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BANQUES - Une contribution au processus de libéralisation économique Un expert propose des jumelages entre la Syrie et le Liban

Le Liban peut contribuer efficacement au processus de libéralisation du secteur bancaire syrien, estime Chadi Karam, président de la Banque libanaise pour le commerce, qui propose des opérations de jumelage entre des établissements libanais et syriens et une collaboration active de la Banque centrale du Liban et de la Commission de contrôle des banques à la réforme ou la création d’institutions similaires syriennes. « Les rapports rédigés par des consultants sont beaucoup moins efficaces que le travail sur le terrain », explique-t-il, fort d’une expérience de plusieurs années en tant que conseiller auprès de la Banque hypothécaire de Syrie, l’une des six banques publiques du pays. « L’objectif de ce travail était d’expérimenter la réforme à petite échelle avant de s’attaquer au “mammouth” que représente la Banque commerciale de Syrie, la plus importante des six banques publiques. » Grâce à cette expérience qui lui a apporté une connaissance intime du système actuel, Chadi Karam pense que le seul moyen de faire évoluer les banques publiques est d’accompagner leur changement de l’intérieur, une mission pour lesquelles les banques libanaises sont les mieux placées. « Il s’agirait, dans le cadre d’opérations de jumelage, d’envoyer des cadres libanais sur place et, parallèlement, d’accueillir le personnel syrien au Liban pour le former aux techniques modernes de la banque. » Pour le président de la BLC, la Banque du Liban et la commission de surveillance libanaise « qui ont accompli un excellent travail au cours des dix dernières années au Liban » sont les plus à même d’accompagner la réforme de la Banque centrale de Syrie et la mise sur pied d’une commission de surveillance, chargées d’édicter les règlements et de contrôler leur application. La solidité de ces deux institutions est la garantie du succès de la libéralisation bancaire en Syrie, estime-t-il. Aspects opérationnels et juridiques Au-delà de ces considérations pratiques, Chadi Karam identifie deux chantiers importants pour mener à bien la réforme décidée par les autorités syriennes. Le premier concerne les aspects juridiques, le second les aspects opérationnels. Sachant que, selon lui, la priorité doit être donnée à la modernisation du secteur public, pour que réussisse la « greffe » de quelques banques privées, dont l’implantation est prévue par la nouvelle loi. « Tout l’édifice doit être réformé, à partir de la tête, c’est-à-dire la Banque centrale, qui doit acquérir son indépendance. À l’heure actuelle, le ministère de l’Économie est l’autorité de tutelle, ce qui entretient le flou. » Le deuxième obstacle juridique de taille est la règle de la spécialisation bancaire. « Le travail de rénovation mené par la Banque hypothécaire a conduit à une forte augmentation des dépôts, mais nous nous sommes retrouvés dans l’impossibilité d’employer ces ressources, car la loi interdit tout placement hors crédits hypothécaires. » Troisième problème : la lenteur et l’inefficacité du système judiciaire qui empêche les banques d’exercer les pressions nécessaires pour récupérer leurs créances. L’appropriation d’un bien prend des années et l’éviction encore plus de temps. La qualité de la garantie est au cœur du système de crédits. « En attendant la réforme du code de commerce qui date de 1949, pourquoi ne pas créer des cours d’arbitrages spécifiques pour le secteur bancaire ? » suggère Chadi Karam. La priorité à la formation En ce qui concerne les aspects opérationnels, « il faut lever progressivement les nombreux obstacles qui entravent le travail quotidien » et la priorité doit être donnée à la formation professionnelle, selon le banquier libanais qui juge aussi nécessaire de créer une échelle de salaires propre aux employés des banques publiques syriennes en raison des spécificités de leur métier. « Nous avons eu le plus grand mal à créer la fonction de caissier, pour réduire le temps des transactions de 45 à cinq minutes. Les employés ne sont pas prêts à assumer la responsabilité du maniement de l’argent quand, à la moindre erreur, ils risquent la prison ». Tout reste à faire aussi pour améliorer l’environnement technologique, en commençant par relier les agences à un même réseau de transmission de données. Le président de la BLC pense par ailleurs qu’il est inimaginable de vouloir développer le secteur bancaire syrien sans s’attaquer parallèlement à la libéralisation de l’assurance. « Ces deux services sont indissociables, car la plupart des crédits sont assortis de polices d’assurances ». Sinon, dit-il, les banques vont se contenter d’attirer des dépôts et d’accorder quelques crédits documentaires, ce que les banques libanaises font déjà pour le secteur privé syrien. Deux poids et deux mesures Pour que la réforme soit réussie, l’objectif doit être de créer des banques en mesure d’accompagner le développement économique. De ce point de vue, la loi syrienne sur les banques privées comporte des lacunes, estime Chadi Karam. « Elle passe sous silence la nécessité d’investir localement une partie des dépôts. » Le banquier libanais estime aussi que c’est une erreur de ne pas placer les secteurs public et privé dans les mêmes conditions de travail. « La loi impose aux banques privées d’adopter les normes internationales de comptabilité, alors que le ministère des Finances, qui est pourtant informatisé, ne reçoit des banques publiques que des livres de comptes en papier, et pas des disquettes. » Pour le président de la BLC, il faut au contraire tout faire pour pousser les banques publiques à se moderniser, car elles représentent tout de même des milliers d’emplois. C’est pourquoi, le rythme de la réforme doit être à « vitesse variable » pour tenir compte de la situation régionale et des risques qu’elle comporte, de la capacité interne d’absorption des changements et, enfin, de la capacité des différentes institutions à s’adapter. De ce point de vue, Chadi Karam estime qu’il est trop dangereux de vouloir libéraliser brutalement le marché des changes, le processus devant être progressif. Sibylle RIZK
Le Liban peut contribuer efficacement au processus de libéralisation du secteur bancaire syrien, estime Chadi Karam, président de la Banque libanaise pour le commerce, qui propose des opérations de jumelage entre des établissements libanais et syriens et une collaboration active de la Banque centrale du Liban et de la Commission de contrôle des banques à la réforme ou la...