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Actualités - ANALYSE

La présence militaire syrienne : diplomatiquement, une longue histoire

Le nationalisme bien compris, c’est bien évidemment le rejet de la souveraineté. Et ces enfants timides qui parfois osent lever les yeux sur vous pour vous demander : «Pardon, monsieur, est-ce que je peux avoir un peu d’indépendance ?» ne sont que des inconscients. De la graine de traîtres, d’agents stipendiés, de fauteurs de troubles, d’ennemis de la paix civile, de la coexistence mutique sous la férule du maître. «Ainsi, rappelle un vétéran de la politique locale, chaque fois qu’une partie soulève la question de la présence militaire syrienne, une autre partie pousse les hauts cris. Les rôles ayant d’ailleurs été inversés depuis l’entrée de ces troupes, il y a vingt-quatre ans. Depuis lors cependant, c’est, localement, la même controverse : cette intervention s’est-elle faite à la demande des autorités officielles libanaises, a-t-elle ensuite recueilli constamment leur consentement ? Un débat que le vice-président de la République syrienne, M. Abdel Halim Khaddam, grand officier traitant du dossier libanais, a radicalement tranché un jour en déclarant ex abrupto : “Nos forces ont pénétré au Liban sans solliciter la permission de personne et en sortiront de même”. On ne s’étonnera pas, après cela, de l’ostracisme qui a frappé quiconque a cru devoir demander le retrait ou même simplement le redéploiement des troupes syriennes. Un certain nombre de politiciens libanais ont dû de la sorte tirer un trait sur leur carrière : plus de députation et encore moins de portefeuille ministériel. Sans compter, évidemment, tous les Libanais, connus ou anonymes, qui se sont retrouvés tout à fait dehors ou un peu trop dedans, c’est-à-dire réduits à l’exil ou jetés en prison, ici ou ailleurs. Même les nations amies, même une superpuissance comme les USA se voyaient prier de se mêler de leurs affaires ou de regarder ailleurs quand il leur arrivait de demander le retrait syrien, en application des accords de Taëf». «Le premier à payer le prix, se souvient encore le pôle cité, fut sans doute le regretté Chafic Wazzan. Chef du gouvernement, il avait eu le courage de soumettre aux ministres arabes des Affaires étrangères, réunis en conférence à Beiteddine, un calendrier programme de retrait syrien. M. Khaddam avait immédiatement répliqué sur un ton virulent et c’en était pratiquement fini de la carrière de Wazzan qui devait par la suite être ignoré même dans les occasions protocolaires. Au sommet arabe de Fès en 82, le président Sarkis a officiellement prié la Syrie de retirer ses troupes comme l’avaient déjà fait les autres pays contribuant à ce que l’on appelait la Force de dissuasion arabe. Dans une note au sommet, le chef de l’État soulignait que le Liban devait étendre son autorité sur l’ensemble de son territoire par le truchement de ses seules forces propres. Les participants, prenant acte de cette demande, avaient à leur tour recommandé aux gouvernements des deux pays de se mettre d’accord sur les mécanismes du retrait dans les meilleurs délais. Bien entendu, il n’en a rien été. L’année suivante, en septembre, le président Gemayel adressait au secrétariat général de la Ligue une note réitérant l’appel du Liban au retrait israélien et au départ de toutes les forces étrangères, document dont une copie a été adressée au président Hafez el-Assad, assortie d’un souhait de voir ce dernier donner ses ordres sans tarder pour un retrait syrien. Le président Gemayel soulignait à cette même occasion qu’il espérait un avenir radieux pour les relations des deux pays, liés par l’histoire, la géographie et les intérêts communs. Parallèlement, un message identique était envoyé à Arafat pour qu’il s’en aille, le Liban continuant à soutenir la cause palestinienne en tant que telle. Pas de réponse, ni de l’un ni de l’autre». Et ainsi de suite, le rappel englobant les démarches similaires du général Aoun quand il se trouvait à Baabda ainsi que le rapport du comité tripartite arabe évoquant un retrait dans un délai de six mois pour arriver à la solution du redéploiement au bout de deux ans adoptée à Taëf. Décision superbement restée lettre morte, comme on ne le sait que trop. Le président Lahoud confie au syndicat des rédacteurs que s’il faut traiter une question aussi sensible au niveau des susceptibilités confessionnelles, cela doit être dans le calme, l’État pouvant seul juger du timing, en fonction de ses responsabilités constitutionnelles et de son évaluation de l’intérêt supérieur de la nation. Mais allant plus loin, certains loyalistes récusent toute campagne pour le redéploiement, «au nom de la dignité du pouvoir libanais». Ils font valoir que ce dernier ne peut pas «entrer en contact aves les autorités syriennes pour discuter de la question sous la pression de manifestes qui avivent les tensions confessionnelles». Une position logiquement inattaquable : si l’État libanais s’inclinait devant la levée de boucliers d’une frange de sa population, il ferait montre d’une faiblesse qui, paradoxalement, nécessiterait le maintien de la présence des forces fraternelles. On ne peut guère justifier plus subtilement cet autre vertigineux paradoxe : c’est par une démission de souveraineté qu’un État est souverain.
Le nationalisme bien compris, c’est bien évidemment le rejet de la souveraineté. Et ces enfants timides qui parfois osent lever les yeux sur vous pour vous demander : «Pardon, monsieur, est-ce que je peux avoir un peu d’indépendance ?» ne sont que des inconscients. De la graine de traîtres, d’agents stipendiés, de fauteurs de troubles, d’ennemis de la paix civile, de la...