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Actualités - ANALYSE

Pas d'équivoque cette fois au niveau des consultations parlementaires

C’est dans un tout petit alinéa, portant le numéro 4, que la belle Constitution de l’ère Taëf expédie, en son article 53, la procédure de désignation d’un nouveau Premier ministre. «Le président de la République, dit le texte, désigne un chef de gouvernement en consultation avec le président de l’Assemblée nationale, sur base de consultations parlementaires impératives» (certains préfèrent le terme «contraignant»). C’est là un des mille exemples qui illustrent l’indigence de la loi fondamentale actuellement en vigueur. Ses failles flagrantes ont provoqué la plupart de ces crises politiques, ou de pouvoir, qui n’ont cessé sous la présente république d’ébranler la stabilité politique. Et, partant, de causer le plus grand tort économique à ce pays rescapé de guerre. Ainsi, du temps de M. Hraoui, il avait fallu une fois l’intervention des Syriens pour ouvrir la voie à la formation d’un nouveau gouvernement. Le chef de l’État ne s’était pas entendu avec le président du Conseil désigné, en l’occurrence M. Rafic Hariri. Et la Constitution ne prévoit absolument rien pour résoudre un tel problème, pourtant si facilement prévisible. Bis repetita en 98, avec le même Hariri, lors de l’avènement du régime de M. Lahoud. Sauf que cette fois, on n’avait même pas atteint le stade de la composition du gouvernement. En effet, lors des consultations parlementaires, quelques dizaines de députés, s’appuyant sur le flou de l’alinéa 4 précité, s’étaient précipités chez le président Lahoud, «venu très fort» comme on disait alors, pour lui passer la brosse à reluire. Et le prier, voire le supplier, de choisir à leur place. Dignement, le président Lahoud avait viré ces voix au présidentiable qui avait obtenu le plus de voix, M. Hariri. Et tout aussi dignement, ce dernier, bien que majoritaire sans cet apport, s’était récusé. En protestant contre la liberté que les députés prenaient de faire procuration de leur mandat populaire à tierce personne, ce qui fausse tout le système démocratique. En fait, dans cette «double inconstance», comme dit Marivaux, tout le monde trouvait son compte. M. Hariri, très visiblement et très notoirement, n’était pas très chaud pour une cohabitation avec le nouveau maître de Baabda. Et ce dernier, très manifestement, préférait faire équipe avec M. Sélim Hoss. Deux ans plus tard, on n’en est plus là. Les donnes sont changées. Peut-être pas du tout au tout, comme le prétendent certains, car le régime, bien soutenu, ne se compare toujours qu’en mieux avec son prédécesseur. Mais suffisamment, sans doute, pour que M. Hariri puisse retrouver les affaires sans se heurter à un veto radical. Ainsi, il se confirme qu’il n’y aura pas cette fois, comme en 98, de hiatus au sujet des consultations parlementaires. La preuve la plus éclatante en est le retournement publiquement opéré par M. Élie Ferzli. Le vice-président de la Chambre, député-phare d’une magnifique région frontalière, la Békaa-Ouest, et juriste distingué, s’était prononcé en 98 pour la «liberté» des députés, c’est-à-dire pour leur droit de laisser le président choisir à leur place et les remplacer en tant que représentants de la volonté de leurs électeurs. Aujourd’hui, M. Ferzli indique que son opinion a évolué et qu’à tout prendre, les consultations doivent être aussi contraignantes pour les députés, c’est-à-dire les obliger à élire eux-mêmes un Premier ministre, que pour le président de la République. La quasi-totalité des «donateurs de bulletin» de 98 encore en place a de même rectifié la position. On peut donc, à cette occasion, rendre hommage à l’indéniable acuité des facultés intellectuelles des parlementaires concernés, du moment que, comme le dit l’adage populaire, seuls les idiots ne changent pas d’avis. La tendance à laisser courir les choses, comme l’ont voulu en réalité les législateurs de Taëf (obsédés par le dépouillement, l’affaiblissement politique de Baabda), tient donc le haut du pavé aujourd’hui. Certes, certains nouveaux élus, admirateurs inconditionnels du régime, seraient enclins à lui laisser carte blanche. Mais ils sont très loin de former une majorité, ou même une minorité consistante comme en 98. D’autant que Baabda lui-même laisse entendre que pour la prochaine édition, les députés qui demanderaient au président de la République de se substituer à eux se verraient opposer une ferme fin de non-recevoir. Cependant, répétons-le, la Constitution est si mal fabriquée que parmi les professionnels (les politiciens sont souvent des juristes), la controverse théorique se poursuit. Ainsi, M. Farès Boueiz, ancien ministre des Affaires étrangères et toujours député du Kesrouan, répond à M. Ferzli que l’alinéa 4 de l’article 53 C (Constitution) n’interdit pas explicitement aux parlementaires le droit de s’en remettre au chef de l’État. Négligeant l’axiome qui veut que tout ce qui n’est pas autorisé noir sur blanc en matière de Constitution est prohibé (alors que c’est l’inverse pour les lois ordinaires), M. Boueiz affirme en substance qu’un député «a toute latitude de nommer, de s’abstenir ou de faire procuration au président de la République». Appelant les choses par leur nom, alors que les participants de Taëf s’y étaient refusés probablement par égard pour la première magistrature, M. Boueiz ajoute que «si les consultations étaient contraignantes, on les aurait baptisées élections ou sélection». C’est un point technique de langue où l’ancien ministre semble avoir raison. Pourquoi utiliser le terme de «consultations», qui est par définition facultatif, pour des élections en bonne et due forme ? Mais inversement, que faire du terme «contraignantes», ne pas en tenir compte ? D’où il ressort que même dans la forme, le texte constitutionnel est hyperbâclé. C’est ce que veut démontrer sans doute M. Boueiz. Car, pour bien préciser les choses, il faut savoir que pour le fond même, l’ancien chef de la diplomatie libanaise pense qu’un député mandaté par le peuple doit assumer ses responsabilités en tant que tel. Il ne peut à son tour faire mandat de son mandat, dépôt de confiance totalement personnalisé. En ce qui concerne les «consultations», et puisqu’il ne s’agit que de cela, M. Boueiz estime que le chef de l’État est parfaitement en droit de tenter de convaincre les députés de porter leur choix sur tel présidentiable qu’il préfère lui-même. C’est cette marge qui explique, indique M. Boueiz, que l’on ait prévu un délai assez prolongé de temps pour chaque député, lors des consultations, qui ne sont donc pas à son avis une rapide formalité d’élection. Cependant, et en définitive, M. Boueiz souligne que ces concertations ne signifient pas que le député a tout bonnement le droit de se dessaisir de son devoir de choix au profit du président de la République. Encore que ce dernier puisse, selon M. Boueiz, recommencer les consultations, en concertation démocratique avec le président de l’Assemblée, si la majorité se prononce pour une personnalité dont les pôles du pays ne veulent pas. Car, gardien de la Constitution, le chef de l’État est le régulateur des intérêts nationaux et de la stabilité politique. Mais là comme ailleurs, «on retombe dans les interprétations et les contradictions», relève un juriste qui ne partage pas «les vues extensives en matière de pouvoirs présidentiels» de M. Boueiz.
C’est dans un tout petit alinéa, portant le numéro 4, que la belle Constitution de l’ère Taëf expédie, en son article 53, la procédure de désignation d’un nouveau Premier ministre. «Le président de la République, dit le texte, désigne un chef de gouvernement en consultation avec le président de l’Assemblée nationale, sur base de consultations parlementaires...