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Justice - La cour a entendu les avocats des parties civiles, dans l’affaire de la tuerie de l’Unesco Ahmed Mansour, « l’homme qui a une pierre à la place du cœur »(photo)

Pour les avocats des parties civiles, l’affaire est entendue et le dossier émouvant à souhait, permettant toutes les envolées lyriques. Me Badawi Abou Dib, mais aussi MM. Michel Lyan, Naji Boustany, Rachid Jalkh et Joseph Mikhaël, pour ne citer que ceux-là, ont laissé éclater leur indignation et leur révolte, au nom des héritiers des huit victimes d’Ahmed Mansour, surnommé « le tueur de l’Unesco », mais aussi au nom de la société libanaise dans son ensemble, arrachant des sanglots aux mères éprouvées et faisant briller des larmes dans les yeux de l’assistance. Prochaine audience vendredi, pour le réquisitoire du procureur Addoum. Dès son entrée dans la salle du tribunal, avec son habituelle escorte de sécurité, l’inculpé Ahmed Mansour sent que tout ira mal pour lui au cours de cette audience. De fait, dès qu’elle l’aperçoit, la mère de Maria Tabet, une des huit victimes, âgée de 29 ans, commence à l’invectiver, espérant lui arracher une réaction, une larme ou des mots de regret. Mais l’inculpé reste de glace, légèrement ennuyé par l’explosion de la mère, mais sans plus. Il entame alors son numéro, espérant s’attirer la sympathie de l’assistance, en mettant la main tantôt sur le cœur, tantôt sur l’épaule, avec des grimaces de douleur, tout en vérifiant bien si tout le monde le regarde, par des coups d’œil furtifs. Bref, un homme, comme l’a dit l’un des avocats, qui a une pierre à la place du cœur. Les invectives d’une mère éplorée À 15h30, la cour de justice nouvellement complétée par la nomination du juge Bourkan Saad, à la place d’Ahmed Moallam passé à la retraite, ouvre l’audience et donne la parole aux avocats des parties civiles, nombreuses dans cette affaire, en raison de la multitude de victimes, les huit morts bien sûr, mais aussi les blessés, dont certains comme Amina Zein sont encore à l’hôpital. Dans le camp adverse, il y a Ahmed Mansour bien sûr, défendu par Me Ibrahim Hariri, mais aussi, et c’est cela la nouveauté de ce dossier, la Mutuelle des enseignants, représentée par Me Badawi Abou Dib et à laquelle les avocats des victimes réclament des indemnités. Mais il n’est pas question pour Me Abou Dib de laisser la Mutuelle qu’il représente endosser la responsabilité de l’acte du tueur et avec l’éloquence qu’on lui connaît, il rappelle que son client est aussi partie civile. C’est d’ailleurs lui qui suscitera le plus d’émotion au sein de l’assistance, au point d’être interrompu à plusieurs reprises par les sanglots de Mme Thérèse Rahmé, mère de la présidente de la Mutuelle, Rachel, tuée par Ahmed qui lui a tiré seize balles dans le corps, et celle de Maria Tabet. Me Abou Dib est si véhément que même l’inculpé se cache un moment la figure, comme s’il ne peut supporter la dureté des propos qui lui sont adressés. En fait, dans cette horrible tuerie, la première du genre au Liban, qui avait d’ailleurs bouleversé l’ensemble du pays ce triste mercredi 31 juillet 2002, les faits sont déjà connus, le meurtre avec préméditation déjà pratiquement établi, même si les avocats se sont étendus sur ce point. Le seul élément encore mystérieux est le mobile de l’assassin, qui, bien qu’il ne mette pas en cause l’existence même du crime, peut pousser la cour à accorder ou non les circonstances atténuantes. Avec une grande clarté, modulant sa voix pour bien ménager ses effets, Me Abou Dib retrace le déroulement des faits. Il se rase, prend son café et... prépare ses armes Ahmed Mansour contracte donc un prêt de 18 millions de LL auprès de la Mutuelle. Comme il tarde à le rembourser, la présidente, Mme Rachel Rahmé Saadé, le convoque et le planton invoque une mauvaise conjoncture économique. Pourtant, dans son village, Loubiyé, où il se fait passer pour un notable, il ne ménage pas ses dépenses. Mansour finit par établir un mandat à Sami Ammache et Rachel Rahmé Saadé pour qu’ils encaissent ses indemnités et remboursent ainsi le prêt qu’il avait contracté. Mais il prend soin de falsifier la date de l’encaissement pour pouvoir percevoir avant l’échéance ses indemnités. Avec cette somme, il achète une « Chabah » (Mercedes 600). Comprenant la ruse, Mme Saadé lui demande de restituer la Mercedes et de lui donner l’argent. C’est alors que de son propre aveu, il a décidé de la tuer. Il prévoit d’agir rapidement, mais il est contraint de reporter son projet au 31 juillet, en raison d’une cérémonie en son honneur à Loubiyé, le 27 juillet. Jusqu’à cette date, il ne se rend plus au travail, disant à sa femme qu’il est fatigué. En fait, selon Me Naji Boustany, il craignait de trahir ses intentions. Le 30 au soir, il s’entend avec un chauffeur de taxi, Khalil Assaad, pour qu’il le conduise à Beyrouth le lendemain matin. Le 31, il se lève donc tôt, prend son café en compagnie du chauffeur, se rase et range les armes (un kalachnikov, un fusil « Scorpion », un revolver et une grenade) dans un sac de sport et monte dans le taxi. Il s’arrête même à Saïda, pour acheter des galettes au thym et poursuit ensuite son chemin vers le siège de la Mutuelle. Dès qu’il y arrive, il se dirige vers le bureau de Salah Zein. Il ferme soigneusement la porte et confie à son collègue son intention de tuer les autres fonctionnaires. Salah Zein, dont Me Lyan relèvera l’ambiguïté du rôle, tente de le dissuader, mais l’autre sort les armes et débloque le cran de sécurité. Puis il sort. Le reste des faits est encore dans toutes les mémoires, notamment comment il a choisi ses victimes, les poursuivant sur les balcons ou dans les armoires, fumant tranquillement une cigarette à la fin et essayant de se fondre dans la foule des fuyards, à la vue des FSI. Me Abou Dib évoque, dans ce cadre, ce qui avait été dit au cours de l’audience précédente, lorsque certains témoignages avaient laissé entendre qu’il y aurait eu beaucoup de gaspillage au sein de la Mutuelle (180 millions de LL). « Et même si cela était, lance Me Abou Dib, est-ce une raison suffisante pour tuer huit personnes ? De plus, est-ce vraiment à Ahmed Mansour de redresser les torts et de cette façon ? » L’avocat est offusqué par la volonté de certains de réduire cet horrible crime à une affaire de gros sous, d’autant que si Mansour en voulait à la présidente, il n’avait qu’à la tuer elle seule, avec un revolver. Ce thème est aussi repris par Me Ziad Baroud (avocat du syndicat des enseignants) qui affirme que la présidente a cherché à arrêter le gaspillage, en adoptant plusieurs mesures dans ce sens et, selon lui, s’il y avait, sous son mandat, des irrégularités, elles étaient administratives et non financières. Quel mobile ? Alors, le mobile serait-il confessionnel, comme l’a déclaré lui-même l’inculpé devant la Cour de justice ? Tous les avocats qui ont pris la parole hier ont rejeté cet argument. Me Abou Dib s’est ainsi référé à la merveilleuse entente islamo-chrétienne actuelle face à la volonté américaine d’attaquer l’Irak, alors que les autres plaideurs ont expliqué, par la lecture de versets, que le Coran n’autorise nullement ce genre d’actes. Sans oublier le fait que tous les collègues d’Ahmed entendus par la cour ont nié l’existence de frictions confessionnelles au sein de la Mutuelle. Comment, dans ce cas, expliquer cet acte inconcevable ? La folie, la maladie, la prise de médicaments, toutes les hypothèses ont été rejetées. Il n’en reste plus qu’une, la plus terrible de toutes, celle qui fait le plus mal aux proches des victimes et à la société, c’est que ce crime extraordinaire aurait donc été commis par un homme tout à fait ordinaire, d’une lamentable médiocrité, le cœur pétri de haine et de rancœur, mais l’esprit dépourvu du moindre sens moral. Que dira à ce sujet le procureur Addoum ? Il faudra attendre vendredi pour le savoir. Scarlett HADDAD
Pour les avocats des parties civiles, l’affaire est entendue et le dossier émouvant à souhait, permettant toutes les envolées lyriques. Me Badawi Abou Dib, mais aussi MM. Michel Lyan, Naji Boustany, Rachid Jalkh et Joseph Mikhaël, pour ne citer que ceux-là, ont laissé éclater leur indignation et leur révolte, au nom des héritiers des huit victimes d’Ahmed Mansour,...