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Le pouvoir rame, contre ses propres vagues, pour garder sa cohésion

Ô temps, suspends ton vol... Comment retenir les « heures propices » chères à Lamartine ? Les trois rois mages locaux clament que, pour l’Épiphanie, ils ont réussi la gageure, et le tour de magie blanche, de ne pas se fâcher derechef. Malgré la NTV. À les en croire, ce nuage d’hiver, s’il assombrit effectivement le ciel (forcément étoilé) de leurs relations, ne risque quand même pas de fuser en orage dévastateur. Et ils assurent que leur gentleman’s agreement de fond, qu’on a baptisé lavage des cœurs (tout commentaire sur l’état de propreté antérieur de ces organes serait inconvenant) tient plus que jamais. Et qu’ils y tiennent encore plus fort qu’avant. Assurances légèrement paradoxales en regard des faits, mais certainement sincères. Car les dirigeants savent, ils n’ont cessé de le répéter ces dernières semaines, que leur entente est nécessaire pour le redressement économique. Ainsi que pour faire face aux dangers qui pointent à l’horizon, aux retombées d’une frappe US en Irak ou d’une nouvelle agression israélienne. Ils savent aussi, ils savent surtout, que la Syrie serait outrée de voir ses pressantes recommandations de cohésion passer à la trappe. Il n’empêche que les secousses s’accumulent, que de petites causes engendrent régulièrement de redoutables effets. À chaque menu problème que le pouvoir affronte, il se divise sur lui-même. Tantôt ouvertement, tantôt discrètement, mais toujours sûrement. On connaît la fable de la brave paysanne pour qui tout ce que fait son mari est bon, même si, parti au marché vendre une vache, il en revient avec une pomme blette. Ici c’est tout le contraire. Tout ce que le vis-à-vis, le cohabitant, entreprend est mauvais et ne rapporte que pomme de discorde. L’harmonie, qui par définition se chante à l’unisson sur tous les toits, sonne faux. Pour un oui, et surtout pour un non, le chef du gouvernement menace de rendre son tablier, comme il vient de le faire. Ce qui entraînerait, on s’en doute, une crise de pouvoir, une tempête politique grave. Sans aller jusque-là, il est certain que la résurgence des polémiques sur les prérogatives ébranle le pays. Et ce regain de confiance loué dimanche par un Chirac qui ne se doutait pas qu’au moment même où il décernait son satisfecit, les stylets étaient tirés de leurs gaines. Un brouillamini qu’il est pourtant relativement facile de tirer au clair. En effet, c’est tout simplement à chaque transgression des lois, ou des règles, par l’un ou l’autre camp que les pugilats se déclenchent. Pour les prévenir, il suffirait donc que chacun respecte le code. Le code d’une route qu’en tout cas tout le monde est condamné à suivre d’un même pas. Soit pour gagner la sortie du tunnel, soit pour avancer vers l’abîme. Ce constat de bon sens élémentaire, les responsables sont les premiers à le défendre. En paroles, en slogans creux, que leurs actes démentent. Ils saupoudrent en outre leur comportement d’un surréalisme incroyable. Car ils sont également les premiers à reconnaître que la loi est allègrement foulée aux pieds, sans que nul d’entre eux ne s’avise de rendre des comptes à ce propos. Oubliant qu’ils font partie d’un même corps, ils s’adressent des reproches, des accusations réciproques d’illégalisme. Quand Hariri parle du manque d’égards manifeste pour la loi, ce n’est évidemment pas un aveu personnel qu’il accomplit. Mais le ministre de l’Information, Ghazi Aridi, se charge aussitôt de lui rappeler ses propres défaillances. En faisant, sur le moment, d’une pierre deux coups, puisqu’il s’est également demandé pourquoi son collègue des Télécoms, Cardahi, n’avait pas initialement refusé de souscrire aux injonctions du président du Conseil. On sait que Cardahi, qui craignait sans doute au départ de provoquer une nouvelle fâcherie avec Koraytem, s’est rattrapé par la suite quand le chef de l’État est revenu de voyage... D’autant plus facilement que, dans une première note, il avait couvert ses arrières, en précisant à Hariri que la décision de suspension serait entachée d’infractions aux textes de lois. De ces péripéties il ressort clairement, répétons-le, qu’on ne saurait imputer les avanies aux initiatives de tel ou tel personnage en particulier, car le mal est général. Il découle d’un mépris total de la loi, de l’inexistence avérée d’un État de droit comme des institutions. L’autorité est bafouée au profit d’un pouvoir de personnes et des luttes d’influence que cela implique inévitablement. Le pire c’est qu’on instrumentalise la justice à de telles fins triviales. Et le public a pu entendre de la sorte, et de la bouche même de Hariri, que la fermeture de la MTV était une décision politique attifée d’un costume judiciaire. Un bal masqué en somme et on se demande quand cette « mascherade » vénitienne prendra fin. Pour le moment, les médiateurs (dont Berry) tentent de circonscrire à la hâte le nouveau sinistre, avant qu’il ne s’étende à leurs propres bosquets. Le principal pompier reste cependant Damas, qui a prié les dirigeants de ne pas renoncer à cet exercice de bonne santé qu’est le lavage des cœurs. En laissant entendre au passage, par la voix de certains de ses récents visiteurs, qu’il appuie le régime, ainsi que le retour au respect de la loi. Ce qui devrait signifier, en pratique, que le prochain Conseil des ministres n’abordera pas le dossier de l’audiovisuel. Ni tout autre sujet qui fâche. Autrement dit, on ne parlerait pas non plus du fond du problème. C’est-à-dire de la mise sur la touche des institutions, Conseil des ministres en tête, par le système dit de la troïka. Philippe ABI-AKL
Ô temps, suspends ton vol... Comment retenir les « heures propices » chères à Lamartine ? Les trois rois mages locaux clament que, pour l’Épiphanie, ils ont réussi la gageure, et le tour de magie blanche, de ne pas se fâcher derechef. Malgré la NTV. À les en croire, ce nuage d’hiver, s’il assombrit effectivement le ciel (forcément étoilé) de leurs relations, ne...