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Actualités - REPORTAGES

Liban-Syrie - Le leader druze défend l'idée de deux pays, deux politiques Joumblatt plaidera aujourd'hui à Damas en faveur d'un rééquilibrage des rapports bilatéraux

Le chef du PSP et député du Chouf, M. Walid Joumblatt, est attendu aujourd’hui à Damas pour un entretien avec le président syrien, M. Bachar el-Assad. De prime abord, la visite du leader druze peut être inscrite dans le prolongement du défilé habituel de personnalités libanaises dans la capitale syrienne. En fait, elle revêt une importance et un sens particuliers dans la mesure où elle dépasse le cadre des conciliabules habituels et favorisera, au cas où elle serait couronnée de succès, l’ouverture d’une nouvelle phase dans l’histoire des rapports libano-syriens. M. Joumblatt part en Syrie dans un but bien déterminé : plaider auprès des dirigeants de ce pays en faveur d’un rééquilibrage des relations sur le double plan politique et économique. L’exemple qu’il donne à ce propos est des plus éloquents. C’est celui de la Chine et de Hong Kong : «Avant que la Chine ne reprenne Hong Kong, elle a lancé un slogan : un seul pays, deux politiques. Dans notre cas, c’est deux pays avec une politique, Il faudra deux pays et deux politiques. Avec le minimum de coordination». Depuis quelque temps, M. Joumblatt a, comme on le sait, fait de ce thème son cheval de bataille, un thème sur lequel il revient régulièrement, avec insistance. Comme beaucoup d’hommes politiques, le leader druze constate que le pays va droit au désastre et qu’il serait difficile, voire même utopique, d’envisager un redressement quelconque sans commencer par l’essentiel : rééquilibrer la vie politique et libérer les institutions de tous les défauts qui les paralysent. Or, dans ce contexte, un rééquilibrage des rapports avec la Syrie, qui exerce une influence indéniable au Liban et dont l’intervention dans les affaires libanaises a souvent faussé le jeu politique local, paraît primordial. Mais contrairement à beaucoup d’hommes politiques libanais, M. Joumblatt n’a pas voulu se contenter d’avancer des théories et de développer des idées dans l’espoir qu’elles trouveront un écho favorable auprès de qui elles s’adressent. Joignant le geste à la parole, il prend aujourd’hui le chemin de la capitale syrienne, d’abord pour communiquer à ses interlocuteurs syriens son point de vue sur la question, ensuite pour prendre connaissance de leurs commentaires. Son discours s’articulera autour de deux points principaux : le repositionnement des forces syriennes au Liban et un recentrage des rapports économiques. M. Joumblatt tient à préciser qu’il n’innove pas en abordant la question du redéploiement syrien puisqu’en réalité, il ne fait que soulever une échéance prévue dans le «document d’entente nationale» qui avait mis fin à la guerre au Liban. «Ce texte stipule que les troupes syriennes doivent, pour des raisons stratégiques, se positionner au Liban afin de défendre le flanc de la Syrie contre Israël. Sur le plan technique, il faudrait peut-être envisager certains redéploiements pour aboutir aux fins stratégiques et soulager quelque part certaines populations. Dans certains villages dont les accès sont contrôlés ou sur certains axes, le déploiement n’est pas seulement à des fins purement militaires», déclare-t-il. Objectifs militaires M. Joumblatt propose une coordination entre les commandements des deux armées libanaise et syrienne pour définir un nouvel axe de redéploiement. Il note à ce propos que le Liban pourrait avoir besoin de «la pression» que constitue la présence de l’armée syrienne au Liban «pour désarmer pacifiquement les camps palestiniens». «Étant donné les bonnes relations entre les deux institutions, certains objectifs militaires peuvent être remplis par l’armée libanaise et d’autres par l’armée syrienne». Dans le même ordre d’idée, il constate que l’article de Taëf selon lequel «la sécurité du Liban dépend de celle de la Syrie et vice versa» est «un peu vague». «Il faudra peut-être le clarifier pour que le Liban ne constitue pas une base pour des actions hostiles menées contre le régime syrien, mais tout en préservant les caractéristiques du régime libanais qui sont la démocratie et le respect des libertés». Ce point de l’accord de Taëf ne doit surtout pas servir de prétexte aux services de sécurité pour outrepasser leurs prérogatives, ce que M. Joumblatt relève indirectement en se prononçant pour une centralisation de ces services, accusés d’ailleurs par le leader druze et par bon nombre de pôles de l’opposition d’être intervenus dans les dernières élections législatives. «Certains services de renseignements libanais qui, comme beaucoup de Libanais, se réclament de la Syrie, ont été un poids pour la population et ont essayé de semer la discorde et de porter atteinte aux libertés publiques (durant les élections), dit-il. Cette myriade de services est devenue insupportable. Cela ne peut pas durer. Ce n’est pas normal qu’ils interviennent un peu partout, dans les universités, au sein des syndicats, dans la vie publique et au niveau de la presse, au nom de la sécurité commune». Il insiste : «Ça devient insupportable». Il insiste tout autant sur la nécessité que ce problème soit traité à un niveau politique «de gouvernement à gouvernement». «Les sujets techniques relatifs aux renseignements doivent être dirigés non pas par un sbire des renseignements mais par un ministre politique qui puisse réellement établir une distinction entre les intérêts majeurs stratégiques syriens et les affaires courantes libanaises et le respect des libertés au Liban», affirme M. Joumblatt. Accords à sens unique Le second point qu’il compte soulever avec son interlocuteur syrien est d’ordre économique. M. Joumblatt constate que les accords commerciaux et agricoles bilatéraux sont pour le moment «à sens unique» et devraient être révisés de manière à préserver les intérêts des deux pays. «Il faut d’abord boucler la frontière et empêcher la contrebande», fait-il valoir, avant d’insister sur la nécessité d’un filtrage des ouvriers syriens qui viennent travailler au Liban en fonction des besoins du marché local. Il est certes inopportun de se perdre en conjectures sur les chances de succès de «la mission Joumblatt» à Damas. Mais le leader druze semble croire fermement à une possibilité de changement. D’abord parce que Israël est sorti du Liban et que le pays reprend son souffle, pour citer ses propres termes ; ensuite, et surtout, parce qu’il a décelé un changement dans le discours syrien. M. Joumblatt se réfère dans ce cadre aux éditoriaux de la presse syrienne et aux propos du chef du Parlement syrien, Abdel Kader Kaddoura, pour faire état d’une volonté de changement en Syrie par rapport au Liban. «Ils savent que si nous sombrons économiquement, ils sombreront avec nous. La Syrie ne peut pas jouer le rôle de l’Allemagne de l’Ouest qui soutient l’Allemagne de l’Est». Parallèlement à ces dossiers, le député du Chouf compte discuter avec le président syrien du profil du prochain gouvernement et se prononce résolument en faveur de la formation d’un gouvernement d’union nationale. «Si l’équipe qui sera formée se révèle hétérogène, elle fera faillite un an après sa formation et ce sera le désastre économique et politique. Je ne pense pas que le Liban et la Syrie peuvent encore se permettre des expériences de ce genre. Aujourd’hui les indicateurs économiques sont très alarmants». Quant à la question que d’aucuns se posent, à savoir pourquoi Walid Joumblatt a pris aujourd’hui l’initiative de réclamer un rééquilibrage des relations libano-syriennes, le leader druze répond en relatant cette anecdote : «Quand mon père est allé en 1958 à la tête d’une immense délégation populaire pour recevoir (Gamal Abdel) Nasser, il a prononcé devant lui, à Marjé, un discours dans lequel il a souligné l’importance de la spécificité libanaise qui est l’indépendance du Liban. Et je m’appelle Walid Kamal Joumblatt. Je n’ai pas changé de nom».
Le chef du PSP et député du Chouf, M. Walid Joumblatt, est attendu aujourd’hui à Damas pour un entretien avec le président syrien, M. Bachar el-Assad. De prime abord, la visite du leader druze peut être inscrite dans le prolongement du défilé habituel de personnalités libanaises dans la capitale syrienne. En fait, elle revêt une importance et un sens particuliers dans la...