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Actualités - CHRONOLOGIE

Jolo - Les délégations quittent Tripoli, mais la Libye compte poursuivre ses efforts Le tout ou rien de Manille fait capoter la libération des otages (photo)

Après l’échec samedi de la tentative de libération de la Libanaise Marie Moarbès et des 27 autres otages retenus par les rebelles musulmans du groupe Abu Sayyaf sur l’île de Jolo, dans le sud des Philippines, les délégations étrangères qui attendaient à Tripoli l’arrivée des otages libérés ont dû hier quitter bredouilles la Libye, tout en gardant l’espoir de pouvoir revenir bientôt récupérer leurs ressortissants. Un espoir qui reste de mise après l’annonce des négociateurs philippins et libyens de leur intention de poursuivre leurs efforts. La volte-face des ravisseurs, samedi, alors que l’accord sur la libération des otages semblait solide, est apparemment due à leur crainte de subir un assaut punitif de l’armée philippine aussitôt après avoir relâché les personnes retenues. D’où leur insistance à libérer les otages successivement et par petits groupes, ce que le gouvernement de Manille, qui ne cache pas son intention de sévir contre les rebelles musulmans, a catégoriquement rejeté, exigeant une libération simultanée de tous les otages. Le groupe d’Abu Sayyaf détient 16 otages philippins et 12 étrangers : cinq Français, deux Allemands, deux Sud-Africains, deux Finlandais et Marie Moarbès, qui détient la double nationalité libanaise et française. Le ministre des Ressources hydrauliques et électriques Sleiman Traboulsi, et toute la délégation qui l’accompagne, y compris Sarouat Moarbès, mère de l’otage libanaise, ainsi que les représentants allemand Cornelius Sommer et finlandais Pekka Hyvonen ont quitté la Libye hier après-midi. La délégation libanaise est arrivée à Beyrouth à 22 heures. «Tant que cela ne progresse pas, il est inutile de rester. Quand les otages seront dans l’avion, on reviendra. Nous serons là en trois heures», a déclaré hier l’attaché de presse de M. Traboulsi, Joseph Metni, avant le départ de Tripoli. M. Traboulsi avait indiqué dès samedi qu’il avait «l’intention de partir le lendemain avec toute la délégation». «La situation est la suivante: l’affaire de la libération des otages est remise à une date ultérieure. Il faudra du temps pour négocier de nouveau et dépasser les difficultés qui ont surgi», avait expliqué le ministre. «Donc, pour nous libanais, nous sommes déçus, et je crois qu’il est mieux de repartir (dimanche) à Beyrouth pour revenir recevoir notre otage en temps opportun». «Personne n’a donné les raisons (du report de la libération) ni s’il y avait de nouvelles exigences. Naturellement, nous espérons que les négociations vont se poursuivre (...) dans les jours qui viennent, qu’il n’y aura pas de violence envers les otages (...) et que l’affaire se termine», avait ajouté M. Traboulsi, qui a refusé de parler d’échec de la part de Tripoli. «La Libye a fait tout son possible pour mener l’affaire à bien», a-t-il estimé. Le ministre sud-africain des Eaux et Forêts Ronnie Kasrils, dont le départ avait été annoncé pour dimanche, devrait rester en Libye jusqu’à ce lundi. Les délégations étrangères étaient toutes arrivées mardi et mercredi à Tripoli, où les 12 otages étrangers, une fois libérés, devraient être transférés à bord d’un avion libyen. «Nous (les délégations) avons pris des contacts et tout préparé pour l’arrivée des otages. S’ils viennent à Tripoli, nous pouvons tous revenir», a déclaré M. Sommer, haut fonctionnaire du ministère allemand des Affaires étrangères, précisant que l’ambassadeur de son pays, revenu la veille de vacances, prenait la relève. Selon lui, la Libye va tout faire pour obtenir la libération des otages. «Ils doivent penser à leur image dans ce contexte», a-t-il dit. «Ma mission ici était de mettre en place un dispositif d’accueil. Maintenant, il ne semble pas que les otages vont arriver ici avant un certain délai. Il faut tout renégocier», a de son côté déclaré M. Hyvonen, soulignant lui aussi que le chargé d’affaires de Finlande était à Tripoli. Les représentants ont souligné qu’ils gardaient espoir dans la médiation libyenne. «Cela reste le meilleur espoir que nous ayons. Si les Libyens abandonnent, nous allons être obligés de revoir notre stratégie», a déclaré M. Sommer tout en estimant que «le colonel Mouammar Kadhafi ne peut pas se permettre un échec». « Ultimatum » libyen Dans le même temps, le ministre libyen des Affaires étrangères, Abdel Rahmane Cholkam, affirmait lors d’une conférence de presse que les efforts de la Jamahiriya «se poursuivront» pour la libération des otages (voir ci-dessous l’interview du ministre libyen à L’Orient-Le Jour), au lendemain d’un ultimatum de 48 heures lancé à Manille par la Fondation Kadhafi de bienfaisance, impliquée dans les tractations avec les ravisseurs. «L’important est que tous les otages soient libérés et qu’aucun d’entre eux ne serve de monnaie d’échange ou de bouclier humain», a ajouté le ministre libyen. «Le problème actuel réside dans la crise de confiance entre les parties, ce qui est nécessaire, c’est de résoudre cette crise. (...) Des pressions européennes et internationales sont exercées sur les deux parties (gouvernement et ravisseurs) pour faciliter un dénouement de l’affaire», a-t-il dit. Au sujet de l’éventuel versement d’une rançon, il a assuré que «la Libye croyait en la possibilité de fournir une aide aux musulmans des Philippines mais pas au paiement d’une rançon en espèces». La Fondation Kadhafi de bienfaisance, dirigée par un des fils du dirigeant libyen, Seif al-Islam, avait exigé samedi qu’«une démarche positive et concrète soit entreprise» par les autorités philippines sans en préciser la nature. Dans le cas contraire, elle menaçait de rappeler dans les 48 heures «ses responsables présents aux Philippines depuis le début de la crise, son avion et l’équipe médicale déployés sur place depuis plus d’une semaine». Hier soir, la fondation revenait sur cet ultimatum et annonçait qu’elle poursuivrait sa médiation. «La fondation a décidé de poursuivre ses efforts destinés à aider à libérer les otages», indique un communiqué de la fondation, selon lequel cette décision est motivée par des «considérations humanitaires» et a été prise «à la demande de gouvernements des pays ayant des otages qui ont pris contact avec la fondation pour appeler à la poursuite des efforts destinés à résoudre la crise et considéré que l’arrêt de sa médiation nuirait aux négociations en cours». La fondation a précisé qu’elle refusait de «négocier le paiement d’une rançon pour la libération des otages» et qu’elle promettait «de poursuivre ses efforts pour trouver une solution urgente à la crise». Elle a souligné qu’elle entreprenait sa médiation en raison de «l’estime dont elle jouit auprès des habitants du sud des Philippines auxquels elle a fourni des aides, notamment la construction d’écoles, de dispensaires et de mosquées». À Jolo, les négociateurs philippins ont repris contact avec les ravisseurs après l’échec de samedi, mais sans préciser quelle stratégie ils entendent désormais mettre en œuvre. Le chef des négociateurs, Roberto Aventajado, qui a lui-même repris contact hier au téléphone avec l’un des chefs du groupe Abu Sayyaf, a indiqué à l’AFP que les négociations «se poursuivraient». «Nous sommes frustrés, mais pas battus. Je vois toujours la lumière au bout du tunnel», a-t-il ajouté sans toutefois se risquer à donner une date, après sa conversation avec Galib Andang, alias commandant Robot. «Il y a certaines choses pour le moment que je ne peux pas vous dire», a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse à Zamboanga, port distant de quelque 150 km de l’île de Jolo. Il a simplement précisé que le commandant Robot lui avait expliqué «exactement ce qui s’était mal passé», sans plus de détails. Un rapport complet va être adressé au président philippin Joseph Estrada aujourd’hui lundi et «nous continuerons notre politique de négociations», a-t-il assuré, semblant ainsi écarter toute option militaire. La politique du « tout ou rien » Le commandant Robot et un autre chef rebelle, Mujib Susukan, ont expliqué dans une lettre aux négociateurs qu’ils craignaient une attaque de l’armée une fois les otages libérés. Ils ont proposé samedi de libérer deux otages occidentaux et de poursuivre ces libérations par étape, une condition refusée par le président Estrada, qui préfère s’en tenir à une politique du «tout ou rien». C’est précisément cette décision qui irrite la Libye, dont la médiation semblait samedi prête de réussir. Aux menaces libyennes samedi de mettre un terme aux efforts de Tripoli, M. Aventajado s’est borné à répondre que «l’aide offerte par la Libye était volontaire et, bien sûr, si c’est volontaire, ça peut être retiré à tout moment. C’est du ressort de la Libye, bien sûr». Pour sa part, Rajab Azzarouk, l’émissaire libyen, membre depuis le début de la crise de l’équipe de négociateurs, a suggéré que Manille renonce à cette politique du tout ou rien. Comme les journalistes lui demandaient s’il appellerait le président Estrada à ne plus exiger une libération groupée des otages, M. Azzarouk a répondu : «Je crois qu’il est trop tard pour faire des recommandations, mais s’il n’y a pas d’autre possibilité, que peut-on faire ?» «Nous devons réévaluer la situation et voir si nous serons satisfaits (de récupérer les otages) par petits groupes. Personnellement, j’aimerais qu’ils soient tous libérés, le plus tôt sera le mieux», a déclaré l’émissaire libyen. M. Azzarouk a affirmé d’autre part que les cinq principaux dirigeants du groupe Abu Sayyaf «ne se disputent pas», mais qu’il y a «des divergences entre eux» sur la manière de mettre un terme à la crise. Pour sa part, un haut responsable du ministère libyen des Affaires étrangères, Hassouna al-Chaouch, avait indiqué samedi à Tripoli qu’il soupçonnait qu’une «force extérieure», qu’il n’a pas nommée, exerçait «des pressions sur le gouvernement philippin parce que cette nouvelle victoire de la Libye fait enrager certains». Cette affirmation a été officiellement démentie à Manille par le ministre de l’Information Ricardo Puno. «Nous ne sommes pas au courant d’une quelconque pression de la part de pays étrangers en ce domaine», a déclaré M. Puno à l’AFP. «Toute aide serait la bienvenue, mais si certains pensent ne pas être en mesure de nous aider, nous persisterons dans nos efforts pour mettre un terme à cette crise», a-t-il ajouté. Par ailleurs, les trois derniers Malaisiens qui étaient détenus en otages et qui ont été libérés vendredi sont rentrés hier chez eux après 118 jours de captivité. «Aucun mot ne peut décrire notre joie à sortir libres du camp d’Abu Sayyaf», a déclaré l’un des ex-otages.
Après l’échec samedi de la tentative de libération de la Libanaise Marie Moarbès et des 27 autres otages retenus par les rebelles musulmans du groupe Abu Sayyaf sur l’île de Jolo, dans le sud des Philippines, les délégations étrangères qui attendaient à Tripoli l’arrivée des otages libérés ont dû hier quitter bredouilles la Libye, tout en gardant l’espoir de...