Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Bint-Jbeil - Tyr - A Kawzah, Debel, Ain Ebel et Rmeich, on tente de s'attirer les faveurs de l'Etat L'attitude sensée des chrétiens de la bande frontalière (photos)

L’intérêt dans la bande frontalière n’était pas tant dans le taux de participation – relativement bas jusqu’aux environs de 13h – que dans les motivations complexes qui ont poussé les habitants des régions chrétiennes de Bint-Jbeil à se rendre aux urnes, des habitants aux réflexes électoraux rouillés après 28 ans d’abstention forcée. Il y a beaucoup de bon sens dans la décision de l’écrasante majorité des électeurs à Kawzah, Debel, Aïn Ebel et Rmeich, et une soif inconsciente de la présence de l’État quels que soient ses représentants. Or la liste de la Résistance et du développement a un immense avantage par rapport à celles de l’opposition : elle regroupe un bon nombre de symboles étatiques, que préside d’ailleurs le chef du Parlement Nabih Berry. Ainsi dans ces villages, la génération d’avant-guerre fidèle à l’ancien président de la Chambre Kamel el-Assaad a tout de même voté Berry, quitte à biffer des candidats de sa liste pour y insérer Habib Sadek, Élias Abou Rizk ou encore Nadim Salem. «Il vaut mieux avoir Nabih Berry avec plutôt que contre nous, du moment qu’il va être certainement élu», disent certains esprits pratiques. D’autres affirment être convaincus de leur choix : selon eux, en effet, Nabih Berry et le mouvement Amal en général sont les seuls à s’être préoccupés du sort de la région. On n’hésite pas néanmoins à remplacer Assaad Hardane par Élias Abou Rizk, d’autant plus qu’une telle mesure ne prête pas à conséquence. On décèle donc de la peur, doublée d’une évidente résignation, dans ces villages où l’on se sent encore en quarantaine par rapport au reste du pays. Il ne faut pas oublier non plus qu’un bon nombre des habitants de l’ex-zone occupée ont encore des parents en Israël ou incarcérés au Liban. En s’attirant les bonnes grâces du pouvoir, on espère obtenir une amnistie générale qui permettrait, entre autres, aux quelque 1 500 exilés ou prisonniers originaires de Rmeich de rentrer chez eux. Peut-on donc considérer que le vote est libre dans de telles conditions ? Présence timorée des assaadistes Déjà en 1996, les partisans et les portraits de Kamel el-Assaad se comptaient sur les doigts de la main dans les rues et les bureaux de vote. Quatre ans plus tard, ils sont quasi inexistants. Et quand les délégués de l’ancien chef du Parlement font acte de présence dans les centres de vote, ils s’excusent presque d’être là. Ils se disent même persuadés de la victoire de la liste de la Résistance et du développement. Ce qui ne veut pas dire que les partisans de M. Berry dans les localités chrétiennes sont forcément sincères dans leur choix. Les arguments présentés par l’un d’entre eux à la porte du bureau de Kawzah, à quelques mètres de l’église où le curé de la paroisse officiait encore vers 10h, paraissent bien faibles. «Il faut comprendre nos circonstances. Du reste, M. Berry est le seul à s’être préoccupé de notre sort», a-t-il dit. Plus jeune, le délégué de Habib Sadek ne mâche pas ses mots. Il critique pêle-mêle les listes préfabriquées, ainsi que les «pressions auxquelles l’évêque maronite Maroun Sader a été soumis, pour avoir assisté aux funérailles de l’ancien responsable de l’ALS Akl Hachem». Il n’en est pas moins réaliste et reconnaît que «les gens d’ici voteront à 95 % pour la liste Berry». À Debel, l’affluence est déjà plus importante quoique, selon les habitants, la moitié de la population a quitté le village. La majorité des personnes interrogées affirme sans sourciller : «Nous votons pour toute la liste de la Résistance et du développement». Pourquoi ? Les femmes refusent généralement de répondre ou s’empêtrent alors dans des explications qui montrent bien que le régime patriarcal continue à sévir au Liban-Sud et que l’époux propose et dispose à la fois. Quant aux hommes, d’aucuns parmi eux affirment que M. Berry a toujours œuvré pour la région, même pendant l’occupation. À peine dans la rue, les langues se délient un peu plus, surtout chez les jeunes qui manifestent leur frustration par rapport à la «liste bulldozer» de Nabih Berry. Il reste qu’en gros, tous les électeurs apprécient Élias Abou Rizk et Nadim Salem. Ils n’hésitent donc pas à recourir au panachage, d’autant plus que, selon eux, Assaad Hardane ou Michel Moussa ne font pas le poids. Amal et le Hezbollah bénéficient quant à eux d’un prestige inégalé : les gens de Aïn Ebel se sentent ainsi redevables vis-à-vis de leurs libérateurs. Dans ce climat paradoxal de résignation assortie de convictions plus ou moins justifiées, Rmeich constitue une exception. D’abord l’affluence y est faible par rapport aux autres villages chrétiens. Certes, plus d’un millier d’habitants sont en Israël ou en prison, mais on sent aussi un sens critique et démocratique plus développé qu’ailleurs. On se croirait dans le Metn tant les avis finissent par s’exprimer librement dès lors qu’on y invite les élections. La plupart d’entre eux voteront pour Nabil Abou Atmeh… parce qu’il leur a construit un stade de football. Mais ils voteront aussi pour Nabih Berry parce que, sans lui, ils risquent de ne pas pouvoir écouler leur production de tabac. Bref, à Rmeich on n’hésite pas à afficher des sympathies prononcées pour Nadim Salem et Élias Abou Rizk. Mais les intérêts pratiques priment. Et de toute manière, à entendre les habitants du village, ce ne sont pas eux qui pourraient faire la différence. Ce n’est pas à Tyr qu’on rencontre ce genre de dilemmes. De fait, dans les quelque bureaux visités, l’atmosphère était «aussi calme que la mer». La formule est d’un chef de bureau où l’on votait sans trop d’états d’âme pour la liste de la Résistance et du développement…
L’intérêt dans la bande frontalière n’était pas tant dans le taux de participation – relativement bas jusqu’aux environs de 13h – que dans les motivations complexes qui ont poussé les habitants des régions chrétiennes de Bint-Jbeil à se rendre aux urnes, des habitants aux réflexes électoraux rouillés après 28 ans d’abstention forcée. Il y a beaucoup de bon...