SOCIAL - Joséphine Zoughaib, guide du Liban, s’apprête à visiter 80 pays Un tour du monde sous le signe de la tolérance(photos)

Partout, les bruits de bottes se font de plus en plus assourdissants. Serait-ce raisonnable d’entamer, en ces temps troublés, un tour du monde pour la paix ? Joséphine Zoughaib, une psychothérapeute de 24 ans, guide du Liban depuis quinze ans, n’a pas vraiment envie d’être raisonnable. Elle entame le 22 février un voyage autour du monde qui la mènera dans 80 pays, et au cours duquel elle transmettra des messages de tolérance d’une nation à l’autre. C’est sa façon à elle d’agir en faveur d’une paix qui se fait de plus en plus discrète. Sa façon aussi de mettre en pratique les mots de Baden Powell, fondateur du mouvement scout dans le monde, dont la date de naissance tombe justement le 22 février : « Quitter cette terre en la laissant un peu meilleure qu’on ne l’a trouvée. » L’idée a commencé à germer dans l’esprit de la jeune guide il y a un an et demi. « Après les attentats du 11 septembre et tout ce qui a suivi, je me suis rendu compte qu’on acceptait de moins en moins l’autre dans sa différence, raconte-t-elle. J’ai voulu mener une action en faveur de la tolérance. Par paix, j’entends non seulement l’état de non-guerre, mais une véritable assimilation de l’autre. Selon moi, si on apprend à mieux se connaître, on ne se haïra plus. » La possibilité du déclenchement d’une guerre en Irak ne l’effraie-t-elle pas ? « Au contraire, cela m’encourage encore plus à poursuivre mon entreprise sans plus d’ajournement », affirme Joséphine. « C’est un rêve qui se réalise », ajoute-t-elle. Le principe du voyage de Joséphine est original et fortement lié à l’Association des scouts et à sa philosophie : dans chaque pays, elle sera l’hôte des guides locales qui lui transmettront leur message de paix national. « Ce message peut consister en un objet, une lettre, un slogan, etc. », dit-elle. Elle portera le message au pays suivant, et ainsi de suite. Pour se déplacer, elle empruntera tous les moyens de transport qu’elle trouve à sa disposition. Le cours du voyage étant quelque peu imprévisible, elle ne peut tout planifier à l’avance et devra vivre son aventure au jour le jour, même si elle sait qu’elle est supposée passer une semaine en moyenne dans chaque pays. Un vrai Sindbad des temps modernes. Dans le cadre de son tour du monde, qui devrait durer deux ans, les pays que compte visiter Joséphine Zoughaib sont soigneusement répartis : les vingt premiers se trouvent en Afrique, les vingt suivants en Europe, vingt autres en Asie et, enfin, vingt en Amérique. De par la nature de son projet, elle s’est engagée à ne se rendre que dans les pays où le mouvement des guides existe. Pour cette raison, elle ne visitera pas, à titre d’exemple, l’Irak, mais elle n’en passera pas moins par des pays où la situation sécuritaire est problématique comme la Côte d’Ivoire ou le Soudan. Un concert pour financer le voyage Le conflit en Irak aura cependant eu un impact sur le projet de voyage de Joséphine Zoughaib : il est assez dangereux pour avoir découragé d’éventuels sponsors de financer son aventure, reconnaît-elle. « Les grandes organisations qui auraient pu me soutenir ne semblent pas croire que je réussirai à respecter la date de départ du 22 février », dit-elle. Mais son projet, elle y tient. « C’est un rêve que j’ai toujours voulu réaliser, et je sais que si je ne m’y prends pas maintenant, je ne le ferais jamais », insiste-t-elle. Pour financer son voyage, Joséphine s’est donc tournée vers les guides et les scouts : un grand concert sera organisé à la Cité sportive le 21 février au soir pour collecter les fonds nécessaires (c’est un peu serré, mais elle reste confiante...). Au programme, des chants scouts sur la paix, sur l’amitié... « Une musique cosmopolite », précise-t-elle. Le public sera invité à faire des donations au lieu de payer un billet d’entrée et à signer le livre d’or qu’elle emportera avec elle, ainsi que le message de paix du Liban que lui transmettront les guides ce soir-là. Les messages du public seront reproduits sur le site Internet des guides : guidingfootprints.com Quel impact croit-elle qu’une action comme la sienne pourrait avoir en termes de paix mondiale? « Ces messages de paix que je transmettrai d’un pays à l’autre seront répandus via Internet, j’essaierai d’obtenir des entrevues avec la presse, etc., précise-t-elle. À titre personnel, si j’arrive à convaincre 1 ou 2% des personnes que je rencontre, ce serait satisfaisant pour moi. » Outre une contribution individuelle à la paix, que lui apportera un tel périple au plan personnel ? « Je recherche une paix intérieure, reconnaît-elle. Je voudrai voir le monde différemment, porter un regard nouveau sur les choses, mieux comprendre les diversités sociales. Et ce n’est pas tout. Pour moi, c’est ma façon de profiter de la vie. Durant mes études, j’ai travaillé aux soins intensifs. J’y ai appris à ne jamais oublier que notre heure peut sonner à n’importe quel moment... » La jeune Joséphine n’est pas inquiète de devoir interrompre sa carrière durant deux ans, bien qu’elle n’ait pas été encouragée à le faire par son entourage proche, trop angoissé à l’idée du voyage. Elle commencera sa tournée en Jordanie, se dirigera ensuite en Afrique, poursuivra son voyage en Europe, rentrera au pays une première fois après cinq mois, avant de repartir pour l’Asie. Son projet est long et fatigant, mais elle y croit. Suzanne BAAKLINI Vivre les objectifs du mouvement scout Durant les quelques jours qu’elle passera dans chaque pays, Joséphine Zoughaib, la jeune guide qui entreprend un tour du monde pour transmettre des messages de paix aux guides de 80 pays dans quatre continents, compte vivre les cinq objectifs du mouvement scout : – relation avec soi; – relation avec l’autre; – relation avec la nature; – relation avec le corps; – relation avec Dieu. Cela signifie qu’elle visitera à fond les pays dont elle foulera le sol, qu’elle rencontrera autant d’habitants que possible, qu’elle s’immergera dans la culture locale, etc. Le plan de son séjour sera préparé par les guides locales. Joséphine s’efforcera aussi de s’intéresser à un problème humanitaire de grande ampleur dans le pays ou la région, comme le sida en Afrique, par exemple. Au bout du voyage, elle se promet de partager son expérience unique avec le plus large public possible en publiant un livre sur son périple.