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Actualités - ANALYSE

Législatives - Un défi à l'horizon : les rapports avec Baabda et l'équilibre interne Hariri a fait vibrer la fibre sunnite

Le marasme économique et le profond malaise social que le gouvernement de M. Sélim Hoss n’a pas réussi à surmonter ne suffisent certainement pas à expliquer le raz-de-marée sans précédent enregistré à Beyrouth par M. Rafic Hariri. La déroute du chef du gouvernement en exercice, Sélim Hoss, et celle de M. Tammam Salam et, surtout, l’écart impressionnant de voix entre ces derniers et leurs adversaires sur les listes Hariri reflètent plutôt une crise politique à peine larvée qui ne cesse d’envenimer le climat local et qui marquera sans doute la conjoncture sur l’échiquier libanais au cours de la prochaine étape. Lors de la conférence de presse qu’il a tenue hier matin, M. Hoss a évoqué d’une manière implicite l’un des aspects de cette crise politique en dénonçant l’exacerbation des sentiments «sectaires», à la base, selon lui, du raz-de-marée de dimanche dernier. En termes plus clairs, M. Hariri semble avoir joué à fond la carte sunnite pour mobiliser autour de lui les électeurs de sa communauté, largement majoritaires dans les trois circonscriptions de la capitale. Cette volonté plus ou moins voilée de galvaniser l’électorat sunnite afin de regagner le terrain perdu après l’accession du président Émile Lahoud au pouvoir s’est manifestée par la campagne menée par l’ancien Premier ministre contre M. Hoss, qu’il a accusé maintes fois d’avoir permis au chef de l’État de rogner les ailes de la présidence du Conseil, en tant qu’institution constitutionnelle. Subrepticement, ce sentiment – justifié ou non – selon lequel le Premier ministre a vu son rôle marginalisé depuis le début du mandat Lahoud s’est emparé progressivement de la rue sunnite beyrouthine, sous l’impulsion de M. Hariri, à tel point que certains milieux parlaient souvent de «frustration» sunnite, faisant suite à la frustration chrétienne. Un tel sentiment a été sciemment entretenu et s’il a pu aussi aisément faire tache d’huile, c’est principalement parce que l’inconscient collectif communautaire reste un paramètre incontournable de la réalité libanaise. M. Hariri a su tirer profit de cette donne populaire, dont l’effet a été accentué sans aucun doute par les nombreuses maladresses, les débordements et les attitudes souvent arrogantes de certains symboles du nouveau régime. Sans compter, évidemment, le pouvoir (politique) de l’argent et les «petits services» fournis à grande échelle dans un contexte de crise socio-économique aiguë. La conjonction de ces deux derniers facteurs – politico-confessionnel et social –, combinés au marasme économique, expliquent le raz-de-marée beyrouthin qui a fait de M. Hariri, non seulement le grand vainqueur de la bataille de Beyrouth, mais surtout le principal leader sunnite du pays. Et pour cause : MM. Sélim Hoss et Tammam Salam sont désormais hors jeu ; parallèlement, M. Omar Karamé a vu son leadership sérieusement laminé par les alliés de M. Hariri au Liban-Nord. Le maître de Koraytem aura réussi ainsi à faire pratiquement le vide sur la scène politique sunnite et, pour l’heure, il se retrouve très largement en tête du peloton des ténors sunnites. Au lendemain de ce scrutin du 3 septembre, la grande question est de savoir quels seront les effets du raz-de-marée Hariri sur les rapports de force internes, et plus précisément sur les relations entre la présidence de la République et la présidence du Conseil. Un éventuel «come back» de l’ancien Premier ministre aurait-il pour finalité, dans l’optique de M. Hariri (ou de Damas ?), d’asséner un nouveau coup à la présidence de la République en limitant, une fois de plus, son pouvoir et ses possibilités d’action, sous prétexte de vouloir redonner un rôle prépondérant au chef du gouvernement ? Si telle est l’intention véritable de Koraytem, la manœuvre serait plus que maladroite. Et dangereuse. N’est-il pas grand temps de tirer la leçon des erreurs du passé et de prendre conscience, enfin, du fait que le Liban ne peut être gouverné contre la volonté d’une quelconque communauté ? À la lumière de l’expérience des derniers mois et du sentiment de frustration sunnite, Hariri aurait-il acquis la conviction que le pays ne saurait être géré que sur base d’un consensus entre la présidence de la République et la présidence du Conseil ? Si M. Hariri tente de rogner les ailes de la Magistrature suprême, il n’aurait fait que transposer le problème d’un camp à l’autre, sans pour autant poser les jalons d’un assainissement du climat politique local. Se maintenir de la sorte dans un cercle vicieux en passant d’une frustration à une autre reviendrait à perpétuer les facteurs de déstabilisation au plan interne. L’un des aspects positifs du scrutin législatif qui vient de s’achever est qu’il a reflété, d’une manière timide et toute relative, une volonté des forces vives chrétiennes de sortir de l’hibernation politique dans laquelle elles sont plongées depuis plusieurs années. Essayer d’étouffer dans l’œuf une telle résurrection – en s’attaquant, entre autres et à titre d’exemple, à la présidence de la République – risquerait de porter un nouveau coup à la fragile cohésion interne. Et au projet d’entente nationale qui demeure encore à l’état virtuel.
Le marasme économique et le profond malaise social que le gouvernement de M. Sélim Hoss n’a pas réussi à surmonter ne suffisent certainement pas à expliquer le raz-de-marée sans précédent enregistré à Beyrouth par M. Rafic Hariri. La déroute du chef du gouvernement en exercice, Sélim Hoss, et celle de M. Tammam Salam et, surtout, l’écart impressionnant de voix entre...