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Humanitaire - Une dizaine de familles irakiennes arrivent chaque nuit au Liban Le centre des migrants de Caritas prêt pour tous les scénarios...

Une dizaine de familles irakiennes qui arrivent clandestinement chaque nuit au Liban et qui finissent généralement par frapper à la même porte, des préparatifs pour « être prêts à toute éventualité » : le centre des migrants, ouvert par Caritas en 1994, est plus que jamais une ruche. Ici, l’humanitaire n’est pas un vain mot et la solidarité une réalité. Mais il y a tant à faire. Si les directives de Caritas dans le monde sont très claires : il faut aider les clandestins quelle que soit leur appartenance confessionnelle ou nationale, toute la bonne volonté du monde reste insuffisante face à la catastrophe attendue. Ce n’est pas un centre d’accueil à proprement parler, mais un lieu accueillant où les clandestins, ou plutôt les migrants comme on les appelle ici, sont entendus, épaulés, orientés, bref pris, autant que faire se peut, en charge. Ouvert en 1994, sous la pression des migrants soudanais, abandonnés du monde entier et survivant dans les pires conditions, le centre a été placé sous le contrôle d’un conseil d’administration présidé par M. Kamal Sioufi et dirigé pendant quelques mois par sœur Yola Nasr, avant d’être confié à Mme Najla Tabet Chahda, au sourire chaleureux et aux propos intarissables, dès qu’il s’agit d’évoquer « son centre ». Un financement autonome et des projets à la pelle Ici, une vingtaine de personnes, qui deviendront bientôt quarante, lorsque le centre aura déménagé vers des locaux plus vastes, se dévouent pour aider ceux qui quittent leur pays dans le plus grand dénuement, à la recherche de lieux plus sûrs, ou en quête d’un avenir. Doté d’un statut spécial, ce centre dispose d’un financement autonome : les fonds des Caritas dans le monde et des aides spéciales pour des projets précis, accordées par l’Union européenne notamment. Aujourd’hui, le centre jouit d’un budget important, mais il y a tant à faire que la directrice se désole de son impuissance face à la misère qu’elle voit défiler devant ses yeux. En principe, le processus est simple : les migrants qui ont besoin d’aide se présentent à la porte du centre et sont aussitôt reçus par les assistantes sociales et, si leur problème est juridique, par les avocats qui travaillent pour le centre. Mais les travailleurs du centre ne se contentent pas d’attendre que les demandeurs frappent à leurs portes. Les assistantes sociales se rendent régulièrement sur le terrain, à la recherche de ceux qui cachent leur détresse dans des taudis que refuseraient même les animaux errants. Et, maintenant, elles savent localiser les groupes. Par exemple les Irakiens, puisqu’ils constituent actuellement le plus gros nombre de migrants : les chrétiens se concentrent à Fanar et les chiites à Hay el-Sellom. Les Soudanais, eux, sont à Nabaa ou à Choueifate. Les assistantes sociales essaient de les aider, s’ils ont besoin notamment de soins médicaux, d’orientation pour remplir les formalités exigées par le Haut Comité pour les réfugiés de l’Onu (HCR), ou encore tentent de leur débrouiller un travail provisoire, même illégal, parce que généralement ils n’ont pas de papiers d’identité en règle, pour leur permettre d’attendre une issue avec un minimum de ressources. Le centre négocie aussi avec les écoles l’admission des enfants, bref tente de leur assurer une vie plus ou moins décente. Il arrive même que le centre, lorsque l’occasion s’en présente, débrouille un immeuble qu’il loue ensuite aux familles de clandestins à des prix symboliques. Il a ainsi pris un immeuble à Mazraa, loué aux familles irakiennes, mais ce n’est pas toujours faisable, faute de moyens. Il arrive aussi au centre de payer les billets aux réfugiés acceptés dans certains pays, mais qui n’ont pas les moyens de faire face aux frais du départ. Une aide aux Irakiens « extrêmement vulnérables » Le centre mène de toute façon plusieurs projets de front, dans les camps palestiniens, avec la Sûreté générale, pour le centre de rétention, ouvert en 2000 face à Adliyé et qui accueille quelque 500 détenus de nationalité étrangère, qui, en principe, doivent être de passage, mais en fait restent plus longtemps faute d’argent pour se faire rapatrier... Mais aujourd’hui, le plus gros de ses efforts est destiné aux Irakiens « extrêmement vulnérables ». Ce programme d’aide a en fait commencé en 1996, mais son importance était limitée. Aujourd’hui, il occupe la plupart des travailleurs du centre, tant le flux d’Irakiens a augmenté. Désormais, il en arrive chaque nuit une dizaine de familles, pour la plupart des chiites ou des chrétiens. Et alors qu’il y a deux ans, leur nombre ne dépassait pas les 20 000, aujourd’hui, ils seraient près de 40 000 au Liban. Ils arrivent selon les circuits des passeurs, via la Syrie, traversant à partir de plusieurs points de la frontière. La plupart d’entre eux connaissent l’adresse du centre, de bouche à oreille, d’autant que Caritas est implantée en Irak. Une fois au Liban, ils se rendent généralement aux adresses qu’on leur a données et qui, grosso modo, sont celles de la communauté irakienne sur place. Ils viennent ensuite au centre, ou parfois ne viennent pas. Les assistantes sociales les découvrent alors au hasard de leurs tournées. Le centre commence par soutenir la famille, en lui donnant des matelas, des couvertures et parfois en lui débrouillant un toit et du travail. Ensuite, il lui donne une aide médicale et l’oriente vers le HCR. Lorsque celui-ci accorde le statut de réfugié, il donne cent dollars par personne. Ce qui est souvent insuffisant. C’est pourquoi le centre aide la famille à trouver du travail. Les femmes font souvent le ménage, alors que pour les hommes, c’est plus difficile. Des structures d’accueil en Syrie aussi Selon Mme Chahda, la Sûreté générale est souvent au courant de la présence de ces clandestins et de leur travail au noir, mais elle ferme les yeux pour des raisons humanitaires. Il y a huit mois, toutefois, leur situation était devenue si évidente que la Sûreté aurait été contrainte, toujours selon la directrice du centre, d’en rapatrier 600, mais vers le nord du pays, hors du contrôle du régime irakien, afin de ne pas avoir leurs vies sur la conscience. En tout cas, le Liban s’attend à accueillir de nombreux réfugiés au cours des prochaines semaines, via la Syrie. Pourquoi le Liban ? D’abord parce que le prix du passage est relativement abordable (maximum 200 dollars et les prix seraient en train de chuter, à cause de la forte demande) et ensuite, parce que le Liban reste aux yeux de ces réfugiés un point de départ vers l’Europe ou le reste du monde. Mme Chahda révèle aussi que la Commission commune de bienfaisance (CCB), qui est l’équivalent de Caritas en Syrie (où il n’y a pas de ONG), s’attend aussi à un afflux de réfugiés dans ce pays. Des assistantes sociales du centre se sont rendues en Syrie dans le but de former du personnel sur place, capable de prendre en charge d’éventuels centres de fortune qui seraient installés sur place. Déjà, le HCR a aménagé un camp pour réfugiés à Hassaké, à proximité de la frontière turque et la CCB serait sur le point d’ouvrir quatre nouvelles permanences, à Damas et au nord du pays. De son côté, le centre de Beyrouth pourrait mettre à la disposition du HCR ses cliniques mobiles et ce n’est pas par hasard s’il compte doubler ses effectifs très rapidement. C’est qu’au Liban, il y a aussi un autre problème, l’éventualité d’une explosion au Sud, si M. Ariel Sharon décide de lancer une opération contre le Hezbollah. Et là aussi, le centre, en coopération avec d’autres associations humanitaires, veut installer les structures nécessaires pour accueillir, aider et soigner les gens. « Nous voulons être prêts pour tous les scénarios, précise Mme Chahda, en espérant toutefois qu’il ne se passera rien. » Mais l’espoir se réduit chaque jour un peu plus, et devant la guerre qui s’annonce, il ne reste plus qu’à essayer d’aider ceux qui en subiront les conséquences. Scarlett HADDAD
Une dizaine de familles irakiennes qui arrivent clandestinement chaque nuit au Liban et qui finissent généralement par frapper à la même porte, des préparatifs pour « être prêts à toute éventualité » : le centre des migrants, ouvert par Caritas en 1994, est plus que jamais une ruche. Ici, l’humanitaire n’est pas un vain mot et la solidarité une réalité. Mais il y a...