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Actualités - ANALYSE

Les présidences en ligne de mire

Comme le souligne M. Rafic Hariri, que l’on harcèle sur ce point tant il semble avoir le vent en poupe, le bon sens le plus élémentaire commande qu’on ne mette pas la charrue devant les bœufs, qu’on ne vende pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Et qu’on ne parle pas de la présidence du Conseil avant que les élections ne soient terminées. Puisqu’en principe (en principe seulement, car en réalité ce sont les décideurs qui donnent le ton), c’est la majorité parlementaire qui choisit le Premier ministre. Il n’empêche que beaucoup de stratèges de salon dissèquent savamment sur le caractère triplement présidentiel de l’actuelle bataille électorale. En effet, et toujours en principe, la nouvelle Chambre aura le privilège, en fin de parcours, d’élire le prochain président de la République. Et dès sa mise en place, dans quelques semaines, elle devra se doter d’un speaker pour quatre ans, tout en désignant le nouveau chef de gouvernement. Ces précieuses prérogatives constituent, aux yeux des exégètes, la véritable clé de décryptage de la grille parlementaire telle que les décideurs, le pouvoir et les pôles incontournables en effectuent le partage à travers les fameuses «listes préfabriquées». Les empoignades concernent principalement, est-il besoin de le souligner, la marge de manœuvre relative à la future élection du prochain président de la République (à moins qu’il n’y ait reconduction) et à l’occupation du Sérail. Il y a peu de risques qu’il y ait une bataille pour le perchoir, entendre pour la présidence de la Chambre, qui semble réservée encore une fois à M. Nabih Berry. Des sources ministérielles qui se présentent comme proches du régime croient pouvoir indiquer que «la virulence du langage électoral reflète en réalité la dureté du bras de fer se rapportant aux deux échéances présidentielles en balance effective, Baabda et le Sérail. Mais même dans cette optique, il est effectivement trop tôt pour spéculer sur la composition du prochain Cabinet. Ce serait ôter aux joueurs toute marge de manœuvre tactique. Et ce serait oublier que les législatives constituent une incontournable présélection conditionnant toute la configuration du prochain Cabinet. Il n’est pas dit en effet que tel ou tel seraient assez forts, après les élections, pour briguer le fauteuil de Premier ministre. Et de même, il n’est pas dit que tel ou tel pourra prétendre à un portefeuille. Tout dépendra des cartes parlementaires, des quotas dont les groupes d’influence pourront s’armer. C’est d’abord une question d’arithmétique élémentaire et à l’heure actuelle chacun peut prétendre à bon compte que les chiffres parlent pour lui. De la sorte, au niveau du Sérail, plusieurs présidentiables plausibles s’offrent aujourd’hui à la vue». Ce ministre se refuse à livrer des noms. Mais il est de notoriété publique que certaines figures de proue et certains outsiders que les décideurs aiment bien se laisseraient volontiers faire douce violence. On peut citer en vrac, et sans prétendre à l’exhaustivité, MM. Talal Meraabi, Nagib Mikati, Abdel-Rahim Mourad, Sami el-Khatib ou Tammam Salam, en sus du club des expérimentés, MM. Sélim Hoss, Omar Karamé, Rachid Solh et Rafic Hariri. Toujours est-il que le ministre cité relève que « tout ce beau monde espère. Certains se présentent même avec des programmes de gouvernement. Et ces aspirations contribuent à pimenter, sinon à durcir, la campagne. En y apportant un zeste de subjectivité quasi maladive. Les élections, comme le montrent les échanges d’invectives, deviennent une affaire personnelle parce qu’elles ne s’arrêtent pas au pourvoi des sièges de la Chambre. Bien sûr, les données de base sont déjà assez bien connues pour que l’on puisse facilement jouer les pythonisses. Mais un vrai professionnel de la politique ne se laisse pas aller à de pareilles vaticinations rien que pour épater la galerie. Car il y a tant d’intérêts en jeu et la situation régionale est si fluide qu’objectivement rien n’est joué d’avance». Aucune bataille n’est gagnée avant le coup de gong final. Mais aucune ne peut l’être non plus, autre lapalissade, s’il n’y a pas combat. C’est bien pourquoi le président Hariri, tout en récusant les spéculations, s’élance de bon cœur, et de bonne heure, à la reconquête du Sérail. Au stade préliminaire actuel, il semble disposer de bons atouts. Sa principale alliée, sur le plan local, semble être cette crise socio-économique qui pousse les Libanais (un peu oublieux des causes) à réclamer un sauveur. Sur le plan régional, l’ancien chef de gouvernement aurait disposé de bons pions par de judicieux investissements extramuros. Parallèlement, et peut-être sur le conseil des décideurs, il essaye d’arranger les choses avec le pouvoir. D’après des sources fiables, il aurait ainsi rencontré récemment, et discrètement, un ministre influent, pour s’étonner des menées de certains services comme de quelques éléments affectés au palais. Et pour jurer ses grands dieux qu’il n’est que respect à l’égard du régime et que sa volonté de coopération est sincère. Le ministre rencontré aurait répondu en affirmant que ce sont les médias de M. Hariri qui ont ouvert le feu contre le pouvoir, notamment en diffusant les diatribes de M. Rouchaid el-Khazen. Et il aurait conclu en conseillant à M. Hariri de changer de méthode s’il veut retrouver le Sérail, car les temps, les hommes et leur mentalité ont changé depuis qu’il n’y est plus.
Comme le souligne M. Rafic Hariri, que l’on harcèle sur ce point tant il semble avoir le vent en poupe, le bon sens le plus élémentaire commande qu’on ne mette pas la charrue devant les bœufs, qu’on ne vende pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Et qu’on ne parle pas de la présidence du Conseil avant que les élections ne soient terminées. Puisqu’en principe...