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Environnement - Des moyens souvent élémentaires pour les opérations de nettoyage du pétrole au Liban-Nord Moussa porte plainte contre Holcim et ouvre le dossier de la pollution à Chekka(photo)

La fuite de 50 tonnes de pétrole dans la mer de l’une des cimenteries de la région de Chekka (Liban-Nord), Holcim, dans la nuit du 5 au 6 janvier, aura prouvé que les moyens disponibles dans le cas d’un déversement accidentel de fuel dans l’eau sont quasiment inexistants au Liban. Cette fuite a causé la pollution de trois plages (Héri, Chekka et Enfé), des sites sur lesquels des ouvriers de la compagnie ont été dépêchés hier, même s’ils n’ont que des moyens élémentaires pour nettoyer le sable et les rochers souillés, souvent à mains nues. Par ailleurs, des pêcheurs ont noté la présence de nappes de pétrole au large, ce qui les a incités à la prudence dans l’utilisation de leurs filets qui peuvent être endommagés de manière définitive au cas où ils sont imbibés de fuel. Greenpeace a une fois de plus averti que les dégâts sont considérables et qu’ils pourraient s’étendre au cas où le temps se gâterait. L’affaire continue de mobiliser les officiels et les différentes parties concernées. Dans la matinée d’hier, le ministre de l’Environnement, Michel Moussa, a effectué une tournée sur le terrain en compagnie du mohafez du Liban-Nord, Nassif Kalouche, du président du conseil municipal de Chekka, Farjallah Kfoury, et de plusieurs personnes lésées par l’incident. Dans la conférence de presse qui a suivi, M. Moussa a lié la récente fuite de pétrole dans la cimenterie, qu’il n’a pas hésité à qualifier de « catastrophe écologique », à l’état de dégradation environnementale générale que vit la région de Chekka depuis des dizaines d’années. « Il faut tout d’abord s’assurer que le pétrole déversé dans la mer sera pompé, et les sites nettoyés entièrement », a-t-il dit, précisant que « nos experts suivent l’opération de nettoyage depuis deux jours ». « Ensuite, a-t-il poursuivi, le procureur général aux affaires environnementales se saisira du dossier, suite à la plainte déposée par le ministère contre la compagnie, et établira les responsabilités qui doivent être assumées par la compagnie, notamment en ce qui concerne le coût de l’opération de nettoyage et les indemnités aux pêcheurs. Nous prendrons des mesures pour empêcher la répétition de telles catastrophes et demanderons aux compagnies de prendre toutes les précautions nécessaires. » À ce propos, le responsable de l’environnement à la cimenterie Holcim (qui a conservé l’anonymat) a assuré à L’Orient-Le Jour que « la compagnie compte assumer toutes ses responsabilités et se soumettra au droit public ». Il a reconnu que la compagnie n’avait pas de plan d’urgence pour des cas pareils, mais qu’elle a « mis en œuvre tous les moyens dont elle dispose et a fait appel à des sociétés de pompage, afin de minimiser les dégâts ». Selon lui, les travaux dans les trois sites devraient être terminés d’ici à la fin de la semaine, si tout va bien. « Je sais que certains nous reprochent d’être lents », souligne-t-il. « Or il faut aller vite, mais pas trop vite, pour ne pas endommager les parties non touchées par la pollution. » Il rappelle que la fuite était due à l’ouverture accidentelle d’une vanne, ce qui a contribué au déversement du pétrole sur la plage et dans l’eau. « Cet accident nous poussera sans aucun doute à envisager des mesures de précaution supplémentaires », a-t-il indiqué. Pour sa part, M. Moussa a révélé que les problèmes multiples de pollution de la région de Chekka, dus au fonctionnement d’un grand nombre d’industries, dont les cimenteries, feront l’objet d’une réunion qui se tiendra la semaine prochaine entre des représentants du ministère (dont lui-même), le mohafez et les présidents de municipalité de la région, pour discuter de tous les aspects du problème. « Nous avons obtenu tous les documents nécessaires, et nous aurons bientôt constitué un dossier complet sur la question », a-t-il poursuivi. Interrogé par L’Orient-Le Jour, M. Kfoury a qualifié les dégâts dans le milieu marin d’« énormes » et l’impact de cette marée noire de « considérable ». Il est cependant satisfait que « pour la première fois, les autorités, et notamment le ministère de l’Environnement, s’intéressent enfin à régler les nombreux problèmes écologiques de la région, que nous avions souvent dénoncés ». Il a révélé que « des matières industrielles dangereuses sont stockées dans des quartiers résidentiels ». « Nous luttons actuellement contre un projet de la Direction générale de l’urbanisme et du Conseil des ministres qui devrait consister à classer toute la région comme industrielle, y compris ses zones résidentielles », a-t-il poursuivi. Les pêcheurs, pris dans les filets de la pollution Le site qui semble avoir été le plus touché par la marée noire survenue lundi est celui du port de pêcheurs de Chekka. La direction du vent le jour de la fuite a favorisé le glissement du fuel vers ce site. La matière gluante s’est ensuite accumulée dans une sorte de petit golfe près du port, et forme depuis une épaisse couche noire que les pêcheurs montrent du doigt d’un air désolé. « En mer, nous sommes tombés sur plusieurs nappes de pétrole au large », racontent Tony Assaf et Maurice el-Mair. « Cela rend l’utilisation de nos filets extrêmement délicate. Beaucoup de filets ont d’ailleurs été endommagés de cette manière. D’ailleurs, la mer est toute huileuse. » Il faut préciser qu’un seul pan de filet coûte au moins quarante à cinquante dollars, ce qui constitue une petite fortune pour ces pêcheurs qui vivent au jour le jour, ne pouvant se permettre de ne pas sortir en mer. Or cela fait trois jours que leur activité est très perturbée. Pis encore, ce sont les poissons et l’ensemble de la faune et de la flore marines qui pourraient être affectés par le mazout dans l’eau. Les pêcheurs tendent à minimiser cet aspect. « La couche de fuel est superficielle alors que les poissons que nous attrapons nagent dans les profondeurs », expliquent-ils. Mais selon Zeina Hajj, porte-parole de Greenpeace, « le fuel finira par s’infiltrer dans les différents éléments du milieu marin, donc dans la chaîne alimentaire, et pourrait ainsi affecter les poissons ». Un autre paramètre essentiel a retenu l’attention des pêcheurs et des écologistes hier : si le temps se gâte, la situation empirera de facto parce que les vagues contribueront à disperser encore plus le fuel se trouvant sur la plage, notamment les quantités qui se sont amassées dans le petit golfe près du port de Chekka. Sur ce point, le responsable de l’environnement à Holcim indique que « les travaux consisteront à isoler cette nappe du reste afin de s’assurer qu’elle ne se retrouvera pas dans l’eau, puis à pomper le fuel avant de nettoyer le rivage ». Il assure que les travaux ont commencé sur tous les sites. À Enfé aussi, les dégâts sont visibles sur cette plage rocheuse baignée de noir. Nous avons rencontré une équipe de travailleurs envoyés par la compagnie, essayant d’éradiquer les conséquences de la marée noire avec les moyens du bord, souvent élémentaires comme ne manque pas de le relever la représentante de Greenpeace. Beaucoup de difficultés sont rencontrées par ces équipes, notamment le nettoyage des rochers qui nécessite des techniques particulières. Quant au traitement des nappes de pétrole dans l’eau, il n’existe apparemment aucun moyen disponible au Liban. « Toutes les techniques comportent des risques, mais certaines sont plus sûres que d’autres », explique Zeina Hajj. « Dans le monde, on a recours à la pulvérisation de produits chimiques qui dispersent le fuel, à l’incinération de la nappe ou à une sorte d’éponges qui absorbent la matière huileuse. Au Liban, nous ne disposons malheureusement d’aucune technique de la sorte. » Certaines sources indiquent cependant que le ministère de l’Environnement s’apprête à importer des produits spéciaux pour régler le problème de la marée noire au Liban-Nord. Il en était temps... « Mais le plus grave, poursuit Zeina Hajj, c’est que les autorités ne sont pas toujours au courant de la réelle ampleur du désastre. À titre d’exemple, les pêcheurs nous ont assuré que des nappes de pétrole continuaient à polluer la mer au large, alors que le rapport de l’armée à ce propos était plutôt rassurant hier (mardi). » Il est facile de dire que l’on doit toujours prévoir l’éventualité de catastrophes et se donner les moyens de les combattre. Plus facile à dire qu’à faire. Mais au cas où le problème surviendrait, comme c’était le cas cette semaine avec la fuite de pétrole, les autorités et les parties concernées en tireront-elles les conclusions nécessaires ? Suzanne BAAKLINI
La fuite de 50 tonnes de pétrole dans la mer de l’une des cimenteries de la région de Chekka (Liban-Nord), Holcim, dans la nuit du 5 au 6 janvier, aura prouvé que les moyens disponibles dans le cas d’un déversement accidentel de fuel dans l’eau sont quasiment inexistants au Liban. Cette fuite a causé la pollution de trois plages (Héri, Chekka et Enfé), des sites sur...