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VIE POLITIQUE - Le patriarche fait valoir le droit du Liban à gérer ses propres affaires « Lorsque la décision dépend de tiers, l’entente devient difficile », affirme Sfeir (photo)

Plusieurs prises de position ont été exprimées par le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, hier, à la faveur d’un entretien avec une délégation de l’Ordre des journalistes, conduite par M. Melhem Karam. Pour le chef de l’Église maronite, l’entente semble être difficile à réaliser dans un proche avenir en raison des divisions dans le pays, même s’il s’est dit confiant, à long terme, dans la capacité des Libanais à surmonter leurs différends. « On me reproche peut-être d’être pessimiste, mais je ne peux pas occulter la réalité », a-t-il notamment dit. Mgr Sfeir a indirectement critiqué les membres du Rassemblement parlementaire de concertation (RPC) en révélant qu’il leur avait reproché de vouloir diviser les chrétiens, au moment où ils s’étaient rendus à Bkerké pour lui annoncer la formation de leur mouvement politique. Il a aussi réitéré sa perception des relations libano-syriennes, fondée sur le respect mutuel de l’indépendance et de la souveraineté des deux pays et a assuré, en réponse à une question, qu’il ne voit « aucun inconvénient » à une rencontre avec le président de la République, le général Émile Lahoud. L’entretien, dont l’Ordre des journalistes a rendu compte plus tard dans la journée, a commencé par des questions sur l’entente nationale. « Nous étions et nous sommes toujours favorables à une entente que nous ne voyons cependant pas réalisable dans un futur proche. Vous le savez et nous l’avons déjà dit : nos partis et nos organismes sont divisés. Chaque parti est scindé en deux ou trois, ce qui est déplorable. Les divisions se sont étendues à tout le Liban et c’est une catastrophe. Comment les individus peuvent-ils vivre les uns avec les autres s’ils ne peuvent pas se faire confiance ? Les gens s’entendent lorsque la sincérité prévaut et c’est ce que nous souhaitons. Vous savez parfaitement bien ce qui se passe dans le pays et qui est prondément regrettable », a déclaré Mgr Sfeir à l’adresse de ses visiteurs, en estimant cependant que la situation locale actuelle reste moins importante que les dangers qui menacent la région. Prié de dire s’il pense que cette entente sera difficile à réaliser, le patriarche a déclaré : « Oui, je pense qu’elle l’est, car les gens sont devenus étrangers les uns aux autres. Tous ne partent pas du principe qu’ils sont maîtres de leurs décisions. Et lorsque les résolutions dépendent de tiers, l’entente devient difficile ». Après avoir brossé un tableau rapide des éventuelles répercussions sur le Liban d’une attaque contre l’Irak, le chef de l’Église maronite a affirmé : « Cette situation doit nous pousser à davantage de réflexion et de détermination et, surtout, à reléguer au second plan les questions d’ordre personnel et les problèmes sur lesquels nous nous arrêtons en situation normale ». Kornet Chehwane et le RPC Interrogé au sujet de Kornet Chehwane, il a rappelé les circonstances dans lesquelles cette formation avait vu le jour : « En (septembre) 2000, nous avions publié un communiqué dans lequel certains avaient vu des idées à suivre. Nous leur avions expliqué que ce document était devenu la propriété de l’opinion publique et qu’ils étaient libres de faire ce que bon leur semblait. Ils avaient voulu tenir une réunion chez nous, ce que nous avions accepté, en expliquant que d’autres suivraient le même exemple et que nous ne pouvions pas réunir des éléments antinomiques. Ils avaient alors exprimé le souhait d’avoir un parrain, qu’ils avaient d’ailleurs trouvé en la personne d’un évêque (Mgr Youssef Béchara). Nous avions accepté leur choix d’autant que l’évêque n’est ni le président, ni le porte-parole du Rassemblement. Il ne prend pas de décision non plus. Nous prenons nos décisions sans consulter Kornet Chehwane et vice versa ». Quid du Rassemblement parlementaire de concertation ? « Lorsque les membres de ce mouvement sont venus nous voir, a-t-il rappelé, nous leur avions dit : il semble que vous voulez la division des chrétiens. Nous avions également déclaré : Vous êtes en train de déplacer le problème. Celui-ci porte sur la perception de la présence syrienne au Liban. Nous ne craignons pas de dire la vérité parce que c’est elle qui peut nous sauver. Des musulmans et des chrétiens insistent pour maintenir l’armée syrienne dans le pays et d’autres veulent obtenir l’application de l’accord de Taëf et les résolutions internationales. Le problème se situe à ce niveau ». À la question de savoir s’il effectuera une visite pastorale en Syrie, Mgr Sfeir a répondu : « Cette nouvelle a paru dans la presse. Je dois moi-même vous poser la question ». Et sur les raisons pour lesquelles il ne se rend pas à Damas, il a expliqué : « Dans quel but irai-je en Syrie » ? Pour discuter de la présence syrienne, lui a-t-on répondu. « Ce n’est pas à moi de soulever ce sujet », a répliqué Mgr Sfeir. « Gérer nos propres affaires » Selon lui, les rapports de Bkerké avec la Syrie « ne peuvent pas être considérés comme étant tendus ». « Nous avons toujours assuré qu’il est dans l’intérêt commun des Libanais et des frères syriens d’entretenir les meilleurs rapports et que nous avons le droit de gérer nos propres affaires. Nous sommes des frères et nous devons nous comporter sur cette base, mais à condition que chacun bénéficie d’une indépendance totale pour gérer ses affaires », a-t-il soutenu. En réponse à une autre question, il a fait remarquer qu’il ne lance d’accusations contre aucune fraction des Libanais, « qui sont tous fidèles à leur pays, même lorsqu’ils s’en prennent les uns aux autres », avant de mettre l’accent sur l’importance de la coexistence islamo-chrétienne qui caractérise le pays. Interrogé par la suite au sujet du climat politique prévalant et de la polémique entre le chef du gouvernement, Rafic Hariri, et le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi, au sujet du dossier de la téléphonie mobile, il a affirmé : « Je ne peux pas entrer dans les détails de cette affaire surtout que je suis accusé de me mêler de politique. Mais je pense que celui qui doit s’occuper des affaires publiques doit s’engager à un minimum de désintéressement. Il ne peut pas gérer en même temps ses intérêts privés et les intérêts publics ». Au sujet de l’intervention des hommes de religion dans la vie politique, le patriarche a expliqué qu’il ne se mêle pas de politique « dans le sens ordinaire ou banal du terme ». « Le pape parle de valeurs religieuses, morales et humaines, ainsi que de liberté, d’équité, de justice et des droits de l’homme, a-t-il fait valoir. C’est ce que nous essayons de répercuter, sans compter que le Saint-Père a dénoncé la guerre à plusieurs reprises. Aujourd’hui aussi, il réprouve la guerre qui nous menace ». « Avons-nous jamais essayé de nommer un ministre ou d’empêcher quelqu’un de devenir ministre ou député ? » s’est-il interrogé. Est-il pessimiste quant à l’avenir ?» On me reproche peut-être d’être pessimiste, mais je ne peux pas occulter la réalité que la presse d’ailleurs répercute. Je prie tous les jours pour que la guerre n’ait pas lieu », a encore dit le patriarche à l’adresse de ses visiteurs. Les réconciliations dans la montagne Interrogé ensuite au sujet des réconciliations dans la montagne, il s’est dit consterné parce que les déplacés « sont encore rares à se rendre dans leurs villages », après avoir indiqué qu’il avait effectué une tournée pastorale dans le Chouf et à Aley afin de favoriser l’entente. « Les gens, qu’ils aient ou non construit leurs demeures (dans ces régions), n’y vont que pour les week-ends. Et pour cause : Il ne suffit pas d’avoir une maison. Ce qu’il faut, c’est toute une infrastructure : une école, un dispensaire et des opportunités de travail, pour que les gens puissent assurer leurs besoins ». Quant aux raisons pour lesquelles tous les projets de réconciliation n’ont pas été concrétisés, il a répondu : « Des individus continuent peut-être de s’accrocher à leurs opinions, ce qui empêche la réconciliation, d’autant qu’ils peuvent être opposés à d’autres par des vendettas et n’ont toujours pas oublié. Il y a aussi une autre raison : l’argent (nécessaire pour financer le processus de retour) n’est pas disponible ». La dernière question posée par la délégation concerne une éventuelle rencontre avec le chef de l’État. « Nous n’avons aucun inconvénient à rencontrer le président Lahoud », a répliqué le patriarche.
Plusieurs prises de position ont été exprimées par le patriarche maronite, Mgr Nasrallah Sfeir, hier, à la faveur d’un entretien avec une délégation de l’Ordre des journalistes, conduite par M. Melhem Karam. Pour le chef de l’Église maronite, l’entente semble être difficile à réaliser dans un proche avenir en raison des divisions dans le pays, même s’il s’est dit...