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Actualités - COMMUNIQUES ET DECLARATIONS

Communautés - La situation est devenue intolérable, estime l'Assemblée des évêques maronites Bkerké : retrait syrien ou disparition du Liban

Dans un communiqué au ton nettement plus musclé que d’ordinaire, l’Assemblée des évêques maronites, réunie hier à Bkerké sous l’égide du patriarche Nasrallah Sfeir, a réclamé hier le redéploiement de l’armée syrienne en prélude son retrait définitif du Liban, en application de la résolution 520 du Conseil de sécurité de l’Onu et de l’accord de Taef. Soulignant que la situation est devenue «intolérable» dans le pays, les évêques ont estimé que sans un retrait syrien, le Liban s’oriente vers le «démembrement» et la «disparition». «La situation au Liban ayant atteint un tel niveau de détérioration, il est devenu impératif aujourd’hui de dire la vérité sans détours, sans réserves, commence le communiqué des évêques. La peur d’être arrêté contraint tout le monde à se dissimuler pour parler, à ne jamais oser exprimer tout haut ce qu’on pense tout bas. Pourtant, seule la vérité mène au salut. Il faut oser la dire avant qu’il ne soit trop tard. De là notre décision d’en appeler aujourd’hui à tous ceux qui sont concernés, tant au Liban qu’à l’extérieur, en espérant que cet appel contribuera au sauvetage». «Parlons d’abord des dernières élections législatives, qui se sont déroulées sur la base d’une loi électorale dont les auteurs furent les premiers à en dénoncer les failles», ajoute le texte. «Cette loi a créé des circonscriptions de grande taille englobant des majorités bien déterminées et des minorités tout aussi bien définies, de sorte que le vote des uns a noyé les voix des autres et que des députés non représentatifs ont été élus. En outre, certains candidats ont été élus avec plus de deux cent mille voix alors que dans les plus petites circonscriptions, d’autres ont été crédités de vingt mille bulletins, comme s’il devait y avoir des députés à deux vitesses», relèvent les évêques. «Cela sans parler des sommes considérables qui ont été dépensées pour acheter les consciences, des tentatives visant à susciter les haines confessionnelles, des interdictions d’antenne décrétées contre un certain nombre de candidats, alors que d’autres avaient la vedette nuit et jour», poursuit le communiqué. «Que dire aussi des pressions qui ont été exercées lors de la formation des listes, certaines ayant été forcées de prendre en leur sein des candidats avec lesquels il n’existait aucun lien ou orientation politique, alors que dans d’autres cas, on a vu des gens à qui il a été interdit de se présenter, même hors listes ?», s’interrogent les prélats. «Que dire surtout des convocations adressées dans certaines régions aux moukhtars et aux présidents de conseils municipaux par les services libanais, et plus souvent syriens qui, tantôt par les promesses et tantôt par les menaces, leur demandaient de forcer les électeurs à voter pour telle ou telle liste ?», ajoutent-ils. Pas de relance économique sans redressement politique Sur la crise économique, le communique relève que le Liban «n’a pas connu, même au plus fort des combats, une situation aussi catastrophique que celle qu’il traverse aujourd’hui. Des statistiques sérieuses ont montré que la moitié du peuple libanais vit désormais en dessous du seuil de pauvreté. Des usines ferment leurs portes et licencient en masse, des écoles privées voient leurs effectifs d’élèves diminuer parce que les parents n’ont plus les moyens de régler les écolages et annulent par conséquent des contrats avec certains de leurs instituteurs. De jeunes universitaires détenteurs de hauts diplômes émigrent à la recherche d’un poste qu’ils ne peuvent trouver au Liban. Combien d’entre eux n’y retourneront plus jamais ?», demandent les évêques. «Les produits libanais, agricoles ou industriels, ne trouvent pas de marchés à l’exportation, l’État n’assure aucune protection face aux produits étrangers, et tout particulièrement syriens, qui s’avèrent plus compétitifs sur tous les plans et en toutes saisons, étant donné la grande différence entre les deux pays en matière de politique de soutien aux prix et à l’exportation», note le texte. «Il y a aussi la main-d’œuvre non libanaise, et spécialement syrienne qui bénéficie d’une protection au Liban et se contente d’une rémunération modeste en raison du décalage du pouvoir d’achat entre les deux pays et parce qu’elle se suffit de très peu. De ce fait se trouve pénalisée la main-d’œuvre libanaise, qui ne rechigne nullement à travailler, pourvu que ce soit à des conditions acceptables», souligne-t-il. «Cela s’applique par exemple aux marchands ambulants et aux moyens de transport, aux poids lourds syriens qui travaillent en toute liberté au Liban, alors que les Libanais ne bénéficient pas du même avantage en Syrie», relève encore le communiqué. «Les prélats maronites estiment qu’il ne saurait y avoir au Liban d’économie saine sans une situation politique saine. Si l’économie libanaise s’est dégradée à ce niveau, c’est parce qu’elle a subi les effets de conditions politiques qui ont conduit le pays à cette situation douloureuse. Le Liban souffre depuis un quart de siècle d’une politique malsaine qui lui est imposée. Il a désespérément tenté de se libérer de ses contraintes, mais ces tentatives n’ont mené qu’à davantage d’impuissance, de faiblesse et de misère», constatent-ils. «Nous ne voulons pas ici revenir aux guerres qui se sont déroulées sur la terre libanaise, ni à l’analyse de leurs causes. Notre devoir, c’est de faire preuve d’un minimum de franchise et de modestie pour reconnaître que nous avons tous commis des fautes envers notre pays, par égoïsme, par ignorance ou par myopie. Chacun de nous a eu son lot de défaites, d’humiliations, de pertes et de destructions. Il est temps aujourd’hui d’opérer une véritable prise de conscience, de tirer les leçons de ce qui s’est passé et de nous mettre à la recherche de solutions susceptibles de sauver la patrie du démembrement vers lequel elle se dirige à grands pas. Tous les Libanais doivent agir solidairement afin d’éviter cela», lance le communiqué. «Mais la situation est devenue intolérable et mène le pays à la perdition. D’abord la perte de la souveraineté du Liban sur son territoire, à l’ombre d’une hégémonie qui recouvre toutes les institutions, toutes les administrations, tous les départements et tous les services. C’est pour cette raison que l’Administration a été paralysée, que les responsabilités se sont égarées, que la justice est tombée dans la confusion et que les gens ont été amenés à vivre dans un climat de peur, d’humiliation, de mensonge. Quant à celui qui ose dire ce qu’il pense, il se retrouve immédiatement dans le collimateur des services de renseignements. Combien nombreux sont d’ailleurs les Libanais qui croupissent dans les prisons israéliennes et syriennes. Leurs noms mêmes leur ont été ôtés et remplacés par des numéros. Au point où si un proche cherche à se renseigner sur le sort de l’un de ces prisonniers, il s’entend répondre que le porteur du nom avancé n’existe pas», accusent les prélats. « Arguments fallacieux » «Les Libanais ont eu à subir, pendant un quart de siècle, beaucoup d’humiliations auxquelles ils ne se sont pas encore accoutumés. Ils ont accepté de souffrir en silence, ils ont fait preuve de patience face aux destructions. Ils ont, malgré eux, fermé les yeux sur la spoliation de leur droit à s’autogérer et sur l’allégation selon laquelle ils seraient irresponsables et auraient toujours besoin d’une tutelle. Ils constatent aujourd’hui que le temps de la franchise est venu et qu’il faut, dans un climat de sincérité, de fraternité réelle, de respect mutuel, poser certaines questions nécessaires, et cela dans le but même de préserver l’esprit de fraternité qui devrait caractériser les relations historiques entre le Liban et la Syrie». Pour Bkerké, «Israël a quitté le Liban-Sud et a laissé derrière lui des problèmes dont les Libanais continuent à souffrir. Certes, la sagesse dont ont fait preuve ceux qui ont libéré le Sud en lui offrant leur sang par véritable patriotisme a allégé quelque peu le poids de ces difficultés. Ceux-là ont pavé la voie au rétablissement de l’autorité de l’État sur tout son territoire conformément à la résolution 425 qui n’a finalement pas été appliquée concrètement en dépit de la libération du Sud. Le temps n’est-il pas venu pour cet État de rétablir effectivement son autorité afin que les gens puissent sentir réellement sa protection et soient encouragés à retourner chez eux ?». «Ensuite, après le départ d’Israël, n’est-il pas temps aussi pour l’armée syrienne de reconsidérer son déploiement en prélude à son retrait définitif, en vertu de l’accord de Taëf ? Est-il nécessaire que cette armée continue à stationner à proximité du palais présidentiel, symbole de la dignité nationale, du ministère de la Défense et dans d’autres sites sensibles, de sorte que les Libanais en ressentent de l’embarras, pour ne pas dire de la frustration, face à l’atteinte portée à leur souveraineté et à leur dignité ?», se demandent les prélats. «On a beaucoup dit que si l’armée syrienne se retirait du Liban, des troubles y éclateraient de nouveau ou encore que sa présence était une partie indissociable de la paix libanaise. On a dit aussi qu’elle se retirerait si le gouvernement libanais le lui demandait. Tous ces arguments sont notoirement fallacieux et ne résistent pas à la simple logique: les Libanais ne s’entretueront pas si personne ne cherche à allumer le feu et, en fait, ils ne se seraient jamais entretués si quelqu’un n’avait pas semé la discorde entre eux», affirment-ils. «Nous demeurons déterminés à voir consolidées les meilleures relations fraternelles entre le Liban et la Syrie et nous considérons qu’en ce début de mandat présidentiel que l’on souhaiterait prospère pour la Syrie, le temps est venu de remettre en question la façon dont les rapports sont gérés entre les deux pays», proclame le communiqué. «Nous voulons que chacun des deux renforce l’autre, qu’ils se complètent réellement et de manière profitable à tous deux. Pour cela, nous demandons le redéploiement de l’armée syrienne au Liban en prélude à son retrait définitif en application de la résolution 520 et de l’accord de Taef et proclamons notre souhait du maintien entre eux des relations historiques et géographiques et entre leurs deux peuples des liens faits de parenté, d’amitié et d’intérêts communs». «Nous croyons que c’est l’unique voie à prendre pour empêcher le démembrement du Liban et sa disparition. Un Liban en bonne santé est un soutien pour la Syrie. Malade, il est un poids pour elle. Tant pour le Liban que pour la Syrie, nous souhaitons la dignité, la prospérité et la paix», conclut le communiqué.
Dans un communiqué au ton nettement plus musclé que d’ordinaire, l’Assemblée des évêques maronites, réunie hier à Bkerké sous l’égide du patriarche Nasrallah Sfeir, a réclamé hier le redéploiement de l’armée syrienne en prélude son retrait définitif du Liban, en application de la résolution 520 du Conseil de sécurité de l’Onu et de l’accord de Taef....