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CAUSERIE-DÉBAT - Farès Souhaid et Saoud el-Mawla invités par Samir Frangié à l’USJ Nasrallah Boutros Sfeir et Mohammed Mehdi Chamseddine pour réapprendre le Liban

Qu’il soit extrêmement ciblé n’empêche pas le sujet choisi par Samir Frangié pour entamer un nouveau cycle de causeries-débats à l’Université Saint-Joseph d’être on ne peut plus atemporel. On ne peut plus au cœur du problème : un Liban en déliquescence perpétuelle. Le sujet ? Dialogue, convivialité et démocratie dans la pensée du patriarche Nasrallah Boutros Sfeir et de l’imam Mohammed Mehdi Chamseddine. Pour disséquer ces trois concepts – qui font chaque jour de plus en plus défaut au Liban – tels que pensés, structurés, rêvés par les deux leaders religieux (dont l’un est « mort il y a deux ans » et l’autre est « octogénaire », mais tous deux « jeunes, actuels et futuristes »), Samir Frangié a fait appel au député de Jbeil, Farès Souhaid, et au conseiller à l’Institut d’études islamo-chrétiennes, Saoud el-Mawla. Ainsi, hier, à l’amphithéâtre Pierre Aboukhater de l’USJ, le premier s’est attaché, entre autres, à la lecture de la biographie du patriarche par Antoine Saad, tandis que le second, ancien compagnon privilégié de l’imam, citait et recitait, entre autres, les « Wassaya », les recommandations publiées il y a quelques mois de l’ancien président du Conseil supérieur chiite. Après que Samir Frangié eut expliqué les pourquoi de ce choix. D’abord, un devoir de justice, a-t-il dit, envers « ces deux hommes de paix, liés par une même vision du Liban », et qui avaient constamment œuvré pour la reconnaissance d’une diversité culturelle et d’un pluralisme politique dans le cadre d’une nation unifiée. Deuxio : montrer, à travers le parcours des deux hommes, « que le Liban peut donner l’exemple d’une convivialité islamo-chrétienne réelle ». Tertio : répondre à « la vision simpliste de la réalité libanaise qu’exprime une grande partie de la classe politique ». Alors que l’utilisation du confessionnalisme à des fins partisanes, a rappelé Samir Frangié, « a été essentiellement le fait des politiques, alors que les religieux, notamment le patriarche Sfeir et l’imam Chamseddine, ont toujours prôné le dialogue et l’ouverture, et condamné la violence sous toutes ses formes ». Terminant sur un constat implacable : « Le Liban n’a pas besoin de chefs qui viendraient confisquer le pouvoir en demandant aux Libanais de bien vouloir rester chez eux en attendant qu’on leur reconstruise leur pays, mais de guides qui leur permettraient de se retrouver et de se reprendre en main ». Deux guides : Nasrallah Sfeir et Mohammed Chamseddine. L’impact sur les Libanais Deux guides, deux hommes, « le vrai visage du Liban », qui était pour eux, a souligné Saoud el-Mawla, « le critère de toute politique et de toute action » ; deux religieux dont l’impact sur la vie et les choix des Libanais a été « énorme », parce qu’ils avaient « la conviction profonde que le peuple libanais mérite plus et mérite mieux que ce qu’il a eu de ses dirigeants ». Pour Farès Souhaid, le patriarche et l’imam, qui ont prêché pour la réconciliation, l’acceptation de l’autre et la reconnaissance à son droit à la différence, ont été pratiquement les seuls à répondre, bien avant qu’elles ne redeviennent, après le 11 septembre, brûlantes d’actualité, à ces deux questions : est-ce que le « retour de Dieu » ne peut se réaliser que dans la violence ? Est-ce que l’on peut éviter le « choc des civilisations qu’avait prévu Huntington », et établir un dialogue et une convivialité entre des gens appartenant à des religions différentes ? Une convivialité qui nécessite, l’a rappelé le député de Jbeil, deux conditions – liberté et justice – deux thèmes prépondérants dans la pensée du patriarche comme dans celle de l’imam. Farès Souhaid, qui s’était auparavant demandé si l’expulsion du religieux de la pratique politique de nos jours était encore possible, a rappelé, toujours à propos de cette convivialité islamo-chrétienne, qu’elle ne datait pas d’aujourd’hui. « Les Libanais en ont fait un mode de vie, et il n’est pas faux de dire que chrétiens et musulmans ont d’une certaine manière déteint les uns sur les autres. Que leur coexistence a façonné un mode de vie auquel les Libanais sont profondément attachés ». Quant à Saoud el-Mawla, il cite l’imam, le 18 mars 1994 : « Pas de dignité pour une nation tant qu’une partie de ses citoyens ressent un manque dans sa dignité ; pas de sécurité ni de stabilité pour une nation tant qu’une partie de ses citoyens ressent un déséquilibre dans sa sécurité et ses droits. Le Liban est avant tout un sens, un message, qui ne peut être complet, achevé, par les musulmans seuls ni par les chrétiens seuls ». La caution à Taëf Le père du « Liban patrie définitive » a d’ailleurs toujours brillé par son sens de la formule-choc : « Le sens du Liban réside dans la vie commune de ses musulmans et de ses chrétiens, qui ont inventé une formule politique géniale de démocratie consensuelle basée sur la convivialité et le dialogue permanent ». L’imam avait dit, en 1994, a poursuivi Saoud el-Mawla, que cette formule « est là, devant vous, c’est notre formule à nous tous, celui qui veut l’enrichir, l’améliorer, la consolider, est le bienvenu et nous lui serons tous reconnaissants... Mais la vraie question est la suivante : Est-ce que nous voulons le Liban, oui ou non ? Veut-on un système républicain démocratique parlementaire, oui ou non ? Pour nous, nous avons tranché depuis longtemps cette question : nous avons dit oui au Liban patrie définitive (...) ». Tout est dit. L’accord de Taëf ensuite. Farès Souhaid a signalé à ceux qui l’auraient oublié que le patriarche avait donné sa caution à Taëf. Et qu’il avait tenu de nombreuses réunions à l’époque, tant avec Hussein Husseini qu’avec Rafic Hariri ou tant d’autres « pour que cet accord aboutisse et que le massacre cesse ». Et à l’époque, « personne au niveau du pouvoir ne se plaignait de la présence du patriarche. La dimension nationale du rôle qu’il avait accepté de jouer était reconnue par tous. Or cet accord n’a pas été respecté. Le patriarche n’a pas cessé depuis 1990 de réclamer son application. Le pouvoir réagit aujourd’hui en accusant le patriarche de faire de la politique. L’accusation est pour le moins curieuse : participer à l’élaboration de l’accord de Taëf est un acte national ; réclamer son application devient un acte politique. Le pouvoir ne manque pas d’humour », a asséné le député de Jbeil. Et Saoud el-Mawla de rappeler qu’après 1992, l’imam avait appelé les musulmans à ne pas voir dans l’accord de Taëf « une victoire pour une partie des Libanais contre une autre », et à « bien réagir aux contestations et demandes chrétiennes », à « rectifier la situation pour remédier au déséquilibre porteur d’injustice et d’oppression ». Le mot de la fin pour Farès Souhaid, en écho à la vision caricaturale leaders politiques/leaders religieux dénoncée par Samir Frangié : « Le patriarche Sfeir n’est pas l’homme d’une communauté ou d’un parti. Il est avant tout la conscience de ce pays. Lui rendre hommage dans ces conditions difficiles, à lui et à son compagnon de route, l’imam Chamseddine, est un acte de foi dans l’avenir de notre nation ». Z.M.
Qu’il soit extrêmement ciblé n’empêche pas le sujet choisi par Samir Frangié pour entamer un nouveau cycle de causeries-débats à l’Université Saint-Joseph d’être on ne peut plus atemporel. On ne peut plus au cœur du problème : un Liban en déliquescence perpétuelle. Le sujet ? Dialogue, convivialité et démocratie dans la pensée du patriarche Nasrallah Boutros...