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VIE POLITIQUE - Jusqu’à nouvel ordre, le Conseil des ministres de demain jeudi ne se tiendra pas Énième (sérieux) avatar du feuilleton Lahoud-Hariri... en attendant les pansements de Anjar

Les relations entre le chef de l’État et le Premier ministre. De prime abord, ce qui se passe en ce moment n’est que le énième avatar de ce très mauvais feuilleton qui a commencé à rythmer, depuis octobre 2000, le quotidien de trois millions et demi de Libanais, otages jusqu’à la moelle d’une insupportable crise économique. Sauf que cette fois, et après avoir été dynamité, avec le dossier du cellulaire, par leurs cœurs lavés, c’est le Conseil des ministres qui risque tout bonnement de ne pas avoir lieu, demain jeudi. Parce que l’ordre du jour n’a pas été distribué. Parce que chacun des deux hommes privilégie désormais le jusqu’au-boutisme et abonde dans sa propre interprétation de la Constitution. Petit rappel : depuis l’été dernier, tout allait bien. Trop bien, même. Après des mois et des mois de tensions, souvent larvées, parfois éclatant au grand jour, de bouderies sardes ou de tour d’ivoire présidentielle, en attendant les bonnes entremises d’un Abdel-Halim Khaddam, chacun des deux pôles de l’Exécutif avait fini par dire à l’autre tout ce qu’il avait sur le cœur. Et tout a commencé par aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, ou presque : les institutions, Conseil des ministres en tête, travaillaient et produisaient. Sauf que le scénario a vite tourné ubuesque : Émile Lahoud et Rafic Hariri se sont tellement pris au jeu de la lune de miel, qu’ils ont fini par oublier qu’au Liban, justement, il y a des institutions. Conseil des ministres en tête... C’était lorsqu’il fallait débattre du cellulaire. Le gouvernement ne s’était réuni qu’une demi-heure, pour discuter de dossiers carrément secondaires : les deux hommes avaient tout décidé, en tête à tête, pendant une heure et demie. Et les Libanais en étaient venus à se demander s’il ne fallait pas préférer les brouilles plutôt que les magouilles. Ils ont été exaucés. Parce qu’une fois chassé, c’est au galop que le naturel revient. La nouvelle année à peine commencée, éclate l’affaire NTV, dont le patron, Tahsine Khayat, est un antiharirien féroce. Et qui a décidé de programmer une émission au cours de laquelle l’opposition saoudienne serait à l’honneur. Le chef de l’État étant en vacances, le Premier ministre demande au ministre des Télécommunications d’interdire la diffusion sur sattelite de la NTV. Cela a été fait. De retour au pays, Émile Lahoud, furieux de ne pas avoir été mis au courant, demande au même Jean-Louis Cardahi de retirer l’interdiction, après avoir obtenu de la chaîne en question une promesse écrite de ne pas reprogrammer l’émission. Cela a également été fait. Seul problème : Rafic Hariri, qui était, à ce moment-là, chez son ami Jacques Chirac, n’en a pas été averti non plus. Et il est rentré plus que furieux à Beyrouth. Furieux d’avoir été lâché. Parce que lorsque la MTV a été sacrifiée pour faire plaisir à l’un ou à l’autre des alliés du pouvoir, le maître de Koraytem n’avait pas bronché. Il avait même refusé de soutenir, de quelque façon que ce soit, Gabriel Murr. Il pouvait donc dormir sur ses deux oreilles, pensant qu’au jour J, on l’appuierait de la même manière. Trois fois hélas, ce jour-là une fois arrivé, Rafic Hariri s’est retrouvé Gros-Jean comme devant, lâché par tous. Alors que toutes les latitudes ont été redonnées à une télévision qui ne s’est jamais privée, assure le Premier ministre, de l’insulter et de souiller son image. Piqué dans son orgueil, trahi, comme l’ont à plusieurs reprises souligné ses proches, Rafic Hariri veut désormais visiblement aller jusqu’au bout. Ne pas remettre en cause le lavage des cœurs, mais le placer sous le parapluie de la Constitution et de la loi. Ainsi, après que tous les sujets qui fâchent eurent été retirés de l’ordre du jour du Conseil des ministres jeudi dernier, le chef du gouvernement a décidé d’user, sans aucune concession, de ses prérogatives. Et d’appliquer, stricto sensu, l’article 64 de la Constitution : c’est à lui et à lui seul de s’occuper de l’ordre du jour. Et d’en informer, simplement, le chef de l’État. Il a ainsi confirmé qu’à l’ordre du jour du Conseil des ministres de demain, figureront tous les sujets qui n’ont pas été évoqués la semaine dernière. Baabda a tout refusé, arguant qu’« informer », cela veut dire « se mettre d’accord ». « S’il informe le président et qu’il n’est pas d’accord, comment présiderait-il le Conseil ? » s’interrogent des sources proches du palais. Le Liban a ainsi plongé de plain-pied dans une crise constitutionnelle. Comme si ses dirigeants n’ont pas encore compris que dans ce pays, on ne peut aboutir à rien sans consensus. Et ce n’est pas une lecture controversée des textes qui pourrait régler l’affaire. Il suffit de se rappeler, il y a plusieurs mois, lorsque Rafic Hariri avait demandé à ce que le vote soit de rigueur en Conseil des ministres. Provoquant un tollé de Baabda, via ses ministres. Idem, avant, sur les prérogatives du vice-président du Conseil. Indispensable consensus... Que va-t-il se passer maintenant ? Comment réagira Nabih Berry, censé se rendre ce matin, comme tous les mercredis, à Baabda, et recevoir ensuite les députés ? Quelle interprétation de l’article 64 privilégiera-t-il ? Que fera Rafic Hariri, qui n’assistera pas à l’inauguration par Émile Lahoud demain après-midi d’un complexe militaire sportif à Dékouané (il s’est excusé pour des raisons de santé) ? Que vont faire les Syriens ? Certains observateurs laissent sous-entendre qu’ils sont ravis. Que l’image donnée au monde des dirigeants libanais incapables de s’entendre « confirme la nécessité d’une éternelle tutelle ». D’autres disent qu’ils sont agacés. Notamment du Premier ministre, « qui a généré cette nouvelle crise ». Mais tous s’entendent pour assurer que le nouveau maître de Anjar va vite se charger de laver, au karsher s’il le faut, les cœurs salis de rancœur. Par un changement de gouvernement ou par autre chose. Et pendant ce temps, Omar Karamé raconte à ses visiteurs que Vincent Battle, qu’il a rencontré hier, est « très inquiet de la situation économique et de la crise entre les présidents ». L’ambassadeur US est prié d’attendre le vote du budget. C’est à ce moment-là que tout sera bien plus clair. Ziyad MAKHOUL
Les relations entre le chef de l’État et le Premier ministre. De prime abord, ce qui se passe en ce moment n’est que le énième avatar de ce très mauvais feuilleton qui a commencé à rythmer, depuis octobre 2000, le quotidien de trois millions et demi de Libanais, otages jusqu’à la moelle d’une insupportable crise économique. Sauf que cette fois, et après avoir été...