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Actualités - ANALYSE

Berry tente d'étouffer dans l'oeuf le conflit politique Les organismes économiques entrent dans la danse

Tandis que le président Nabih Berry procède à des préconsultations parlementaires élargies, en vue de faciliter la mise sur pied du prochain gouvernement, les organismes économiques font sur la scène publique une irruption fracassante. Ils espèrent déterminer demain, par leur détermination d’aujourd’hui, la formation d’un Cabinet essentiellement braqué sur la crise économique, qui frise la catastrophe. M. Berry n’en disconvient pas et il va répétant que l’urgence économique impose mieux qu’une trêve politique, un véritable accord de fond qui se cristalliserait à travers la composition du nouveau Cabinet. Le président de la Chambre y va de si bon cœur que certains n’hésitent pas à affirmer qu’il détient «le mot d’ordre». Autrement dit que les décideurs, dont il est comme on sait l’un des plus sûrs piliers, lui auraient confié le soin de trouver une solution positive au conflit larvé qui oppose les partisans du régime et les haririens. Il est en effet notoire que sans une entente entre ces deux camps, la formation du prochain ministère provoquerait une sévère crise politique dans le pays, voire même une crise de pouvoir, un blocage des institutions. Fin psychologue, M. Berry veut tout d’abord obtenir qu’on cesse de part et d’autre de penser en termes d’acquis et de pertes, de victoire et de défaite. Les échanges d’accusation et les procès d’intention ne font à son avis qu’attiser un feu, confessionnel ou sectariste, qui risque de consumer l’entité libanaise tout entière. Il rappelle avec insistance que les élections c’est déjà du passé, qu’il faut se hâter de les mettre derrière ses épaules pour ne plus songer qu’à l’intérêt véritable du pays. Ce qui implique naturellement une entente générale, d’abord pour le choix du nouveau président du Conseil, ensuite pour la formation de son équipe ministérielle. Les organismes économiques quant à eux pensent en gros que les politiques se fourvoient et qu’ils ont «tout faux» comme disent les potaches, quand ils continuent à se quereller comme ils le font, alors que le pays est en train de sombrer sous ses dettes. Ces instances s’alarment d’autant plus que, sur le plan strictement ponctuel, sans même évoquer les terribles retombées futures d’un tel comportement irresponsable, le jeu des tensions auquel se livrent les politiciens ne fait qu’aggraver une situation économique quasi désastreuse. Dès lors les organismes économiques vont se réunir pour adopter une ligne d’action commune. Du côté des industriels, M. Jacques Sarraf, qui multiplie les interventions télévisées critiques, compte organiser au début du moins prochain un séminaire, un certain nombre d’experts en tous domaines. Pour un programme global de redressement. Amertume Les hommes d’affaires s’affirment, déclare l’un d’eux, «très choqués par l’inconscience des politiciens qui ne pensent qu’à se crêper le chignon comme de vieilles harpies, alors que nous allons couler. La personnalisation du débat, ce ton passionné que certains maintiennent après les élections, ne sont bons ni pour la démocratie ni pour l’économie nationale. S’il doit y avoir une controverse, il faudrait qu’elle porte plutôt sur des programmes techniques. Or, en pratique, personne n’en présente. Et l’on entend même les politiciens répondre publiquement, quand on les interroge à ce sujet, qu’ils n’ont qu’une vague idée du problème, que ce n’est pas leur affaire, qu’ils ne détiennent aucune clé. Oubliant sans doute que s’il n’y a plus rien dans les coffres, c’est par leur faute». Ces sources, qui se défendent de faire elles-mêmes de la politique, n’en participent pas moins au bras de fer politique en prenant indirectement partie pour les loyalistes. En effet, selon le même homme d’affaires précédemment cité, qui abonde très exactement dans le sens du Hezbollah et des contempteurs de M. Rafic Hariri, «on doit rayer du dictionnaire le terme de “sauveur”. Le temps des mirages est fini. Ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas un homme, mais un programme. Et une bonne équipe pour l’exécuter. Les ministres doivent être forts et dans les circonstances actuelles, cela signifie avant tout qu’ils doivent être efficients, donc compétents. Ce n’est pas leur popularité qui compte mais au contraire, leur disposition à se rendre impopulaires. Car, comme le président Nabih Berry l’a remarqué, le prochain gouvernement devra certainement prendre des mesures que le public jugera dures, mais qui seront nécessaires pour assainir les finances de l’État et relancer l’économie». Et de souligner ensuite qu’on «fausse gravement le problème quand on le résume dans l’équation : ou Hariri ou la dégringolade. Le choix de Hariri peut sans doute créer, comme en 92, un premier mouvement positif de quelques semaines, mais cela ne va pas plus loin. Il faut un traitement longue durée et pour cela, un gouvernement, un pouvoir, capables. Un homme seul ou isolé ne peut strictement rien faire. Le pays a besoin d’un Cabinet techniquement à la hauteur, d’une vraie équipe de travail». Ce qui laisse entendre, ou sous-entendre, que les hommes d’affaires, qui savent y faire, sont prêts à se dévouer pour la cause publique en devenant ministres. On notera, avec un zeste d’amusement, qu’une telle formule n’exclut pas M. Hariri, lui-même homme d’affaires s’il en fut. Mais la proposition des milieux d’affaires, encore confidentielle à ce stade, est rejetée en bloc par les politiciens, loyalistes et opposants confondus. Ces derniers font valoir que l’expérience technocratique n’a produit que des contre-effets et que pour gouverner vraiment, un Cabinet doit avoir politiquement les reins solides. Toujours est-il que, sur le plan anecdotique, les bookmakers clandestins commencent à s’intéresser à la course aux maroquins. Pour le moment dans les officines, on ne parie pas encore sur les noms, mais sur le volume du Cabinet et sur la répartition des portefeuilles. La spéculation qui tient la cote actuellement est celle relative à la mise sur pied d’une équipe de 24 ministres, dont 8 ministres d’État. On y retrouverait certains «incontournables», ou indécrottables, ces bons amis des décideurs pudiquement appelés «ministres-constants». Mais pas tous, tout comme d’ailleurs aux élections où certains de ces honorables personnages ont été éliminés, voire laminés. Autre prévision : on n’inviterait pas cette fois aux agapes les trublions consommés, baptisés pour leur part «ministres-contestataires». Un pronostic qui semble toutefois assez hypothétique, car certains premiers rôles impétueux, qui ruaient dans les brancards aussi bien sous M. Hoss que sous M. Hariri, sont encore trop dans les bonnes grâces des parrains pour ne pas retrouver leurs maroquins. Quoi qu’il en soit, loin des pointages un peu trop prématurés, la campagne en faveur d’un Cabinet d’entente nationale, lancée notamment par M. Walid Joumblatt, semble décroître ces jours-ci. Le ton est plutôt au Cabinet homogène que prône M. Rafic Hariri.
Tandis que le président Nabih Berry procède à des préconsultations parlementaires élargies, en vue de faciliter la mise sur pied du prochain gouvernement, les organismes économiques font sur la scène publique une irruption fracassante. Ils espèrent déterminer demain, par leur détermination d’aujourd’hui, la formation d’un Cabinet essentiellement braqué sur la crise...