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Actualités - ANALYSE

Gouvernement de toutes les orientations ou participation sur base de constantes communes ? Pas d'entente sur le mot entente

Beaucoup de forces politiques, aussi bien à l’Ouest qu’à l’Est, estiment que dix ans après Taëf il est grand temps de doter le pays d’un Cabinet d’entente nationale. Mais cette formule ressemble à une auberge espagnole où chacun trouve ce qu’il apporte. Aussi paradoxal que cela paraisse, il n’y a donc pas d’accord sur le mot entente. S’agirait-il de faire participer au gouvernement toutes les tendances, aussi opposées qu’elles soient, anti-taëfistes compris ? Ou simplement les forces qui se retrouvent autour de constantes communes, pour éviter que le conflit ne se transpose de l’extérieur au sein même du pouvoir ? Certains, se référant à l’esprit comme à la lettre des accords de Taëf, rappellent qu’ils avaient édicté la formation d’un Cabinet regroupant, en vue d’une réconciliation nationale, les camps qui se déchiraient durant la guerre. Ils affirment que les contractants avaient particulièrement songé alors au chef des Forces libanaises, M. Samir Geagea et au général Michel Aoun. Ainsi, selon les défenseurs de cette thèse qui plaide en faveur d’une réintégration des radicaux de l’Est, le président René Moawad n’avait pas manqué dans son discours d’investiture de souligner qu’il avait toujours milité pour la concorde, ajoutant que «le pari de mon existence est aujourd’hui de réaliser la réconciliation entre Libanais de tous horizons. Une réconciliation qui n’exclut personne, même pas ceux qui s’obstinent eux-mêmes à se tenir à l’écart». D’autres, également versés dans les intentions des législateurs, soutiennent en substance qu’en réalité, «le gouvernement d’entente prévu dans le pacte de Taëf ne peut être dissocié de la présence militaire syrienne. Dans ce sens que seul un tel Cabinet, c’est dit en toutes lettres dans les textes, peut demander le redéploiement et a fortiori le retrait des troupes syriennes. Dès lors la Syrie, devenant de la sorte partie prenante, est autorisée à dire si les autorités libanaises qui s’adressent à elle constituent vraiment un gouvernement d’entente. C’est bien pourquoi Raymond Eddé avait à l’époque objecté sur la formulation effectuée. Il faisait remarquer que si la Syrie ne voulait pas d’un redéploiement, elle n’aurait qu’à contester la nature d’entente du gouvernement libanais qui lui en ferait la demande». Quoi qu’il en soit, le président Hussein Husseini qui fut comme on sait l’un des artisans principaux de Taëf, affirme que «l’entente nationale fait certes place à tout le monde, sauf naturellement à ceux qui se refusent à y adhérer. Un gouvernement d’entente nationale ne signifie pas la participation de ceux qui sont concernés par l’entente, mais la réalisation d’un équilibre entre toutes les communautés, en base du principe de la parité ministérielle entre chrétiens et musulmans. En commençant par un accord de partage entre les trois grandes communautés, les sunnites, les maronites et les chiites, la communauté arménienne devant être représentée dans tout gouvernement. C’est bien pourquoi nous ne pouvons jamais avoir un Cabinet de moins de 14 ministres. De plus, aucune personne, aucune fraction, aucune communauté ne peut disposer à elle seule, au sein du Conseil des ministres, du tiers de blocage et a fortiori de la majorité décisive des deux tiers. Cela pour que toutes les parties continuent à avoir besoin les unes des autres». Et de répéter que le gouvernement d’entente nationale signifie essentiellement la réalisation d’un équilibre. Ce qui, dans la conjoncture présente peut paraître plutôt restrictif. L’ancien député Edmond Rizk, déclare quant à lui que «l’entente passe tout d’abord par la réconciliation, dont il ne faut absolument exclure personne, même pas ceux qui s’opposent à un accord politique général. En outre, l’entente ne peut pas se cristalliser autour de personnes déterminées, mais bien de principes généraux, du reste énumérés dans la Constitution et dont on peut citer la souveraineté, l’indépendance, l’unité d’un pays qui est une patrie définitive pour tous ses fils et qui constitue une république démocratique parlementaire». Il souligne qu’il est grand temps de tourner la page de la guerre, pour bâtir un État de droit et des institutions assurant l’égalité entre tous. On se retrouve donc en pratique devant (au moins) deux points de vue distincts : ceux qui veulent d’un gouvernement englobant toutes les options ; et ceux qui préfèrent réserver l’entente aux taëfistes. Sans compter ceux qui éludent tout simplement le problème et parlent d’homogénéité plutôt que d’entente. La confiance, une affaire de personnes Par ailleurs, et enfin, une voix sage qui s’élève : «Alors que le pays se débat dans les pires difficultés, on nous rebat les oreilles, s’indigne un ancien ministre, avec ces polémiques hors de propos sur un Cabinet dit d’entente nationale, un gouvernement homogène ou encore avec le mythique plan préalable de redressement économique sur lequel personne ne s’accorde. Tout cela, c’est du bla-bla. Il n’y a qu’un seul et unique élément qui compte vraiment : la confiance. Et contrairement à ce que certains prétendent ce concept psychologique, subjectif par définition, n’est jamais lié à des choses, comme des lois ou des programmes, mais toujours à des personnes. Sans la formidable personnalité d’un Churchill, d’un Staline, d’un De Gaulle, d’un Tito, d’un Nasser, d’un Castro, il est évident que le destin de leurs nations respectives aurait été dramatiquement différent. Jamais les belles promesses d’un État faible, aussi techniquement défendables qu’elles puissent paraître, ne peuvent produire un essor politique ou économique. Rien, dans la marche en avant, ne peut se substituer à l’assurance de leaders écoutés. La confiance, enchaîne le vétéran, ne peut se cristalliser dans un pays qui cherche encore sa voie que sur un homme, ou un groupe d’hommes, et non sur un système ou un projet quelconque. Car, comme la justice ou l’amour, la confiance est aveugle. Mais pas sourde : les vitupérations gesticulatoires la font fuir et c’est la force tranquille qui l’attire, comme Mitterrand l’a si bien prouvé en France. De plus, comme la démocratie ou la liberté, et contrairement à l’autorité totalitariste, la confiance reçue incite naturellement un dirigeant à vouloir corriger ses erreurs passées». Une allusion assez claire aux propos de repentance tenus dernièrement par M. Hariri en ce qui concerne la stratégie économique qu’il avait adoptée lors de ses six années de pouvoir. Il est donc également assez évident que la personnalité citée est plutôt favorable au come-back de l’ancien président du Conseil, dans la mesure où il lui semble bénéficier de la confiance populaire. Mais l’ex-ministre se hâte de préciser qu’«une main seule n’applaudit pas. Il faudra un gouvernement formé de fortes figures, au verbe entraînant, à la parole respectée, à l’action résolue. Un accord est donc nécessaire entre les principaux pôles politiques et sociaux du pays. Peu importe qu’il s’agisse d’un Cabinet d’entente ou d’une équipe dite homogène chargée d’exécuter tel ou tel programme. Il faut avant tout doter d’urgence le Liban d’un pouvoir qui aurait sa confiance. En économie, problème vital, c’est capital». C’est le mot.
Beaucoup de forces politiques, aussi bien à l’Ouest qu’à l’Est, estiment que dix ans après Taëf il est grand temps de doter le pays d’un Cabinet d’entente nationale. Mais cette formule ressemble à une auberge espagnole où chacun trouve ce qu’il apporte. Aussi paradoxal que cela paraisse, il n’y a donc pas d’accord sur le mot entente. S’agirait-il de faire...