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JOURNÉE MONDIALE DE LA FEMME - Discrimination interdite au travail, congés maternité prolongés Les lois ont évolué mais, sur le plan pratique, de nombreux abus subsistent(photos)

L’égalité des droits entre l’homme et la femme est chose acquise en Occident, au XXIe siècle. Mais la femme libanaise, elle, n’obtient encore ses droits qu’au compte-gouttes. Si d’importants changements ont été apportés à la législation en l’an 2000, protégeant ainsi et de manière partielle la femme au travail, l’application des textes laisse toutefois à désirer. La célébration, aujourd’hui samedi 8 mars, de la Journée mondiale de la femme est pour nous l’occasion de dresser un bilan de cette lente évolution concernant la femme libanaise au travail. Les derniers changements importants apportés à la législation concernant la femme libanaise au travail datent de l’année 2000. En effet, c’est au cours de cette année qu’a été adopté le texte le plus important et le plus innovateur, interdisant aux employeurs toute forme de discrimination à l’égard des femmes. Cette loi souligne que les conditions de travail doivent être les mêmes pour les femmes et pour les hommes. D’ailleurs, note Me Fadi Moghaïzel, « ce texte marque une évolution importante et consacre le principe d’égalité entre hommes et femmes ». La même année, d’importants changements transforment la législation sur la femme enceinte. Celle-ci est désormais protégée: elle ne peut en aucun cas être licenciée durant toute la durée de sa grossesse, alors que, précédemment, la garantie ne jouait qu’à partir du cinquième mois de grossesse. Par ailleurs, le congé maternité, initialement de six semaines, est prolongé à sept semaines. Des lois en mal d’application Certaines lois sont simples à appliquer, tandis que d’autres, notamment celle concernant la non-discrimination à l’égard des femmes, le sont moins. C’est la raison pour laquelle on constate un réel décalage entre les textes et leur mise en application. Quant aux abus, ils sont multiples, et de toute sorte. D’autant plus qu’il n’existe aucun organisme de contrôle qui soit à même de les constater. Les abus les plus fréquents concernent la non-inscription de l’employée à la sécurité sociale, le licenciement abusif ainsi que certaines questions relatives au salaire. La femme se trouve alors face à trois possibilités : Si elle est employée dans une grande entreprise, elle peut présenter une plainte auprès du syndicat de l’entreprise ou du ministère du Travail, solution simple et qui n’entraîne aucun frais. Si le syndicat ou le ministère du travail ne trouvent aucune solution au différend, l’employée peut alors présenter un recours auprès du tribunal du travail, procédure assez rapide qui nécessite un délai de 6 à 12 mois. Dans ce cas, elle n’aura qu’à s’acquitter des frais d’avocat, cette procédure étant exonérée de charges. C’est la femme qui travaille dans une petite entreprise qui est la moins bien protégée, car elle n’est affiliée à aucun syndicat qui puisse défendre ses droits. Le seul moyen auquel elle peut recourir est d’intenter un procès. Mais peu d’employées en arrivent à cette solution extrême car les frais de procès et d’avocat sont coûteux, et les femmes n’ont pas les moyens de les assumer, notamment en cette période de crise. Elles se résignent alors à accepter les abus dont elles sont victimes ou à démissionner tout simplement de leur emploi. Il arrive aussi que les femmes soient confrontées au harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Selon le rapport officiel publié en l’an 2000 par la Commission nationale de la femme libanaise, 150 plaintes ont été enregistrées auprès des Forces de sécurité intérieure en 1996, alors qu’en 1997, ce chiffre a atteint 281. Il est toutefois rare qu’une employée porte plainte pour harcèlement sexuel, vu l’aspect tabou du sujet. En effet, non seulement les femmes ont peur du scandale, mais il leur est difficile d’apporter les preuves d’une telle pratique. Dans la plupart des cas, elles quittent leur emploi. Malgré le problème qui prend de l’ampleur, aucun texte juridique n’aborde encore la question du harcèlement sexuel. Une réalité parfois difficile Les inégalités et les injustices que les femmes subissent rendent leur situation professionnelle difficile. Dans de nombreux cas, elles travaillent plus ou autant que les hommes pour un salaire inférieur. Quant à leur parcours au sein d’une entreprise, comparé à celui d’un homme, il est, certes, plus aléatoire. En effet, à qualifications égales, l’homme aura plus de possibilités de suivre des formations et des stages, et de grimper ainsi dans la hiérarchie. Par ailleurs, même si la femme bénéficie d’un avancement, elle atteindra un degré maximal au-delà duquel elle ne pourra plus être promue. Lutter contre cette situation est illusoire et seule une évolution des mentalités de la société libanaise permettra de sortir de cette impasse. À titre d’exemple, des infirmières travaillant en milieu hospitalier n’ont bénéficié d’aucune augmentation de salaire en quinze ans, alors qu’elles avaient obtenu un avancement. Malgré la possibilité qu’elles avaient de présenter un recours et d’obtenir des indemnités, elles ont refusé de le faire. Et pourtant, la loi était de leur côté. Elles ont tout simplement eu peur de porter plainte. Peu de femmes qui travaillent connaissent leurs droits, notamment les femmes illettrées qui ont difficilement accès à l’information. C’est la raison pour laquelle l’abus peut facilement passer inaperçu. Il est pourtant nécessaire pour les femmes de connaître les lois afin de pouvoir défendre leurs droits. C’est à ce problème que les associations et l’État ont tenté de remédier. En effet, en septembre 2001, la Commission nationale de la femme libanaise a organisé des sessions durant lesquelles des avocats ont informé les femmes sur leurs droits, fascicules à l’appui. Cette commission envisage de même de diffuser des spots télévisés sur la législation en vigueur. Me Elham Tannous Nassar explique cette mauvaise information des femmes par le fait que celles-ci n’ont pas assez de recul. Mais elle souligne, par ailleurs, la méconnaissance de cette loi par les hommes aussi. Diverses initiatives sont désormais prises par des ONG. En effet, depuis l’an 2000, le Centre pour la recherche et la formation sur le développement exécute un projet à l’intention des femmes rurales, financé par l’ambassade de Grande-Bretagne et par le Global Fund for Women. Ce projet, exclusivement consacré aux femmes du nord du pays, vise à faire prendre conscience à ces dernières de la valeur économique de leur travail. Travaillant majoritairement dans le secteur agroalimentaire moyennant une rémunération, elles sont par ailleurs averties des inégalités entre les hommes et les femmes, et conscientes de leur droit à disposer librement de leur salaire. Cette démarche constitue une première étape de la campagne d’éveil des femmes des milieux défavorisés. La prochaine étape visera les femmes d’autres régions, notamment la Békaa. À l’instar de ces projets, de nombreuses associations, notamment le Rassemblement démocratique des femmes libanaises, organisent des sessions chaque année dans de nombreuses régions libanaises pour expliquer leurs droits aux femmes. Encore faudrait-il que ces dernières n’aient pas peur de faire valoir leurs droits... Emanuella VINCENTI Abou Chédid Abou Chédid Principales lois en vigueur dans le code du travail - loi n° 207 datant du 1-6-2000 : l’employeur ne doit exercer aucune discrimination entre son employé masculin ou féminin ; - loi n° 207 datant du 1-6-2000 : toute femme travaillant a droit à un congé de maternité de sept semaines ; - loi n° 207 datant du 1-6-2000 : toute femme enceinte ne peut être renvoyée lorsqu’elle est enceinte ; - article 34 du code du travail : toutes les cinq heures, les femmes ont droit à une heure de repos ; - loi n° 380 de 1994 : la femme mariée peut exercer librement un travail sans la permission de son mari. Les femmes en grand nombre dans l’enseignement et le secteur bancaire Une étude, menée en 1998 sur les conditions de vie des familles par la Direction centrale des statistiques, montre l’importante présence des femmes dans certains secteurs professionnels, alors que leur présence est moins importante dans d’autres secteurs. Elles représenteraient ainsi 21,8 % de la main-d’œuvre. Ces chiffres doivent servir d’indicateurs, car beaucoup de femmes travaillant à leur propre compte et exécutant divers métiers ne sont pas prises en compte. Par ailleurs, les femmes travaillent principalement dans le secteur privé. Une autre étude réalisée en 1997 montre qu’un tiers des femmes actives assurent, au moins, les dépenses de la famille, ce qui n’est pas négligeable. Selon le rapport publié par la Commission nationale de la femme libanaise, publié en 1999, plusieurs conclusions s’imposent. Les femmes tiennent une place importante dans l’enseignement privé et public ainsi que dans le secteur bancaire. En effet, un tiers des employés de ce secteur sont des femmes. De plus, environ un quart des médecins et des magistrats seraient de sexe féminin. On note cependant une faible participation des femmes dans la fonction publique, mais aussi, dans les professions libérales et les médias, malgré une nette augmentation des chiffres dernièrement. Ajoutons que seulement 13,2 % des femmes sont cadres supérieurs dans le secteur privé. En 1998, le Centre des études féministes dans le monde arabe montre la répartition de la femme par profession: 25,1 % sont employées administratives, 24,8 % sont spécialisées dans l’éducation et la santé, 11,9 % sont employées dans les services, 8,8 % sont directrices, 6,7 % de femmes ne sont pas qualifiées, 2,9 % des femmes travaillent dans les associations et 0,8 % sont ouvrières agricoles. Il est, par ailleurs, important de souligner que les femmes sont faiblement représentées dans les centres de décision. Notons la faible participation des femmes libanaises à la vie politique. Si le régime politique est actuellement exclusivement présidé par des hommes, un décret datant de 1953 reconnaît les droits politiques des femmes libanaises indépendamment de leur degré d’instruction. Entre 1992 et 2000, uniquement cinq femmes ont accédé au pouvoir législatif.
L’égalité des droits entre l’homme et la femme est chose acquise en Occident, au XXIe siècle. Mais la femme libanaise, elle, n’obtient encore ses droits qu’au compte-gouttes. Si d’importants changements ont été apportés à la législation en l’an 2000, protégeant ainsi et de manière partielle la femme au travail, l’application des textes laisse toutefois à...