Caprice des vieux

Tant vont les cœurs à la buanderie qu’à la fin ils se dessèchent. Le lavage finit par tourner lavement et la laverie dégorge un linge tellement sale qu’on ne se soucie même plus de le laver en famille. Alors la population est ballottée entre les caprices contradictoires d’une classe politique d’un autre âge, sclérosée dans l’esprit, figée dans le temps, sans autre perspective que de regarder le Liban au fond des aïeux… Pourtant, faut la comprendre, cette classe politique : dès lors que les Syriens s’occupent de l’essentiel, tout le reste dégage un tel ennui que nos lavedus finissent par se rabattre sur les succédanés subsidiaires de l’accessoire secondaire. Ainsi, depuis quelques semaines, nous avons deux présidents sur trois qui, inexplicablement, ont viré électriciens. Suffit que l’un ferme une télé pour que l’autre la rallume, déclenchant une rabbia homérique de son compère qui exige aussitôt d’en rallumer une autre. Armés chacun d’une antenne – verticale hertzienne pour l’un, parabolique satellitaire pour l’autre – ces gladiateurs des temps modernes nous ont offert un spectacle de cirque romain d’une rare qualité. Ce que voyant, le troisième président s’agite pour rabibocher ses deux complices, après s’être fait remonter les bretelles à Damas. Ancien déshérité, devenu par la suite gestionnaire de patrimoine, « Bac moins 6 » s’était pourtant trouvé lui aussi un boulot pépère : agent communautaire pour l’emploi. Depuis 18 ans, rien ne lui échappe dans la Fonction publique où il case à tout-va les copains et les coquins. Ainsi va la république, entre lavage, essorage et séchage. Pour l’heure, c’est à nouveau la flotte des cœurs, et l’on raconte qu’elle se maintiendra. Mais le tout est de savoir présenter les choses. Oublions la fréquence de brouilles présidentielles : l’important, c’est que leur augmentation diminue. En attendant le jour béni où leur diminution augmentera… Gaby NASR