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Nouveau gouvernement - On prend les mêmes et on recommence ? Un simple lifting aurait sans doute mieux valu... Ni (pré)vision ni bon sens, juste une supersyrianisation programmée

La guerre d’Irak, avait-il dit quelques heures après que les premiers Tomahawk eurent commencé à enflammer Bagdad, est un énorme coup de poker. D’où la réticence de la majorité des États du monde, qui n’aime pas le poker. Ghassan Salamé avait continué : « Cette guerre peut avoir un début et une fin. Ou alors elle peut accoucher de plusieurs guerres. » En comprenant le mot guerre autrement que par sa définition militaire, ferrugineuse, sanguinaire. Le coup de poker, avait précisé le ministre de la Culture sortant, est que si Liberté pour l’Irak s’avère quick and clean, « elle tétanisera tellement les différents acteurs régionaux que tous les autres problèmes pourraient, à en croire Colin Powell, être réglés pacifiquement, par la seule arme de dissuasion ». Concrètement : les régimes syrien, libanais, saoudien, entre autres, recevront une « laundry list » américaine qui sera particulièrement fournie. Et ils seront tellement impressionnés qu’ils ne pourront que répondre ultra positivement aux exigences US. Celles véhiculées par l’insensé James Bolton, par exemple. Un faucon parmi les faucons au sein de la camarilla de la Maison-Blanche. La guerre d’Irak a été tellement quick and clean – pour l’instant – que même... Jacques Chirac a décidé de s’adonner au pragmatisme pur. La « laundry list » américaine adressée au docteur Bachar et à ses « protégés » syriens n’a pas tardé. Avec, en parallèle, une cascade d’accusations, couronnée par celle de George W. Bush lui-même. Et une liste de desiderata : se débarrasser de la vieille garde léguée par Hafez el-Assad, fermer les bureaux du Hamas et du Jihad islamique à Damas, en finir avec le Hezbollah-branche militaire comme avec la satellisation du Liban, libéraliser et démocratiser la Syrie. Des oreilles qui se disent très fines auraient même entendu parler d’une dissolution du Parlement syrien, suivie d’élections, desquelles émergerait une forte proportion d’opposants (encore faut-il que ce concept-là puisse voir le jour sur les rives du Barada). Tout cela n’est que supputations. Vœux pieux. Hypothèses. Plans sur la comète, à la rigueur. Le concret, aujourd’hui, c’est la démission du gouvernement Hariri. Dire que celle-ci aurait pu engendrer de si beaux lendemains. Encore fallait-il que les dirigeants libanais, contrairement à leurs collègues syriens, aient été capables de mesurer, à sa juste intransigeance, la détermination de l’Administration américaine à remodeler, sinon dans sa forme (ses frontières), du moins dans son fond (la démocratisation de ses régimes), la région proche-orientale. Les Libanais désespéraient du manque total de vision de leurs responsables ; ils ont aujourd’hui tout le loisir de mesurer l’absence flagrante de tout bon sens. L’intelligence pratique commandait, au lendemain de la chute de Bagdad et de la part des tuteurs de Damas comme de celle des pupilles de Beyrouth, l’instauration d’un gouvernement d’entente et d’union nationales, un cabinet d’exception capable, pour citer Nassib Lahoud, d’engager des réformes démocratiques, de rééquilibrer les relations libano-syriennes, « dans le respect de la souveraineté libanaise et des intérêts stratégiques syro-libanais ». Les Libanais peuvent attendre ! Au lieu de prévoir, les responsables ont programmé. Même une opération de cosmétique, un simple lifting – inutile et complètement stérile – dont aurait écopé l’actuel gouvernement, ou un simple rééquilibrage des berryistes, auraient eu au moins le bien étrange mérite d’être moins hypocrites et moins nocifs que cette supersyrianisation qui, visiblement, est en train d’être concoctée – si ce n’est déjà fait – et qui, tout naturellement, devrait déboucher sur un cabinet Mohammed Miro bis. Au lendemain de la guerre contre l’Irak, c’est inouï. Certes, la coordination et la coopération libano-syriennes, à l’heure des menaces US, se doivent d’être renforcées. Sauf que ce n’est pas en multipliant, en ce moment en particulier, les béni-oui-oui que l’on risque de servir les intérêts des deux pays. Ce n’est pas avec un Nasser Kandil, un Assaad Hardane, un Assem Kanso, un Ali Hassan Khalil ou un Jean Obeid que l’on risque de faire évoluer les choses vers un mieux quelconque. Ce n’est pas en demandant à Farès Boueiz ou à Michel Samaha de rempiler – quelles que pourraient être leurs qualités respectives – que le renouveau s’installerait. Ce n’est pas en faisant croire à la présence, au sein des futurs Trente, d’Omar Karamé – « c’est une mascarade », a-t-il dit – ou de Sélim Hoss que l’on donnerait le change. Ce n’est pas en exigeant un portefeuille pour l’incroyable Karim Pakradouni que l’on convaincrait qui que ce soit. Ni en gardant Abdel-Rahim Mrad, Karam Karam, Khalil Hraoui ou Sleimane Frangié, Mahmoud Hammoud. Ce n’est pas en offrant un hochet à un membre de Kornet Chehwane que l’on pourrait faire croire à la quasi-totalité de l’opposition qu’on commence à la prendre en compte – elle et ses idées – que l’on cacherait aux yeux des Libanais une volonté de noyauter son principal pôle d’opposition. Et Boutros Harb ou Salah Honein, s’ils acceptent le poste, ne devront pas oublier tous leurs discours flamboyants sur la démocratie, les libertés et la présence syrienne, en ne pensant qu’à constituer un trait d’union entre KC et le régime. Enfin, ce n’est pas en tablant sur une toute relative représentativité des ministrables au détriment de leur compétence que l’on servirait les intérêts des Libanais. Quant à Rafic Hariri, il est là, encore une fois, par défaut. « Qui d’autre que lui pourrait mener à bien aujourd’hui la relance économique du pays ? » dit la majorité des Libanais. Si l’on veut. Mais le Hariri cuvée 2000, comme Bachar el-Assad lorsqu’il a succédé à son père, a déçu. En n’étant pas à la hauteur des espérances qu’il a, consciemment ou pas, incarnées. Le Premier ministre a prouvé, depuis sa récupération du Sérail il y a deux ans, sa totale inaptitude à imposer, hors du domaine économique – et là, aussi, il n’y a pas que des bravos –, sa capacité à appliquer son décret ministériel, clairement en faveur de la défense des libertés, de la démocratie et de l’État de droit. Pourra-t-il le faire aujourd’hui ? D’autant plus qu’à en croire les rumeurs, les hommes du président (Hariri) seront bien moins nombreux que ceux de la précédente équipe. Que la grosse part du camembert, c’est aux porte-voix syriens qu’elle sera dévolue. Et Émile Lahoud... Que lui reste-t-il à prouver ? Quand donc se décidera-t-il à devenir le président de tous les Libanais ? Quand donc exigera-t-il l’abandon définitif de cette ignoble logique du vainqueur et des vaincus ? Morale de cette mauvaise sitcom : les Libanais ne sont pas seulement pris pour des imbéciles. Ils sont également pris en otages. Otages d’une concomitance des deux volets, libanais et syrien, qui, au lieu de faire en sorte que les deux peuples s’entraident, les noie. L’un comme l’autre. Finalement, nous n’avons que les dirigeants que nous méritons. Ziyad MAKHOUL
La guerre d’Irak, avait-il dit quelques heures après que les premiers Tomahawk eurent commencé à enflammer Bagdad, est un énorme coup de poker. D’où la réticence de la majorité des États du monde, qui n’aime pas le poker. Ghassan Salamé avait continué : « Cette guerre peut avoir un début et une fin. Ou alors elle peut accoucher de plusieurs guerres. » En comprenant...