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Courrier - « La gouvernance locale », un ouvrage de la Fondation libanaise pour la paix Initiative, participation et citoyenneté au plan libanais Par Antoine Messarra (photo)

Toute politique à longue échéance et qui a des chances de durée (sustainable) est locale, parce qu’elle est liée à un exercice effectif et direct et à une participation au développement, en partant des données et des potentialités de la population locale. Celle-ci perçoit concrètement les fruits de son action et la bonne ou mauvaise gouvernance. Le Liban, en dépit de son riche patrimoine démocratique, n’a pas déployé un grand effort pour l’exercice de la démocratie locale, là justement où se développent les rapports de clientélisme et les conflits d’intérêt en contradiction avec les exigences de l’intérêt général. La gouvernance locale : Initiative, participation et citoyenneté au niveau local au Liban, (Beyrouth, Librairie Orientale, 2002, 576 p.) entrepris par la Fondation libanaise pour la paix civile permanente, développe une expérience concrète de démocratie de proximité dans plusieurs localités au Liban au moyen de trois volets d’action : information légale locale, participation citoyenne et exécution de mini-projets locaux pilotes. L’ouvrage qui vient de paraître contient les actes de quatre séminaires organisés par la Fondation libanaise pour la paix civile permanente dans quatre localités (Miziara, Hammana, Rachaya al-Wadi, Kobeyyat) afin de promouvoir le débat démocratique local sur des problèmes vitaux, quotidiens et d’intérêt général, et cela en coopération avec le Club de la jeunesse de Miziara, le Club touristique de Hammana, l’Association pour l’environnement à Rachaya al-Wadi, et l’Association coopérative agricole à Kobeyyat. La coordination locale de ces séminaires a été assurée par Rania Khoury, Maya Kannan Saad, Chadi Saad, Tony Georges Atallah et Roula Mikhail. L’ouvrage contient en outre un chapitre sous le titre : « Obstacles et initiatives dans le développement local « avec la description de six initiatives locales, ainsi qu’un « Guide du citoyen sur les formalités administratives », élaboré par Evelyne Messarra, avec la description du circuit de 35 formalités municipales. Traduire les recherches en action De grands efforts ont été déployés en vue de l’organisation des élections municipales au Liban, des recherches universitaires ont été publiées concernant les municipalités, mais aucun travail de terrain et d’entraînement en profondeur n’a été entrepris pour profiter de ces élections en vue de la pratique quotidienne de la démocratie au niveau local. C’est au niveau local en effet que le citoyen ressent physiquement ce qu’il paie, combien il paie, voit ce qui se fait, observe les réalisations, et a conscience concrète de son aptitude à influer sur le cours des choses, là où il est. Un tel apprentissage, s’il est effectué dans plusieurs localités, s’il est poursuivi durant trois ans au moins, et s’il y a diffusion et cumul des savoirs et des savoir-faire, se répercute nécessairement à l’échelle nationale. Engagement et participation L’organisation d’élections municipales au Liban, pour près de 700 municipalités et après 35 ans de suspension de ces élections, fournit des opportunités au développement de la démocratie. Il y a là une démocratie de proximité, offrant les opportunités suivantes: 1. Engagement. Extension de l’intérêt de tous les Libanais et donc de leur engagement pour la chose publique, en tant que citoyens concernés, responsables et participants à la gestion des affaires publiques au niveau local. 2. Régulation des conflits. Apprentissage de l’autogestion et de la négociation en vue de la régulation des conflits à l’échelle locale, ce qui assure une plus large légitimité dans l’exercice de l’autorité. 3. Transparence et contrôle (accountability). Au niveau local, le citoyen perçoit plus concrètement ce qu’il paye comme taxes, mesure de façon tangible ce qui est entrepris, et fait l’apprentissage presque spontané de la transparence gouvernementale et du contrôle de la gestion publique. 4. Participation au développement. L’action municipale développe l’apprentissage de la participation en faveur du développement humain durable (Sustainable Human Development), le citoyen étant sollicité à se prendre en charge et à ne plus compter exclusivement sur un État lointain ou sur le pouvoir central pour améliorer ses conditions d’existence, là où il est (Empowerment). « Là où tu es, écrit Nietszche, creuse profondément ». Les recherches entreprises au Liban depuis les élections municipales ont un caractère souvent abstrait. Les résultats n’ont pas été concrétisés par des actions de terrain en vue d’un apprentissage démocratique quotidien suscitant la participation effective des citoyens locaux. Ces recherches mettent en relief les obstacles à la participation locale, obstacles qui ne peuvent être aplanis que par un apprentissage de terrain et à travers l’exemple concret de projets locaux et de modèles effectifs de participation. Chacun des séminaires a réuni plus de soixante-dix acteurs locaux, ministres, députés, membres du conseil municipal, ONG, moukhtars, universitaires et dirigeants d’organismes privés et publics qui dispensent des services : hôpitaux, écoles officielles et publiques, postes de gendarmerie, services régionaux des divers ministères… Les interventions et débats ont porté sur trois volets : – faire connaître les conditions de la localité dans les divers domaines ; – écouter la population locale dans l’expression de ses besoins, attentes et priorités ; – exécuter une initiative-pilote avec la participation de la population. Transcender rivalités et zizanies Il ressort de l’observation de terrain que l’exercice de l’autorité locale est plongé dans des rivalités et zizanies politiciennes et familiales. En conséquence, le programme rassemble les habitants de chaque localité autour de problèmes communs qui les concernent dans la vie quotidienne et en dehors des rivalités et zizanies traditionnelles. L’état sanitaire, éducatif, environnemental, celui des canalisations, des routes et des trottoirs concerne toute la population locale. Les workshops sont ainsi une opportunité de rencontre autour de problèmes communs. La finalité du programme réside dans la connaissance des conditions de la localité, la capacitation des citoyens par leur participation, et l’initiative sans devoir compter sur le pouvoir central ou attendre son intervention, mais au contraire amener ce pouvoir à s’impliquer. Le programme est pionnier sur le plan libanais et plus largement arabe quant à la pratique de la démocratie locale. Le Liban étant un petit pays, le programme exerce une contagion s’il se poursuit durant trois ans au moins. Les expériences normatives entraînent en effet une propension à la conformité. Le programme apporte surtout une innovation par rapport aux recherches académiques entreprises au Liban depuis 1990 sur les élections municipales et les conseils municipaux. Il profite de ces recherches en vue de stimuler la bonne gouvernance locale, non seulement à travers les conseils municipaux, mais aussi par le canal de toutes les forces actives locales. Le programme global s’étend sur trois ans (2001-2004) afin d’éviter le risque d’activisme et le travail conjoncturel sans enracinement et feu de paille. La persévérance et la continuité sont garantie de sérieux et d’intégration profonde dans la culture et la pratique de la démocratie locale. Ce nouveau programme de la Fondation libanaise pour la paix civile permanente se situe en pleine continuité avec plus de 40 séminaires organisés par la Fondation de 1987 à 2002 et ses 17 publications, le tout axé autour de trois thèmes : culture civique et mémoire collective, société civile et démocratisation, développement et politique sociale. Le programme a mobilisé directement, au cours de la 1re année, plus de 2 000 personnes (information et formation, initiatives, mini-projets locaux...) dans différentes régions du pays. Il se poursuit en 2003 – 2004, et pour la 3e année, dans d’autres localités avec, comme synthèse, la relation de plus de 15 expériences libanaises de gouvernance locale, une évaluation, une stratégie de suivi et une charte du citoyen municipal.
Toute politique à longue échéance et qui a des chances de durée (sustainable) est locale, parce qu’elle est liée à un exercice effectif et direct et à une participation au développement, en partant des données et des potentialités de la population locale. Celle-ci perçoit concrètement les fruits de son action et la bonne ou mauvaise gouvernance. Le Liban, en dépit de son...