Rechercher
Rechercher

Actualités

Bagdad ou l’effondrement d’une citadelle arabe de l’antiaméricanisme(photo)

Aux yeux des Arabes, Bagdad sous Saddam Hussein était la citadelle de la résistance à l’hégémonie américaine dans la région, mais ce statut a volé en éclats avec l’entrée des troupes américaines. Contrairement aux masses arabes, pour lesquelles la prise de la capitale de celui qui se posait en champion de leurs causes s’apparente à une occupation, ses habitants se disent prêts à s’en accommoder du moment qu’elle les débarrasse de Saddam Hussein. « Nous ne considérons pas la présence des soldats américains comme une occupation. Ils sont venus nous libérer de l’injustice, de la tyrannie et de l’esclavage », dit Diya Abdel Hussein, un ingénieur de 41 ans. « Sous Saddam Hussein, notre vie n’avait aucune valeur, aucun sens », ajoute Diya, interrogé à quelques mètres d’un barrage tenus par des Marines dans le centre de la capitale. Selon lui, la débandade irakienne face à l’armée américaine, qui est entrée triomphalement dans Bagdad sans résistance notable, est tout à fait logique. « Si nous croyions à cette guerre, nous les aurions empêchés d’entrer en Irak mais nous savons qu’ils sont venus nous libérer », explique-t-il avec emphase. Comme beaucoup d’Irakiens, Diya pense que les forces américaines ne resteront pas des années en Irak. « Ils vont rester jusqu’à ce que la situation se stabilise, pas plus. Sinon le peuple va les combattre », assure-t-il. S’appuyant sur une puissante machine de propagande, Saddam Hussein avait réussi à rallier le soutien de millions d’Arabes en se présentant comme le futur libérateur de la Palestine et en promettant de chasser les troupes américaines stationnées dans le Golfe. Bagdad était ainsi devenu ces dernières années La Mecque des militants nationalistes arabes pourfendeurs de l’hégémonie américaine. Même les plus marginaux parmi eux y étaient reçus avec tous les égards, souvent par Saddam Hussein en personne. Dans un pays où la moindre critique de Saddam Hussein pouvait facilement être fatale à son auteur, les Irakiens tressaient des lauriers au chef de l’État pour son soutien financier à l’intifada palestinienne mais aujourd’hui ils l’accusent d’avoir dilapidé l’argent de l’Irak pour se bâtir un statut de héros dans le monde arabe. « Les Irakiens aiment la Palestine et sont prêts à participer à sa libération, mais Saddam Hussein exploitait cette cause à des fins de propagande », affirme Samir Khadhem, étudiant en histoire à l’université de Bagdad. « Celui qui aime la Palestine irait combattre Israël et non pas l’Iran et le Koweït comme l’a fait Saddam », ajoute-t-il. Selon Hachem Ahmed, architecte de 35 ans, le peuple irakien a « accueilli chaleureusement les Américains car ils sont venus mettre fin à l’injutice, aux exécutions et à la pauvreté dont nous avons souffert sous Saddam ». « Si le peuple irakien avait été capable de se libérer par ses propres moyens, il n’aurait pas accueilli les Américains à bras ouverts », ajoute-t-il, estimant toutefois que ces derniers « ne doivent pas rester plus de six mois en Irak ». « S’il voulait vraiment libérer la Palestine, il aurait noué des alliances avec la Syrie et l’Iran », deux pays dont les relations avec l’Irak se sont détériorées depuis l’avènement de Saddam Hussein au pouvoir en 1979, poursuit Hachem. Un passant, qui préfère taire son nom « de crainte que les agents du régime ne soient toujours actifs », estime que la prise de Bagdad par l’armée américaine « est le prix à payer pour la liberté ». « Si ce sont les Américains qui nous rendent la liberté, ils sont les bienvenus et s’ils respectent notre dignité ils peuvent rester tant qu’ils le veulent », confie-t-il. Saadi Chihab, un homme d’affaires sexagénaire, est un des très rares Irakiens interrogés à contester ce raisonnement. « Il me fait mal au cœur de voir notre pays, qui a traditionnellement défendu toutes les causes arabes, foulé par les bottes de l’étranger », dit-il. « Il ne faut pas corriger une erreur par une autre. Est-ce qu’il y a un seul régime arabe qui ne soit pas corrompu », s’emporte-t-il. Réputés fiers et nationalistes, les Irakiens ne tolèrent pas la moindre mise en cause de leur patriotisme après la réception triomphale accordée aux forces américaines. Un Égyptien qui a accusé un groupe d’Irakiens rassemblés dans le centre de Bagdad d’avoir « vendu leur pays » a ainsi été pris à partie par la foule avant d’être secouru par des Marines qui l’ont emmené à bord de leur véhicule.
Aux yeux des Arabes, Bagdad sous Saddam Hussein était la citadelle de la résistance à l’hégémonie américaine dans la région, mais ce statut a volé en éclats avec l’entrée des troupes américaines. Contrairement aux masses arabes, pour lesquelles la prise de la capitale de celui qui se posait en champion de leurs causes s’apparente à une occupation, ses habitants se...