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Actualités - OPINION

La solitude du coureur de fond

Des mille et une façons d’être seul… Serrer des heures durant la main de milliers d’hommes et de femmes, en arriver presque à pouvoir toucher leurs applaudissements, leurs encouragements : se sentir seul, tout seul. Avoir le courage de lever la voix, refuser de se laisser cataloguer, de se laisser figer, prendre la peine d’essayer de construire sur des ruines, avoir une (pré)vision : regretter d’être seul. Entendre les mots de quelques collègues, ceux dits à deux, ceux scandés aux foules, écarquiller les yeux, Dieu, que le fossé entre deux discours peut être grand ! Sourire d’être seul. Inviter sa solitude à dîner, de plus en plus souvent, bien obligé, la raccompagner et monter, partager avec elle un énième verre, lui ressasser encore et encore son besoin de changements, sa volonté prudente d’ouverture, sa certitude qu’aujourd’hui, pour pouvoir avancer, il faut oublier, tout peut s’oublier, qu’il faut réunir tout le monde, accepter sa solitude pour compagne, une parenthèse, faire en sorte qu’elle ne s’éternise pas : s’aider de sa solitude. La spécialité d’un coureur de fond, ce sont les 1 500, les 5 000 ou les 10 000 mètres. Spécialité olympique, la course de fond, toute la noblesse de l’athlétisme en moins, beaucoup moins médiatisée que le sprint, le saut en longueur, ou la perche par exemple. Un coureur de fond gère sa performance sur la durée. Il mise tout sur la durée. Il ne travaille que sur le moyen ou le long terme, le long terme plutôt. Son énergie, son souffle, ses concessions, ses exigences, il ne les pense qu’en fonction du long terme. Un coureur de fond, au spectaculaire et à l’outrancier, tous deux éphémères, préfère surprendre en construisant, cent mètres après cent mètres, son résultat, sa victoire, dans sa tête, sa course dure des heures. Un coureur de fond privilégie l’endurance, la patience, il voit plus loin que le bout de ses cent mètres, sans doute voit-il plus loin que sa victoire. Il la bâtit. Walid Joumblatt semble s’être investi depuis quelques mois dans une véritable course de fond. Et il le fait pratiquement seul. Tout seul. Du moins publiquement. Il l’a initiée. Sauf qu’aujourd’hui le Liban a urgemment besoin de fédérer ses individualités «sportives» en équipe. En équipe nationale. Aujourd’hui, un unisson courageux, presque téméraire, des dirigeants du pays et de sa population, est plus que jamais indispensable.
Des mille et une façons d’être seul… Serrer des heures durant la main de milliers d’hommes et de femmes, en arriver presque à pouvoir toucher leurs applaudissements, leurs encouragements : se sentir seul, tout seul. Avoir le courage de lever la voix, refuser de se laisser cataloguer, de se laisser figer, prendre la peine d’essayer de construire sur des ruines, avoir une...