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Actualités - REPORTAGES

Bibliographie - Antoine Abi Haila, libraire, relieur et conseiller en conservation de livres anciens Comment sauvegarder le document graphique ? (photos)

«Je n’aime pas employer le mot “collectionneur”. On collectionne des meubles, des timbres, des porcelaines mais pas des livres». La rectification est faite par Antoine Abi Haïla, grand amateur de livres devant l’Éternel, «bibliophile» (pour employer le terme adéquat) passionné. Il ne préfère pas parler en chiffres, mais il possède plus de 8 000 documents et a été le détenteur, jusqu’en 1996, de la plus importante collection de livres d’équitation de France. Drouot lui a consacré une vente exclusive, à laquelle il n’a pas assisté : trop émouvante. Il s’est pourtant séparé de ces ouvrages rares, parmi lesquels se trouvaient des incunables, parce qu’il tient à un principe : selon lui, le bibliophile ne doit pas être obnubilé par l’objet-livre, c’est-à-dire par l’accumulation frénétique qui sied au seul collectionneur. «Le livre, c’est avant tout le fruit du génie humain. Il représente le produit de l’esprit, il est intemporel quand il est grand», affirme-t-il. En fait, bien plus qu’à l’objet en soi, Antoine Abi Haïla voue une passion à l’écrit, «qui témoigne de la grandeur humaine, qui se veut à l’image de Dieu». La transmission du savoir s’est faite sur des supports aussi variés que le parchemin bien sûr, mais aussi la pierre, le tissu, la peau de bête. Et le bibliophile les acquiert avec le même bonheur que des incunables, des éditions originales ou des lettres autographes. Prévention tous azimuts «Le Jardin d’Épicure», le nom de cet espace qui tient à la fois de la librairie, de la bibliothèque, de l’atelier de restauration et de salon où Antoine Abi Haïla reçoit ses visiteurs et leurs «malades» (leurs livres anciens abîmés), est donc pour le moins atypique et nouveau au Liban. Le conseil en conservation en est le fer de lance, et le spécialiste explique en termes clairs les règles rudimentaires d’entretien d’une bibliothèque, appliquées par les institutions culturelles du monde entier et fruit de recherches réalisées, entre autres, par le CNRS. «Il faut avant tout identifier la menace, explique-t-il. Les documents, confectionnés avec du textile ou avec des matériaux d’origine animale, végétale ou synthétique, sont attaqués par trois éléments vivants : les insectes, les bactéries et les champignons, et, dans les cas extrêmes, les rongeurs. Sans oublier les dommages et les catastrophes naturelles, comme les incendies et les inondations». Pour ce qui est de la deuxième phase, place à la prévention tous azimuts : l’emplacement, mais aussi l’architecture, la tuyauterie, l’électricité et les rayonnages sont scrupuleusement protégés. «Même si l’on s’équipe du meilleur, l’attention doit être portée avant tout sur le contrôle de l’air, poursuit-il. Il doit être chargé de 55 % d’humidité relative et la température doit se situer entre 18 et 21degrés». Le document graphique, un vestige ? Antoine Abi Haïla a plusieurs fois officié en tant que conseiller pour la constitution de bibliothèques privés, qu’il a orchestrée de bout en bout. Car pour lui, la conservation rejoint la bibliophilie sur le même point. «Le document graphique ne doit pas être considéré de manière négative, autrement dit comme un vestige, affirme-t-il. Se tourner vers le passé, c’est forcément regarder vers l’avenir, en apprenant des leçons de l’histoire». C’est dans cette optique qu’il est le détenteur d’une rareté mondiale : l’Encyclopédie de Diderot et de d’Alembert en 36 volumes in-folio (une des plus grandes dimensions), dans son édition d’origine : «Ce que j’aime, c’est savoir qu’un génie comme Voltaire se penchait sur cet ouvrage et s’y documentait», dit-il avec une jubilation manifeste. Une jubilation de bibliophile. Le Jardin d’Épicure, rue Najib Trad, Achrafieh. Tél : 03 812 318.
«Je n’aime pas employer le mot “collectionneur”. On collectionne des meubles, des timbres, des porcelaines mais pas des livres». La rectification est faite par Antoine Abi Haïla, grand amateur de livres devant l’Éternel, «bibliophile» (pour employer le terme adéquat) passionné. Il ne préfère pas parler en chiffres, mais il possède plus de 8 000 documents et a été...