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Vie politique - Phase d’exploration intensive Assad prend en charge personnellement le dossier libanais

«Père, gardez-vous à dextre. Père, gardez-vous à senestre », lançait le Dauphin à Jean le Bon, pendant la bataille de Poitiers. Le roi en eut ainsi la vie sauve. C’est en effet sur ses flancs que l’on est le plus vulnérable. Malgré la gravité de la situation régionale, ou plutôt à cause d’elle, la Syrie, qui en est consciente, accorde beaucoup d’attention ces temps-ci au dossier collatéral libanais. En fait, l’importance donnée par Damas aux relations avec les Libanais est si marquée que c’est le président Bachar el-Assad qui s’en charge désormais personnellement. Il cherche à s’informer en détail, en élargissant son horizon de vues. Ce qui est sans doute plus aisé à son niveau propre qu’à celui des officiers traitants habituels, relativement coupés de certains contacts, notamment avec la partie chrétienne toutes tendances (ou presque) confondues. Cependant, le jeune chef de l’État syrien, qui reçoit des Libanais en cascade ces jours-ci, se montre bien plus auditeur qu’interlocuteur. Il multiplie les questions détaillées à perte de vue, sans généralement exprimer d’opinion ou formuler des remarques. Manifestement, par l’éventail même de ses audiences, il souhaite entendre d’autres sons de cloche que ceux qu’il connaît déjà. C’est-à-dire qu’il ne se contente pas, tant s’en faut, de converser avec des amis patentés de la Syrie. Sa porte est ouverte devant quiconque songerait à la frapper. Ce qui signifie, en pratique, que le défilé n’englobe quand même pas des personnalités trop distantes de Damas et qui ne voudraient d’ailleurs pas s’y rendre. Mais le dialogue comprend, pour la première fois, nombre de pôles proches de la ligne générale syrienne, sans être des alliés reconnus ou agréés. Certains d’entre eux se sont même distingués, notamment en période d’élections, par des critiques peu voilées (mais toujours courtoises) des parachutages ou des chouchoutages. De Damas donc, les visiteurs reviennent avec la nette impression que le président Assad a décidé d’inclure le dossier libanais dans le domaine réservé de la présidence. Ils laissent entendre que l’un de ses buts, en se chargeant de cette responsabilité, est de couper court à certaines dérives relationnelles dont des Libanais et des Syriens déterminés pouvaient tirer un profit personnel, politique ou autre. De même, selon ces témoins, le président Assad s’efforce de faire en sorte que le dossier libanais soit mieux contrôlé, d’une manière plus homogène. C’est-à-dire qu’il semble considérer qu’il ne faut plus que plusieurs centres de décision, parfois divergents, s’en occupent. Ce souci d’unicité, de cohérence traduit, d’après l’un de ces visiteurs, « une ferme volonté de corriger la trajectoire, de traiter des failles connues ». Et de rappeler que dès son discours d’investiture, le président Assad avait souligné la nécessité de mettre fin aux dérives, aux abus, afin que les relations deviennent aussi exemplaires, servant de modèle aux Arabes, que privilégiées. Ce même témoin répète que, manifestement, sous l’impulsion du président Assad, Damas ne veut plus rester dans l’ignorance de ce que pensent les Libanais qui ne sont pas ses proches alliés. Le chef de l’État syrien reçoit ainsi des personnalités de divers bords. Et ce mouvement, considéré comme encourageant, pourrait peut-être s’étendre bientôt à l’opposition chrétienne déclarée, nommément à Kornet Chehwane. D’autant, ajoute la même source, que ce groupe a adopté ces derniers temps une ligne assouplie par rapport à la présence militaire syrienne. En réponse, ou en contre-écho, les visiteurs de Damas ont constaté que le président Assad laisse volontiers entendre qu’il apprécie tant les propos tenus par le patriarche Sfeir au sujet de la guerre contre l’Irak que ses décisions politiques. Comme le fait d’avoir reporté la visite épiscopale qu’il devait effectuer à partir du 7 mars aux États-Unis. Le président Assad ne tarit pas d’éloges non plus au sujet de la ferme dénonciation par le pape du projet de guerre américain. D’où l’on peut déduire que Damas serait tenté de tourner la page avec Bkerké. Les mêmes sources soulignent que les Syriens encouragent désormais la ligne modérantiste au Liban. Et invitent certaines personnalités parlementaires à prendre des initiatives dans ce sens, en formant le cas échéant un front élargi, pour faire face aux extrémismes de toutes sortes. Les Syriens ajoutent que les modérés doivent, par exemple, utiliser le récent redéploiement au Nord comme argument pour renforcer leur ligne. Par ailleurs, s’il est vrai que le président Assad écoute plus qu’il ne parle (pour le moment), ses questions même montrent qu’il connaît sur le bout des doigts tous les problèmes des Libanais et qu’il n’en ignore pas certains dessous. Il insiste cependant pour que les responsables laissent de côté leurs querelles ou les autres questions litigieuses qui saupoudrent la vie politique libanaise. Le président Assad ne cesse de recommander l’unité des rangs et, partant, l’entente, pour parer aux périls régionaux. Il reconnaît que cela n’est pas facile, car le Liban traverse une crise politique certaine. Due principalement, selon lui, à des divergences d’interprétation entre dirigeants concernant Taëf (et les prérogatives). Ainsi qu’à une lutte permanente d’influence entre les différents camps en présence. Le président Assad recommande que l’on se réfère à la Constitution comme à Taëf, que l’on en respecte l’esprit autant que la lettre. Et il estime, dans ce cadre, qu’il faut une nouvelle loi électorale répondant aux aspirations de toutes les franges. Il précise que plusieurs parties lui ont remis des propositions à ce sujet, pour ajouter aussitôt qu’il étudie certes ces documents mais que la tâche appartient aux autorités libanaises constituées. Il convient de signaler, à propos de cet important dossier, que Tammam Salam suggère la mise sur pied d’un comité national pour l’élaboration du prochain code électoral qui devrait à son avis assurer un meilleur taux de représentativité à la Chambre. L’ancien député récuse aussi bien la formule du Liban circonscription que celle de la circonscription unique n’élisant qu’un député. À son avis le comité de rédaction devrait en avoir terminé au bout d’un an. Et sa formation préluderait à celle du haut comité pour l’abolition du confessionnalisme politique. Pour en revenir à Damas, les visiteurs soulignent qu’on s’y préoccupe beaucoup actuellement de lutter contre la corruption. Qu’il y a des fournées d’anciens responsables qui se voient réclamer des comptes en justice. Entrée en matière, selon le président Assad, pour toute vraie réforme administrative. On se demande quand nos dirigeants arriveront aux mêmes conclusions et suivront cet exemple syrien. Philippe ABI-AKL
«Père, gardez-vous à dextre. Père, gardez-vous à senestre », lançait le Dauphin à Jean le Bon, pendant la bataille de Poitiers. Le roi en eut ainsi la vie sauve. C’est en effet sur ses flancs que l’on est le plus vulnérable. Malgré la gravité de la situation régionale, ou plutôt à cause d’elle, la Syrie, qui en est consciente, accorde beaucoup d’attention ces...