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Le timing du changement n’est pas d’inspiration syrienne

Contrairement à ce que beaucoup croient, le timing du changement ministériel n’a pas été retenu par Damas mais par les trois présidents libanais. En réalité, indiquent des sources parlementaires fiables proches des décideurs, ces derniers auraient préféré le maintien du statu quo. D’abord par élasticité, c’est-à-dire pour configurer un nouveau gouvernement en fonction des développements régionaux et des menaces US antisyriennes. Ensuite, pour garder le climat de détente issu de l’unification des rangs par rapport à l’Irak. Et de continuer de la sorte à ménager Bkerké. Les Syriens craignaient que la formation d’un nouveau cabinet, surtout mal représentatif de l’entente, n’entraîne des disputes qui ébrécheraient l’harmonie interne ainsi que les relations avec le patriarcat maronite. Mais les présidents Lahoud et Berry ont pensé que le moment était venu de mettre en place une équipe bien soudée, capable d’assumer la responsabilité face à une situation aussi critique que périlleuse. Le président Hariri, pour sa part, y était opposé, faisant valoir qu’il valait mieux réactiver les Trente. Il a vainement tenté de persuader M. Berry de remplacer les deux ministres que le mouvement Amal avait largués. Le président de la Chambre ne s’est pas laissé convaincre. Car cela faisait un bon bout de temps que, comme il en lançait régulièrement le faire-part nécrologique, le précédent gouvernement était mort et devait être enterré. Et il ne voulait pas d’un remaniement qui prolongerait sine die l’existence du zombie. D’autant qu’il espérait décrocher un meilleur quota dans le partage des portefeuilles. Même point de vue, à peu près, du côté du régime, peu satisfait de ce que le président Hariri disposât de la majorité au sein du Conseil des ministres. Il fallait, à son avis, un rééquilibrage. De façon à ce que l’on puisse rétablir la procédure constitutionnelle de décision par vote, annulée de facto ces dernières années parce qu’elle aurait provoqué l’implosion du pouvoir. De guerre lasse, le président Hariri a finalement informé les Syriens qu’il ne s’accrochait plus aux Trente et n’avait plus d’objection à un changement de cabinet. Il avait préparé le terrain en indiquant que son attachement au précédent gouvernement découlait d’une opinion purement personnelle, sous-entendu qu’il ne fallait pas y voir une position de combat fermement arrêtée. Recevant les députés de son bloc beyrouthin, il leur avait déclaré que la situation était bien plus délicate que deux ou trois semaines auparavant. Précisant que les USA et la Grande-Bretagne tentaient de consolider leur occupation de l’Irak et qu’il voulait, pour sa part, être utile à une Syrie devenue la cible d’une guerre psychologique intense. Alimentée par la propagation, à dessein, de rumeurs selon lesquelles ce pays hébergeait des dirigeants saddamites ou disposait d’armes de destruction massive. Il a répété sa pleine solidarité avec Damas, pour le pire et le meilleur, ajoutant qu’il n’hésiterait pas un instant à enclencher le départ du gouvernement qu’il dirigeait, si cela pouvait servir. De même, il a indiqué qu’il ne reculerait pas devant le devoir national de communion avec la Syrie, si on lui demandait de reprendre les rênes. Et qu’il était prêt à partir, si l’intérêt du pays le commandait. En affirmant ensuite que les considérations locales étriquées ne le dévieraient pas de la voie choisie. Et que nul ne pourrait l’induire en erreur. Les députés présents ont alors compris que le Premier ministre avait changé d’avis et qu’il s’apprêtait à démissionner. Selon certains, il s’est décidé quand il a compris qu’il ne serait pas écarté de la nouvelle combinaison, malgré les tentatives déployées dans ce sens par certains pôles qui citaient le nom du président Omar Karamé. En effet, il est apparu que la Syrie s’opposait à ce que l’on changeât de Premier ministre en même temps que de gouvernement. À partir de ce moment, ajoutent les mêmes sources, Damas a fait savoir qu’elle entérinerait tout accord entre les trois présidents. Mais elle a exigé que le remplacement se fasse dans les meilleurs délais car la gravité de la situation ne permettait pas une crise ministérielle prolongée, livrant le Liban à des secousses politiques. La célérité voulue a été assurée. Mais il semble qu’à cause d’une pléthore de cuisiniers, le plat mijoté ait été plutôt raté. L’opinion, Bkerké et d’autres ont été déçus par une formation qui se contente de changer quelques personnes, sans rien modifier à la ligne de fond erronée précédemment suivie. Le président Hariri a explicité au patriarche Sfeir, en réponse aux questions du prélat, les conditions dans lesquelles le changement s’est déroulé. À son tour, le chef de l’État s’est entretenu avec le cardinal à l’occasion de Pâques, sur le même sujet et sur la conjoncture régionale, les pressions US sur la Syrie ainsi que leurs répercussions sur le Liban. Il a mis l’accent sur le danger de l’implantation. Le patriarche a indiqué qu’il comprenait les aléas de la conjoncture, mais qu’il aurait souhaité un gouvernement concrétisant vraiment la solidarité nationale. Il a cependant souhaité bonne route au nouveau cabinet. Dans son homélie, il a apprécié les efforts du pouvoir et la lucidité des Libanais par rapport aux dangers régionaux. En notant ensuite que l’opinion se plaint toujours d’un manque d’entente politique, de l’exclusion de certaines franges. Émile KHOURY
Contrairement à ce que beaucoup croient, le timing du changement ministériel n’a pas été retenu par Damas mais par les trois présidents libanais. En réalité, indiquent des sources parlementaires fiables proches des décideurs, ces derniers auraient préféré le maintien du statu quo. D’abord par élasticité, c’est-à-dire pour configurer un nouveau gouvernement en...