L'inexplicable évidence

Que dire des dernières manifestations de la rue chrétienne, du communiqué de Bkerké et des réactions virulentes qu’il a suscitées ? Walid Joumblatt et Nabih Berry ont eu le mérite de reconnaître que ce ne sont pas les méthodes brutales et policières qui auront raison de la propension des gens à vouloir exprimer à tout prix ce qu’ils ont dans le ventre. Certes, le but n’est pas d’attiser les passions. Seulement elles existent et les autorités ont déjà constaté que la répression la plus dure ne peut les étouffer. On peut débattre indéfiniment de l’opportunité et de la légalité de la présence syrienne au Liban. Mais disons que les affinités ne se commandent pas et que, franchement, des régions entières du pays ont longtemps souffert de la dite présence armée fraternelle qui s’est manifestée pendant des années à coups d’obus. Indépendamment des responsabilités que les Libanais ou les Syriens assument dans ces multiples guerres qui les ont opposés, avouons qu’il est difficile de demander à tout un chacun de rendre grâce à ceux-là mêmes qui ont été à l’origine de la mort, de la disparition ou de l’incarcération de l’un des leurs. Que les dirigeants prennent donc la peine d’expliquer à ces jeunes révoltés pourquoi cette présence reste indispensable au Liban ; pourquoi les détenus dans les geôles syriennes doivent y demeurer ; et pourquoi les travailleurs étrangers fauchent à tour de bras les emplois qui leur reviennent de droit. Nul ne conteste les relations stratégiques entre les deux pays, la concomitance des deux volets et le reste... Mais apparemment, une bonne partie de la population reste insensible à ce genre de rhétorique ou peut-être même incapable de comprendre l’évidence. Est-ce donc trop demander à l’élite gouvernante de fournir des explications un peu plus simples à des gens dont le quotient intellectuel leur semble très au-dessous de la moyenne ?