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Actualités - INTERVIEWS

Le ministre libyen des Affaires étrangères répond aux questions de l'Orient-Le Jour Un compromis est encore possible (photo)

Obtenir une interview du ministre des Affaires étrangères libyen (appelé ici secrétaire du comité populaire pour les relations extérieures) est un événement, tant les autorités du pays restent discrètes sur l’affaire des otages de Jolo. Mais pour sa première rencontre avec un média, M. Abdel Rahmane Cholkan a choisi L’Orient-Le Jour. Et c’est à travers ce quotidien qu’il demande au monde et particulièrement à l’Europe de multiplier les efforts, car «la situation est grave» et la vie des otages pourrait être en danger. Pour le ministre libyen, la motivation essentielle de son pays est humanitaire. «La Libye, déclare-t-il, a une longue tradition de médiation dans des affaires complexes, dans le but de sauver des vies humaines. Nous avons ainsi obtenu la libération de la Française Françoise Claustres, détenue au Tchad, de Libanais retenus au Congo, de soldats des Nations unies en Sierra Leone... L’association humanitaire qui entreprend la médiation avec les ravisseurs s’occupe des droits de l’homme et de l’amélioration des conditions de vie. C’est pourquoi une telle initiative s’inscrit dans le cadre de son action». La Libye ne recherche-t-elle pas aussi une reconnaissance internationale ? «La Libye n’est pas isolée pour rechercher une telle reconnaissance. Nous avons reçu, il y a quelques jours, le ministre italien des Affaires étrangères. Je me suis moi-même rendu en Chine, en Espagne... Nous avons un rôle prépondérant en Afrique... Dans le cas des otages, notre but, et surtout celui de l’association Kadhafi, sont essentiellement humanitaires. Pour nous, la priorité est à la vie humaine. Si, par ailleurs, la réussite de la médiation a des conséquences bénéfiques pour la Libye, ce n’est en tout cas pas notre objectif principal». – On a dit que le colonel Kadhafi souhaitait être convié au sommet euro-méditerranéen de Marseille ? «Sachez que la Libye a été invitée à ce sommet, avant le déclenchement de cette affaire, mais elle ne compte pas y participer parce que nous sommes contre le processus de Barcelone». – Pourquoi ? «Ce processus comporte deux groupes : le premier formé des 15 pays membres de l’UE est homogène et le second des 12 autres ne l’est pas. De plus, ces 12 pays n’ont pas participé à l’élaboration du document de Barcelone dont l’objectif est de promouvoir des valeurs européennes et qui reflète les inquiétudes et les problèmes de cette communauté. Nous autres, nous ne souffrons ni du crime organisé, ni de la drogue, ni de l’immigration clandestine... Ce processus est donc déséquilibré. La Libye préférerait un regroupement composé des pays à l’ouest du bassin méditerranéen. S’il s’agit d’importer chez nous les valeurs européennes, c’est une nouvelle forme de colonisation». – Pouvons-nous dire aujourd’hui que la médiation libyenne est suspendue ? «Non, pas du tout. Nous poursuivrons nos efforts. Le problème aujourd’hui est que les ravisseurs craignent un assaut de l’armée philippine contre leurs positions, une fois les otages libérés. Mais nous pensons qu’un compromis est encore possible». – Comment ? «La situation constitue un problème pour les ravisseurs, les otages et le gouvernement philippin. La Libye essaie de trouver une solution sur cette base. Nous voulons régler une question humanitaire, mais aussi aider les musulmans des Philippines. Cette situation tendue n’est pas dans leur intérêt et une confrontation n’est pas dans celui du gouvernement philippin». – À votre avis, les ravisseurs ont des droits ? «Nous sommes avec les musulmans dans le monde. Et il faut que la communauté musulmane des Philippines ne soit ni maltraitée ni victime de discrimination. Des projets de développement doivent être réalisés au sud de ce pays et l’association Kadhafi a déjà préparé quelques projets en ce sens». « Des vies humaines sont en cause » – Est-ce en guise de rançon aux ravisseurs ? «Il n’y a pas de rançon. Les médias qui avancent de tels propos visent à entraver la libération des otages. Tout comme les rumeurs sur des liens entre les ravisseurs et la Libye. C’est dommage, voire inacceptable de politiser une affaire humanitaire. Nous demandons à tout le monde de faire des efforts pour résoudre cette situation. Nous demandons aux gouvernements et aux associations humanitaires de nous appuyer pour que l’initiative de l’association Kadhafi puisse aboutir. Que l’on cesse donc de faire des analyses douteuses. Des vies humaines sont en cause. Imaginez donc un peu ce que doivent vivre les otages». – Pensez-vous que leur vie est en danger ? «Certainement. Tout otage est dans une situation précaire». – Y a-t-il un deadline ? «Non. Comment pourrait-on en fixer un, alors qu’il est question de vies humaines. Tant qu’il y a de l’espoir – et il y en a – nous poursuivrons nos efforts». – Pensez-vous que les États-Unis laisseront la Libye recueillir tout le profit de la libération de ces otages ? «Je n’écarte pas la possibilité de pressions pour mettre en échec la médiation libyenne. L’Europe, elle, est favorable à notre initiative, mais d’autres parties y sont opposées. Selon certains journaux, les Américains en feraient partie. Mais il est dommage de faire des calculs politiques dans une affaire de ce genre». – Est-il vrai que certains membres du groupe Abou Sayyaf ont demandé l’asile politique en Libye ? «La Libye n’accepte pas cette formule. Les membres du groupe d’Abou Sayyaf sont des Philippins et ils doivent rester dans leur pays. S’ils ont des revendications, ils doivent en discuter avec leur gouvernement et défendre leurs droits. Mais il faut d’abord libérer les otages. Notre priorité est à la sécurité et à la liberté de ces derniers». – Comment pourrait-on encore parvenir à un compromis ? «Il faut éviter les conflits et les actes de violence avant, pendant et après la libération. Nous espérons que l’armée philippine ne lancera pas un assaut contre les positions du groupe d’Abou Sayyaf après la libération et que le gouvernement entamera des négociations avec les membres de ce groupe. Une confrontation entre ces deux parties desservirait leurs intérêts à toutes les deux». – Selon vous, les négociations peuvent-elles aboutir rapidement ? «Je ne peux pas fixer d’échéance. Mais à mon avis, il faut avoir du souffle. C’est une opération délicate et de longue haleine». – Que diriez-vous aujourd’hui à la mère de Marie Moarbès qui quitte Tripoli sans sa fille ? «Ne perdez pas espoir. Nous ferons tout pour sortir votre fille de là».
Obtenir une interview du ministre des Affaires étrangères libyen (appelé ici secrétaire du comité populaire pour les relations extérieures) est un événement, tant les autorités du pays restent discrètes sur l’affaire des otages de Jolo. Mais pour sa première rencontre avec un média, M. Abdel Rahmane Cholkan a choisi L’Orient-Le Jour. Et c’est à travers ce quotidien...