Destin de Phénicien

Au Théâtre Monnot, c’est un théâtre comme on n’a pas l’habitude d’en voir que nous a fait découvrir la compagnie lyonnaise Théâtre du Shaman, avec Pièces courtes de Samuel Beckett, mises en scène par Bruno Meyssat. Un théâtre au jeu intense, riche en silences, où tout est dans la fixité du regard, dans les voix mesurées, dans le jeu d’éclairage. Un monde couleur cendre, indéfini, où les images – quoique décousues – trouvent un écho en nous, par analogie. Et nous parlent, comme dans un rêve. Bim, Bem, Bam et Bom sont tour à tour bourreaux et victimes les uns des autres (Quoi,où ). Le metteur en scène et son assistante tâtonnent pour réussir leur Catastrophe. May et sa vieille mère sont isolées dans un lieu fait de souvenirs qu’on ressasse, de questions qu’on se pose, de peurs non formulées, de regrets non dits (Pas )… Les dramaticules s’enchaînent dans une atmosphère irréelle, hors du temps et de l’espace, pleine de tension. Aucun éclat de voix, aucun mouvement brusque. Les acteurs se ressemblent, on pourrait les confondre. Ils ont tous cette même voix profonde. Tout est grave, et l’humour ne parvient qu’à grand-peine à faire une ou deux percées. Les sujets ? Il n’y en a pas vraiment, pas de thèmes «déclarés» du moins. Chacun perçoit les choses selon sa sensibilité, son vécu. La mise en scène est dépouillée. La scène est essentiellement meublée d’ombres et de vides, avec quelques accessoires bien choisis, tous fonctionnels et transformables. La scénographie exploite ainsi l’espace qu’elle «ouvre» ou «ferme» en augmentant ou en diminuant les zones d’obscurité. Tout est étudié en fonction des acteurs, de sorte à ce que rien ne vienne détourner l’attention d’eux. Les personnages ont en effet quelque chose de captivant. Et avec le refrain créé par Quoi, où qui revient en fin de spectacle, la boucle est bouclée. Nous voilà prisonniers de cet espace qui nous est devenu familier. Complices de cet indéfini indéfinissable qui nous unit.