tard, nous avons décidé une trêve et ce sont les Israéliens qui ont assassiné deux des nôtres, nous poussant à reprendre nos activités. À Gaza, il n’y avait pas d’opérations-suicide, cela n’a pas empêché les Israéliens d’y sévir. Ce qui est sûr, c’est que pour l’instant, il sera impossible d’enregistrer des victoires. Mais tenir, dans de telles circonstances et lorsque l’ennemi est à l’apogée de sa force, est en soi une victoire. S’il ne parvient pas à imposer ses conditions dans une telle conjoncture, c’est qu’il ne pourra jamais le faire. » Scarlett HADDAD
Le timing n’est pas innocent, même si hajj Oussama Hamdane, représentant du Hamas au Liban, refuse d’y voir un lien avec la prochaine visite du secrétaire d’État américain dans la région. Pourtant, le message est clair : la résistance se poursuivra et si le nouveau gouvernement palestinien voudra désarmer les organisations, il devra recourir à la force et il se heurtera...