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Causerie - Débat à l’Institut des sciences politiques de l’USJ Du scénario idyllique au scénario catastrophe

Une fois de plus, c’est l’Irak et les répercussions de la guerre annoncée qui ont été vendredi dernier, au centre d’une causerie - débat organisée par l’Institut des sciences politiques de l’USJ. Plusieurs analystes – Michel Girard, professeur de relations internationales à Paris I, Élias Bou Assi, professeur de relations internationales à l’USJ, Samir Kassir, professeur des sciences politiques à l’USJ, et Salim Sayegh, professeur de droit international et de diplomatie à l’Université Paris-Sud (XI) – ont apporté un éclairage supplémentaire à une question qui préoccupe la planète entière. Que signifie le désaccord majeur entre les États-Unis et la France et par extension l’Europe, notamment sur la question irakienne ? Quels sont les scénarios possibles en cas de frappe américaine, et que deviendra le nouvel ordre international à la lumière notamment d’un remodelage de la région du Proche-Orient ? Ce sont les interrogations auxquelles ont tenté de répondre, à tour de rôle, les intervenants devant un parterre d’étudiants de plus en plus mobilisés par l’actualité internationale. Également présents, Michel Pipelier, consul général à l’ambassade de France, et Jean-Claude Hollirich, professeur à l’Université de Sophia à Tokyo. « La crise transatlantique relève-t-elle d’un malentendu ou d’une différence épistémique », s’interroge le premier intervenant, M. Girard. Constatant qu’il s’agit bien plus que d’un simple malentendu, l’analyste va jusqu’à dire que l’on assiste aujourd’hui à « une divergence fondamentale de vision » entre les États-Unis et l’Europe. Faisant référence à un spécialiste des relations internationales, Robert Kagan, très en vogue actuellement, M. Girard réfute la thèse de celui-ci selon laquelle les Européens ont « un autre rapport à la puissance » du fait qu’il sont « impuissants militairement ». Selon Kagan, « le différentiel de puissance sur le plan militaire et stratégique entre l’Europe et les États-Unis conduit à une différence dans la valorisation de la puissance », explique l’intervenant. Pour Kagan, « les Européens habillent leur faiblesse en étant très réticents sur l’emploi de la force et jouent la carte de la coopération». Robert Kagan « a tort de supposer que les États européens mènent des politiques qui sont exactement calculées à l’aune de la puissance militaire qu’ils détiennent », affirme M. Girard. Poussant plus loin son analyse de la crise transatlantique, l’intervenant constate que la lecture que les Américains font de leur histoire est « différente » de celle que les Européens font de la leur, d’où, dit-il, une divergence qu’il qualifie d’« épistémique ». Selon les Américains, « le monde est brutal et dangereux ». Il est peuplé par « les forces du mal », alors que les Européens conçoivent le monde comme étant « familier, un monde de pays voisins et amis qui sont partenaires de l’Union européenne », souligne M. Girard. Aux yeux de l’Europe, le monde est celui de la « coopération » et de la « discussion ». Cela ne veut pas dire pour autant que le Vieux continent ait une vision favorable du régime irakien, précise le conférencier. Au contraire, dit-il, l’Europe considère l’Irak comme « un pays plutôt dangereux. Mais c’est un danger parmi d’autres dans un monde qui n’est pas que danger ». Ainsi, l’Europe conçoit son environnement comme un espace qui n’est pas seulement conflictuel. Par conséquent, « l’emploi de la force ne s’impose pas nécessairement », dit-il. Dans une tentative d’analyse du « nouvel ordre international qui s’est progressivement instauré » après l’effondrement du système bipolaire, M. Bou Assi explique comment les deux logiques de la dimension légale du système international et de la dimension du rapport de forces continuent de s’affronter. La première est incarnée par « le camp de la paix » représenté au sein du Conseil de sécurité de l’Onu, la seconde, par « la volonté américaine d’esquisser un nouvel ordre international », régi par la puissance. Prenant la parole à son tour sur le thème de la « recomposition du Proche-Orient », Samir Kassir évoque deux scénarios possibles dans la région, à savoir un scénario idyllique « pour les Américains et pour d’autres pays » et un scénario catastrophe. Dans le premier cas, il s’agirait d’une guerre qui contribuerait « à susciter un changement aussi bien dans la culture politique qu’au niveau du régime saoudien ». M. Kassir rappelle que la crise irakienne a été « dictée » par l’Administration américaine en fonction d’une part de « l’enjeu du pétrole», un objectif antérieur au 11 septembre. Et, d’autre part, de motivations postérieures aux attentats du WTC, à savoir la lutte contre une culture dite « non démocratique », incarnée par Ben Laden et ses disciples, qui a pour terreau principal l’Arabie saoudite. Quant au scénario catastrophe, il implique que la guerre sera « sale » et que, pris de lassitude, les États-Unis, trouvant trop compliqué de diriger l’Irak, se contenteront de sécuriser les zones pétrolières, laissant le champ libre à une guerre civile, poursuit M. Kassir. Le risque d’une « benladisation » de l’opinion publique saoudienne que ralliera éventuellement une partie de l’élite gouvernante n’est pas non plus à écarter, dit-il. « Quels ques soient les scénarios, affirme à son tour M. Sayegh, deux ordres internationaux pourraient voir jour : celui de la sécurité collective revigorée, passant par un Conseil de sécurité renforcé, ou celui du système de l’équilibre de forces classiques. » Le premier scénario suppose l’affaiblissement des États-Unis pour une raison ou pour une autre à partir de la crise irakienne. Ainsi, dit-il, « cette puissance subira une limitation de facto par le jeu multilatéral et de coalitions et sera forcée à travailler dans une logique d’échanges et non de domination ». Le second scénario implique le « renforcement » de la puissance américaine, avec le triomphe de l’unilatéralisme et l’émergence d’un monde tripolaire (USA + GB, France + Russie, et la Chine). Jeanine JALKH
Une fois de plus, c’est l’Irak et les répercussions de la guerre annoncée qui ont été vendredi dernier, au centre d’une causerie - débat organisée par l’Institut des sciences politiques de l’USJ. Plusieurs analystes – Michel Girard, professeur de relations internationales à Paris I, Élias Bou Assi, professeur de relations internationales à l’USJ, Samir Kassir,...