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Exécutif - La formation du gouvernement aura pris moins de 48 h, après des consultations au pas de charge La nouvelle équipe ministérielle renforce les positions de Lahoud et de la Syrie

Les Libanais ne se faisaient certes pas trop d’illusions quant à la coloration politique du nouveau gouvernement. Mais ils espéraient quand même un peu que ce cinquième cabinet Hariri refléterait, ne fut-ce que d’une manière symbolique, le climat de « détente interne » que le pouvoir se plaisait à entretenir ces derniers temps à la faveur des prises de position conciliantes adoptées par Bkerké à l’égard de Damas. Mais hier soir, la profonde déception et l’amertume étaient au rendez-vous. Au terme de consultations parlementaires effectuées hier au pas de charge par le Premier ministre désigné, Rafic Hariri, la composition de la nouvelle équipe ministérielle a été annoncée en début de soirée (voir par ailleurs). Entre la démission surprise de M. Hariri tard mardi soir et les consultations parlementaires effectuées en quelques heures par le président Émile Lahoud mercredi dernier en vue de la désignation du chef du gouvernement, la mise en place du nouveau cabinet s’est faite en moins de quarante-huit heures. Cette célérité surprenante semble indiquer que la formule ministérielle était déjà prête, façonnée sur mesure, le flottement s’étant limité à un ou deux noms. Les milieux locaux qui avaient donc espéré que la composition du gouvernement refléterait dans une certaine mesure une ouverture en direction du patriarche maronite et du courant qu’il représente ont du ainsi rapidement déchanter. Non seulement la perche tendue n’a pas été saisie, mais les ministres sortants connus pour leurs liens étroits avec Bkerké (Pierre Hélou, Georges Frem et Fouad el-Saad) ont été écartés au profit de personnalités dont l’alignement sur Damas ne fait pas l’ombre d’un doute (Karim Pakradouni, Farès Boueiz). Et dans le même temps, l’influence syrienne sur le cabinet a été sensiblement renforcée par la désignation de ministres soit totalement inféodés à Damas (Assem Kanso, Assaad Hardane) ou alliés de longue date à la Syrie (Michel Samaha, Jean Obeid). Au lieu de l’ouverture tant attendue, on assiste donc à un affaiblissement notable de la représentativité chrétienne et à un accroissement non moins notable de l’emprise de Damas sur l’Exécutif. Face aux développements régionaux lourds de conséquences, la raison d’État syrienne l’a ainsi emporté, une fois de plus, sur les impératifs purement libanais. Cette syrianisation ouverte s’accompagne d’un rééquilibrage entre les trois pôles du pouvoir au niveau de l’Exécutif. Le président Émile Lahoud semble s’être taillé la part du lion au sein de la nouvelle équipe. En cas de vote en Conseil des ministres, il peut en effet compter sur le soutien de non moins de neuf ministres (Issam Farès, Jean-Louis Cardahi, Khalil Hraoui, Élias Murr, Élie Skaff, Michel Samaha, Sébouh Hovnanian, Karim Pakradouni et Talal Arslane), auxquels on pourrait ajouter en certaines circonstances Karam Karam, Mahmoud Hammoud et Assaad Hardane. Le chef du Législatif, Nabih Berry, est représenté par six ministres qui lui sont acquis : Ayoub Hmayed, Assaad Diab, Ali Hassan Khalil, Ali Hussein Abdallah, Michel Moussa et Abdel-Rahim Mrad. M. Berry s’est ainsi débarrassé de Mohammed Beydoun et Mahmoud Abou Hamdane qui étaient censés le représenter dans le précédent cabinet, mais qui ont été récupérés, chemin faisant, par M. Rafic Hariri. Le chef du gouvernement, quant à lui, paraît être le grand perdant de ce changement ministériel. Il conserve, certes, des postes-clés, en l’occurrence les Finances (Fouad Siniora) et la Justice (Bahige Tabbarah), et a pris le contrôle de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur en la personne de Samir Jisr. Il n’a pu, en revanche, obtenir la désignation d’un ministre chrétien allié. M. Michel Pharaon, qui assurait la représentation de Beyrouth, a été évincé sans que M. Hariri ne puisse imposer à sa place Atef Majdalani. L’un des plus proches collaborateurs de M. Hariri, le ministre sortant de l’Économie, Bassel Fleyhane (minorités), ne fait pas partie de la nouvelle équipe, mais le portefeuille de l’Économie a été attribué à M. Marwan Hamadé qui maintient de bons rapports avec le Premier ministre. Cette redistribution des cartes au sein de l’Exécutif au profit du président Lahoud et au détriment du Premier ministre revêt une importance certaine, au plan strictement interne, à l’approche de l’échéance présidentielle de 2004. Mais pour l’heure, une nouvelle cassure s’est opérée entre le pouvoir et une large fraction de l’opinion chrétienne solidaire de Bkerké et de Kornet Chehwane. Il faudra sans doute beaucoup d’efforts palpables pour rétablir la confiance à ce niveau. La question est de savoir, cependant, si le régime, et avec lui la Syrie, désire réellement placer le pays sur la voie d’une véritable réconciliation nationale. Michel TOUMA
Les Libanais ne se faisaient certes pas trop d’illusions quant à la coloration politique du nouveau gouvernement. Mais ils espéraient quand même un peu que ce cinquième cabinet Hariri refléterait, ne fut-ce que d’une manière symbolique, le climat de « détente interne » que le pouvoir se plaisait à entretenir ces derniers temps à la faveur des prises de position...