Vie politique Spéculations sur une possible détente entre Baabda et Kornet Chehwane

Le rapprochement qui se profile à l’horizon entre Bkerké et Damas à la faveur d’une convergence de vues entre les deux parties concernant le dossier de la crise irakienne et l’ensemble de la conjoncture au Proche-Orient pourrait s’accompagner parallèlement de l’émergence d’un climat de détente entre Baabda et le Rassemblement de Kornet Chehwane, par l’intermédiaire de Bkerké. C’est du moins ce qu’affirment certaines sources politiques qui nuancent toutefois les informations en leur possession à ce sujet. Ces sources indiquent en effet que le président Émile Lahoud souligne devant ses visiteurs que le palais de Baabda est accessible à tout responsable politique qui souhaiterait discuter des problèmes qui se posent dans le contexte actuel sur le double plan local et régional. Mais le chef de l’État, précisent les milieux susmentionnés, estime que rien ne justifie, pour l’heure, qu’il accorde une entrevue au Rassemblement de Kornet Chehwane en tant que groupement politique. Il pourrait cependant recevoir tout membre du Rassemblement à titre individuel s’il en formulait le souhait. Il convient de rappeler dans ce cadre que le président Lahoud a déjà reçu à plusieurs reprises le député Boutros Harb qui représente l’un des principaux piliers de Kornet Chehwane. La question qui se pose dans ce cadre est de savoir si les autres pôles parlementaires du Rassemblement, notamment Mme Nayla Moawad et les députés Farès Souhaid, Nassib Lahoud et Pierre Gemayel, demanderont à être reçus séparément par le chef de l’État ou s’ils formeront, au contraire, une délégation représentant Kornet Chehwane pour s’entretenir des développements en cours avec le président Lahoud. Les milieux proches du palais de Baabda soulignent que la position de Bkerké définie dans le dernier communiqué de l’Assemblée des évêques maronites reflète aussi en toute vraisemblance la position du Rassemblement de Kornet Chehwane. De ce fait, précise-t-on de même source, il n’est pas nécessaire d’entamer dans les circonstances présentes des discussions portant sur des problèmes internes du fait que la conjoncture régionale et les perspectives de guerre en Irak imposent de geler tous les dossiers en suspens au niveau local, dans l’attente que se décantent les retombées possibles de la crise irakienne. L’attitude adoptée par le chef de l’État à l’égard de Kornet Chehwane pousse certains observateurs à s’interroger sur les raisons pour lesquelles le président Lahoud refuserait de recevoir l’opposition en tant que groupement politique intrinsèque alors qu’il a déjà accordé audience récemment au Rassemblement parlementaire de concertation (proche de Damas). La réunion avec Kornet Chehwane en tant que groupement pourrait s’avérer utile dans le contexte actuel non pas afin d’entamer un dialogue sur les contentieux internes, mais surtout afin de détendre l’atmosphère entre Baabda et l’opposition, le chef de l’État se devant de rester au-dessus de la mêlée et de pratiquer une politique d’ouverture envers tous les courants politiques locaux. Pour un dialogue triangulaire Si les circonstances présentes ne permettent pas d’engager un dialogue sur les problèmes internes en suspens, comme l’affirment les milieux proches du palais de Baabda, certains observateurs suggèrent qu’en attendant que l’horizon régional s’éclaircisse quelque peu, un dialogue triangulaire devrait au moins être enclenché entre Bkerké, Baabda et Damas afin de maintenir le climat de détente perceptible sur la scène locale. Une telle entente cordiale, si elle se confirmait dans les faits sur des bases solides, pourrait paver la voie à un assainissement plus global des rapports entre les différentes fractions locales, ainsi qu’entre l’opposition et le régime syrien. Auquel cas, un nouveau gouvernement pourrait alors être mis sur pied, lorsque la situation régionale le permettra. Et dans le sillage d’un tel processus de décrispation, il pourrait être possible de dégager un terrain d’entente au sujet des principaux dossiers en rapport avec les réformes politiques, économiques et financières qui devraient être appliquées sans délai dans le pays. La principale réforme attendue dans ce cadre est incontestablement celle de la loi électorale, le nouveau texte devant prendre en considération, cette fois-ci, le point de vue de Bkerké et de l’opposition chrétienne. Les démarches possibles de Joumblatt À en croire certaines sources d’information généralement bien informées, le leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, pourrait être amené à entreprendre dans un proche avenir des démarches auprès de Baabda et de Bkerké afin de faire fructifier l’impact positif qu’a eu le dernier communiqué de l’Assemblée des évêques maronites. De l’avis du leader du PSP, la prise de position de Bkerké et son appel du pied au président Bachar el-Assad pourraient constituer, en quelque sorte, un catalyseur à un processus véritable de réconciliation nationale qui s’avère d’autant plus nécessaire que l’ensemble du Moyen-Orient est à la veille d’une phase particulièrement délicate, qui risque de changer la physionomie géopolitique de la région. Comme l’ont souligné ces derniers jours plusieurs observateurs et responsables politiques, le pouvoir se doit aujourd’hui de saisir la balle au vol et de profiter du geste de bonne volonté effectué par Bkerké afin de prendre enfin l’initiative de l’organisation d’un vaste débat national sur les sujets de litige qui restent en suspens. Reste à savoir si le pouvoir saura réellement profiter du contexte actuel pour stimuler une entente entre les principales fractions locales au sujet de problèmes aussi épineux que la loi électorale, la décentralisation administrative, la réorganisation des médias audiovisuels et la loi sur les naturalisations. Émile KHOURY