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Hôtellerie - Licenciements, congés sans solde, réduction de salaires des employés Guerre et tourisme ne font pas bon ménage : le taux d’occupation n’est plus que de 20 %

Sévèrement touché par la guerre d’Irak, le secteur hôtelier du pays s’enfonce dans un inquiétant marasme. Diminution de salaires, congés techniques et licenciements sont devenus monnaie courante depuis le mois de mars. Et pour cause : le taux moyen d’occupation des hôtels de Beyrouth, estimé à 60 % en cette période de l’année, a chuté à 20 %. D’une part, la clientèle du Golfe tant espérée n’a toujours pas donné signe de vie ; d’autre part, les grandes manifestations, congrès ou séminaires, ont été reportées sine die, voire annulées. Refusant de se laisser aller au découragement, les hôteliers espèrent une issue rapide à la guerre et une reprise prochaine de leurs activités. Contrairement aux attentes des hôteliers qui prévoyaient un afflux de la clientèle du Golfe et une bonne saison printanière, la situation du secteur hôtelier a subi une baisse considérable depuis le début des opérations militaires en Irak. « Pour les hôtels de Beyrouth, dont le taux d’occupation varie entre 11 et 25 %, la situation est très mauvaise. Quant à ceux des autres régions, elle est tout bonnement catastrophique », déplore Pierre Achkar, président du syndicat des hôteliers, ajoutant que guerre et tourisme ne font pas bon ménage. « En effet, explique-t-il, non seulement le touriste occidental est inexistant, mais les hommes d’affaires, qui ne sont plus couverts par les assurances depuis le début de la guerre contre l’Irak, rechignent à venir dans une région en ébullition. Par ailleurs, toutes les conférences régionales, qui se déroulent généralement au Liban, ont été reportées ou même annulées, de même que de nombreux vols des compagnies aériennes. » « Quant aux touristes arabes dont on espérait la venue au Liban, ils ont préféré rester chez eux, auprès de leurs familles et de leurs biens », constate-t-il. « Si les Irakiens n’ont tout simplement pas les moyens de quitter leur pays, les Koweïtiens, eux, se sentent en sécurité chez eux », précise-t-il, réfutant la thèse selon laquelle ils ne sont pas venus au Liban pour des considérations politiques. Des estimations fausses Confirmant les propos du président du syndicat, les hôteliers communiquent volontiers leurs chiffres, certains préférant parler sous le couvert de l’anonymat. « Notre taux d’occupation actuel varie entre 20 et 30 %, alors que l’année passée, à la même période, ce taux était de 70 % », explique la responsable d’un hôtel d’Achrafieh dont la clientèle d’hommes d’affaires est normalement importante en cette période de l’année. Et de déplorer le nombre élevé d’annulations qui ont atteint 290 nuitées en un mois sur un total de 1 200. À l’hôtel Mövenpick où le taux d’occupation a atteint 10 % durant les deux premières semaines de la guerre, l’activité a certes repris, mais le taux d’occupation est bien loin d’être celui des normales saisonnières, estimées à 60 % par le directeur régional pour le Moyen-Orient du marketing et des ventes, Toufic Tamim. « Avec le retour partiel de la clientèle d’affaires, nous oscillons actuellement entre 25 et 30 % de taux d’occupation et sommes nettement moins pessimistes qu’au début de la guerre. Nous espérons aussi un redémarrage des congrès régionaux dès le mois prochain », confie ce dernier. Dans un complexe de Jnah géré par une chaîne internationale, le taux d’occupation ne dépasse toujours pas 20 %, alors qu’en cette saison, il atteint généralement 65 %. « Nous avions prévu que le Liban serait le lieu de repli des familles du Golfe, explique la responsable de communication, mais nos estimations se sont avérées erronées », dit-elle, ajoutant par ailleurs que tous les congrès ont été reportés ou même annulés. Si la situation n’est guère plus brillante au Grand Hills Village, à Broummana, le responsable du département du marketing et des ventes, Pierre Abou Rjeily, ne déprime pas pour autant. « Certes, en semaine, c’est le calme plat, mais en week-end, notre taux d’occupation atteint 85 % grâce aux séminaires que des sociétés étrangères organisent chez nous. Quant aux familles arabes, si elles ont préféré rester dans leurs pays plutôt que de venir au Liban, c’est uniquement parce qu’elles sont convaincues que la guerre sera courte et qu’elle ne devrait pas continuer au-delà de deux semaines. Comme les séjours au Liban leur coûtent nettement plus cher qu’ailleurs, ils ont différé leur venue à l’été prochain, une saison qui s’annonce bonne », dit-il. Et d’exprimer avec une note d’optimisme ses espérances pour le mois prochain, au cours duquel de nombreuses manifestations locales sont prévues. Licenciements en guise d’ajustements Les estimations des pertes du secteur depuis le début des opérations militaires sont estimées à des millions de dollars. « Pour pallier ces importantes pertes, de nombreux hôteliers doivent se résoudre à licencier du personnel ou à mettre certains de leurs employés au chômage technique pour une période indéterminée, alors que d’autres préfèrent réduire les salaires afin d’éviter les licenciements », déplore Pierre Achkar. À ce sujet, les hôteliers se font plus discrets, requièrent l’anonymat, parlent d’ajustements plutôt que de licenciements, expliquent que l’hôtellerie est un secteur qui regorge d’employés saisonniers. Dans un complexe géré par une chaîne internationale, 75 employés réguliers ont déjà été licenciés depuis le début de la guerre d’Irak. De même, le salaire mensuel de chaque employé a été réduit de 4 jours depuis le mois de mars. « Ces mesures évitent les pertes », remarque le responsable de l’hôtel, qui espère ne pas avoir à prendre des mesures plus drastiques. Dans un complexe hôtelier de montagne, une trentaine d’employés ont été licenciés, alors que le reste du personnel a été prié de prendre illico son congé annuel. « Mais ces licenciements relèvent plutôt d’une politique d’ajustement », précise le responsable de la communication, ajoutant que l’hôtel avait un surplus d’employés. Et d’ajouter que l’hôtellerie est un secteur où les emplois saisonniers sont très importants. « Nous sommes certains que l’été sera meilleur et que nous engagerons de nouveaux employés une fois la guerre terminée », observe-t-il. Ailleurs, l’on rechigne à parler de licenciement et on préfère se limiter à dire que les employés ont été priés de prendre leurs congés annuels en cette période creuse en attendant que la situation régionale se précise. Si les hôteliers refusent de se laisser aller au pessimisme, espérant encore sauver la situation, le président du syndicat lance un cri d’alarme à l’intention du gouvernement. « La Turquie et la Syrie soutiennent activement leurs secteurs touristiques qui subissent les contrecoups de la guerre d’Irak. Mais au Liban, c’est tout à fait le contraire », déplore-t-il, dénonçant l’augmentation du prix des billets d’avion et l’absence de politique de soutien au secteur touristique. « Personne n’a encore envisagé accorder la moindre aide au secteur qui accuse des pertes considérables, observe Pierre Achkar. Nous demandons juste à l’État de nous accorder des délais supplémentaires pour nous acquitter de nos factures d’eau, de téléphone et d’électricité », affirmant que de nombreuses institutions hôtelières ont été privées d’électricité. « Dans l’espoir que la guerre se termine le plus rapidement possible, il reste à souhaiter, conclut-il, que le gouvernement accorde un peu plus d’attention au secteur hôtelier. » Anne-Marie El-HAGE
Sévèrement touché par la guerre d’Irak, le secteur hôtelier du pays s’enfonce dans un inquiétant marasme. Diminution de salaires, congés techniques et licenciements sont devenus monnaie courante depuis le mois de mars. Et pour cause : le taux moyen d’occupation des hôtels de Beyrouth, estimé à 60 % en cette période de l’année, a chuté à 20 %. D’une part, la...