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Actualités - INTERVIEWS

Elections - Le leader druze s'allie aux Kataëb et prône le retour de Aoun et la libération de Geagea Joumblatt : la relation avec la Syrie ne peut plus être un one way ticket (photo)

Quelques centimètres de moins et quelques kilos de plus ainsi que des moustaches plus retroussées et l’illusion serait parfaite. Walid Joumblatt en José Bové, défendant bec et ongles les prunes de la montagne et les abricots de la Békaa contre les invasions en provenance de Syrie et de Turquie, l’image n’est pas seulement drôle, elle exprime parfaitement les nouveaux choix du leader druze qui n’en est plus à une métamorphose près. Est-ce le miracle électoral ? Aujourd’hui, Walid bey parle de pardon, de nécessité de rebâtir le pays avec ses composantes traditionnelles et confessionnelles, de tourner la page du passé et se place ouvertement dans le camp opposé à celui des alliés de la Syrie. Certes, il avait déjà tenu de tels propos, mais cette fois, cela semble aller bien plus loin… Amine Gemayel qualifié de «Somoza de Baabda», c’était lui, mais aujourd’hui, c’est sans la moindre animosité que Walid Joumblatt prend le chemin de Bickfaya pour rendre une visite de courtoisie à son ancien ennemi. «Les choses ont changé, déclare-t-il. Nous nous sommes lancés beaucoup d’accusations dans le passé. Il y avait d’ailleurs pour nous séparer l’accord du 17 mai. Mais tout cela est fini aujourd’hui. Israël a été vaincu au Liban et toutes les données sont modifiées. Au début des années 50, mon père et Pierre Gemayel s’étaient rencontrés pour tenter de nouer une alliance électorale. Cela n’avait pas marché. Peut-être qu’il serait possible de rééditer l’expérience». Est-ce ce même état d’esprit qui l’a poussé à prendre un candidat Kataëb sur sa liste à Baabda-Aley ? «Vous savez, les Kataëb sont un parti enraciné dans certaines régions. On ne peut pas les ignorer et on ne peut plus accuser les gens de partitionnisme. De plus, je me suis retrouvé face au camp prosyrien et j’ai été obligé de me battre avec les moyens dont je disposais. Enfin, le parti Kataëb a changé. C’est un nouveau parti aujourd’hui». Le PSP doit se relibaniser Et le PSP ? «Il doit aussi changer. Il doit se relibaniser. Il en était temps». À l’heure de la mondialisation, vous voulez retrouver des valeurs nationalistes ? «Cela n’a rien à voir. À mon avis, le PSP doit reprendre une formule authentique libanaise humaine et sociale. Une formule qui ne va pas à l’encontre de la mondialisation, ni d’un arabisme humain et social. José Bové lutte bien contre la mondialisation sauvage en France. Moi j’aimerais bien défendre les prunes de la montagne et les abricots de la Békaa contre les invasions sauvages de la Turquie et de la Syrie». Vous dites que vous êtes face au camp prosyrien, mais la Syrie appuie votre allié Hariri ? «Hariri est bien plus important que moi sur les plans régional et international. Peut-être que la Syrie souhaite le ménager et éventuellement a besoin de lui comme Premier ministre, mais ma situation est bien différente». La Syrie peut donc appuyer Hariri et vous être hostile ? «On peut dissocier les deux situations». Apparemment pourtant, c’est à un affaiblissement de tous les ennemis de M. Hariri que nous assistons actuellement : Omar Karamé, Najah Wakim, Moustapha Saad, Sélim Hoss etc. La Syrie y est-elle étrangère ? «Le cas du Liban-Nord est différent. Il s’agit de blocs immenses, avec un mélange de féodalisme et de pouvoir de l’argent. Le Nord a une certaine autonomie politique et financière et n’est pas forcément à l’avantage de Hariri. De plus, il doit y avoir quelque part des calculs présidentiels. Je ne sais pas si le président Lahoud s’en doute». On parle d’une reprise en charge du dossier libanais par le vice-président syrien Abdel-Halim Khaddam… «Il serait temps que l’on parle d’intérêts d’État à État, en tenant compte des spécificités de chaque pays. J’estime qu’il est nécessaire de repenser notre relation avec la Syrie. Il faut procéder à un certain rééquilibrage et combler certaines lacunes notamment économiques et agricoles. Cela ne peut plus continuer à être un “one way ticket”. Un Liban prospère et indépendant est un atout pour la Syrie». Essayez-vous d’en convaincre vos interlocuteurs syriens ? «Cela dépend aussi du partenaire au Liban». Il y a une main invisible Si Khaddam reprend le dossier libanais, n’est-ce pas à l’avantage de votre allié Hariri ? «Je souhaite personnellement que Hariri redevienne Premier ministre. Mais en guise d’héritage, ce n’est pas un cadeau qu’il recevra. La situation économique est un désastre total. L’administration est en lambeaux. En tout cas, il y a maintenant des élections. Espérons que cela puisse changer quelque chose. Le président Lahoud ne peut pas continuer à gouverner avec un groupe d’officiers». Gouverne-t-il vraiment ? «Je ne sais pas. Il y a, en tout cas, une main invisible». Croyez-vous que vos craintes sur une éventuelle militarisation du régime sont encore justifiées ? «Que dire lorsque les agents de la sécurité sont dans toutes les universités et dans les syndicats, que les téléphones sont mis sur écoute, que les manifestations sont très synchronisées et que la censure sur la presse notamment étrangère est d’une rare bêtise ? On retourne à des procédés archaïques, dignes de régimes pseudo-staliniens, à la Ceaucescu. Il y a deux jours, des jeunes aounistes avaient fait un camp à Jbeil. L’armée a investi le camp et a chassé tout le monde. Une autre rencontre de jeunes réclamait que l’on écoule les produits libanais en priorité, au lieu des produits syriens et turcs, les FSI de M.Murr les ont balayés…». Vous défendez maintenant les jeunes aounistes et hier vous réclamiez le retour du général et la libération de Samir Geagea… Est-ce un véritable changement chez vous ou une manœuvre électorale ? «Il y a une jeunesse qui considère Aoun comme son idéal. Pourquoi l’ignorer et pourquoi cet homme doit-il continuer à être banni ? Même chose pour Samir Geagea. Certains continuent à croire en lui. De plus, dans l’attentat contre l’église de Zouk, la justice n’a pas pu retrouver la trace de Geagea. Il reste des zones d’ombre. À moins que les fidèles ne se soient autodynamités. Je ne veux pas parler des autres affaires. Mais au moins pour celle-ci qui a servi de prétexte à la dissolution des forces libanaises. Il serait peut-être temps de revoir tout cela. Pour moi, soit tout le monde doit aller en prison, soit tout le monde doit en sortir». Nous avons tous échoué Vous seriez prêt à accepter Samir Geagea sur l’échiquier politique ? «Je pense que dans sa cellule, il a dû réfléchir à son aventure et revoir ses choix. En tout cas, certes, notre situation ne peut être comparée à la sienne, mais nous sommes aussi en quelque sorte prisonniers. Et nous faisons un constat d’échec. Nous avons tous échoué». Qui est responsable de ce fiasco ? «Je crois que les Arabes ne sont pas prêts à tolérer une approche démocratique. Les régimes arabes sont des dictatures qui remontent au Moyen-Âge». Pensez-vous que le nouveau président syrien puisse changer quelque chose ? «Espérons que Bachar pourra lancer une révolution culturelle, politique, économique et sociale. Le défi est grand». Vous avez évoqué récemment l’émir Fakhreddine, alors que jusqu’à récemment, vous le considériez comme un traître. Est-ce une nouvelle vision de l’Histoire chez vous ? «En vérité, il existe deux approches de l’Histoire : celle qui considère Fakhreddine comme l’homme qui a lutté contre l’union de l’empire musulman ottoman et celle qui le considère comme un héros national. Quelle que soit l’approche, je ne peux pas modifier les données historiques». Les forces authentiques chrétiennes ne peuvent être remplacées Ces propos dénotent-ils un changement réel ? «Ne trouvez-vous pas qu’il est temps de dépasser les séquelles de la guerre et d’oublier les anciennes accusations ? À mon avis, il faut désormais se consacrer à rebâtir les anciennes relations traditionnelles confessionnelles qui d’ailleurs ne sont pas étrangères à Moukhtara». Est-ce dans cet esprit que vous avez pris un Kataëb sur votre liste à Baabda-Aley ? «Le parti Kataëb a ses racines historiques dans certaines régions. Dans le camp prosyrien, des clients sont présents là où ils ne devraient pas être. Je ne parle pas de Hobeika parce que ça n’en vaut pas la peine, mais du PSNS. À mon avis, ils ne sont pas aussi enracinés qu’ils veulent bien le dire. Les forces chrétiennes authentiques ne peuvent pas être remplacées…». Comment avez-vous pu vous détacher du Hezbollah, votre allié traditionnel ? «J’essaie d’éviter le clash avec ce parti. Je voulais être son allié. Nous avions même essayé de former une troisième liste. Mais quelqu’un a forcé ce parti à ne pas poursuivre ses contacts avec moi». Qui ? «Les hautes sphères». Locales ou régionales ? «Elles sont locales, régionales, internationales. Ce sont des cercles concentriques». Qu’attendez-vous de ces élections ? «Un des apparatchiks du régime m’a annoncé que ce serait bien si je parvenais à faire passer l’un des candidats de ma liste à Baabda-Aley. En tout cas, quels que soient les résultats de ces élections, celles-ci ne sont qu’un début. Je suis convaincu que le nouveau Parlement devra adopter une loi électorale plus équitable. Personnellement, j’espère arriver au Parlement avec des députés ayant une voix indépendante». Êtes-vous en train de préparer votre fils à la vie politique ? «J’essaie. Actuellement il poursuit ses études». A-t-il la possibilité de refuser d’entrer dans la politique ? «J’espère qu’il ne le fera pas. Car, à ce moment-là, je devrais songer à transformer Moukhtara en studio de tournage de films». Avec vous comme star ? «Non, avec des stars hollywoodiennes. De belles femmes…».
Quelques centimètres de moins et quelques kilos de plus ainsi que des moustaches plus retroussées et l’illusion serait parfaite. Walid Joumblatt en José Bové, défendant bec et ongles les prunes de la montagne et les abricots de la Békaa contre les invasions en provenance de Syrie et de Turquie, l’image n’est pas seulement drôle, elle exprime parfaitement les nouveaux choix...