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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Un bloc parlementaire Hariri plus soudé qu'en 96 Michel Pharaon ou l'art du possible(photo)

Ce n’est pas l’homme aux slogans. Les promesses électorales, ce n’est pas son fort non plus. Michel Pharaon, qui se dit un peu à l’image de son colistier et tête de liste Rafic Hariri, est un homme avant tout pragmatique. Toujours à l’écoute des gens , il sait tâter le pouls de la capitale et répondre aux doléances. S’intéressant aux besoins de sa circonscription, il croit à l’action rien qu’à l’action. Dans un entretien avec L’Orient le Jour, il fait un tour d’horizon de ses quatre ans de députation, avec un regard un peu critique sur la vie parlementaire au Liban. Son bureau à Achrafieh ressemble à une fourmilière. Partisans, amis, secrétaires, attachés de presse, tout le monde baigne dans la paperasse électorale et les téléphones ne chôment pas. On a parfois du mal à distinguer le travail purement électoral des relations personnelles que le député entretient depuis longtemps déjà avec sa base. Les services rendus aux sympathisants et amis du député se sont certes multipliés ces derniers temps. «Ce sont des demandes personnelles formulées par des gens qui ont des problèmes avec l’État ou avec leur municipalité, qui constituent une partie de mon travail de parlementaire», nous confie le député de Beyrouth, qui reconnaît toutefois que bien que la fonction de député ne consiste pas à répondre à de telles requêtes, «il y a parfois des situations incontournables, et souvent nous versons dans le social malgré nous». Ce Beyrouthin pure souche est issu d’une famille où le dialogue et l’ouverture ont constitué les deux piliers majeurs de son éducation. «Sans savoir l’expliquer, je porte en moi cette idée de tolérance et de modération qui est aussi la caractéristique essentielle de plusieurs grandes familles beyrouthines», dit-il. Selon lui, l’entente nationale, l’unité et l’ouverture qui existent à Beyrouth constituent une force qui se répercute sur tout le Liban. «C’est un potentiel sur lequel nous devons travailler tous les jours». Malgré une présence plutôt discrète au Parlement, Michel Pharaon n’a jamais lésiné sur les efforts ni sur les moyens lorsqu’il s’agissait de s’attaquer à certains dossiers-clés concernant la région de Beyrouth, qu’il a traités en solo entre 96 et 98, avant l’avènement des municipalités élues. «En dehors du Parlement, je travaille de manière indépendante ; à l’intérieur, il faut une équipe de députés soudée pour être efficace. Je pense que l’équipe à venir sera plus soudée que celle de 96», affirme le candidat à la première circonscription de Beyrouth, en faisant allusion à la liste électorale qui vient d’être annoncée il y a une dizaine de jours. Son alliance électorale avec Rafic Hariri signifie-t-elle pour autant une allégeance totale à la ligne politique de l’ancien Premier ministre ? Un capital de confiance «J’ai toujours gardé une marge de liberté dans mon action politique, mais depuis près d’un an, j’ai décidé de collaborer plus étroitement avec M. Hariri, parce que j’ai estimé que c’était dans l’intérêt du pays, et qu’il fallait resserrer les rangs autour d’un programme solide et d’un homme qui inspire confiance», affirme M. Pharaon. La crise de confiance, l’instabilité économique et financière, la fuite des investisseurs, autant de facteurs négatifs qui ont tourné en faveur de l’ancien Premier ministre qui désormais peut compter sur un capital de confiance que le gouvernement actuel a complètement dilapidé, dit-il. «Dernièrement, il y a eu une interaction entre toutes les catégories sociales, les jeunes, les employés, les patrons, les organismes socio-économiques, etc. La grogne s’est manifestée à tous les niveaux, et l’immigration dont on parle de plus en plus ne se limite plus aux jeunes, elle touche également les hommes d’affaires, qui envisagent à leur tour de partir», affirme M. Pharaon. «Je suis un homme d’action», dit-il. C’est sur cette plate-forme qu’il se retrouve avec l’ancien chef du gouvernement. «Pour moi, la clé de toute action politique se résume en un mot : le travail», souligne le député. Une conviction qu’il tient d’une double constatation : non seulement à cause d’une situation économique et sociale qui laisse à désirer, mais, dit-il, «il faut reconnaître que la plupart des grands dossiers qui auraient dû être traités par le gouvernement actuel ont été laissés en suspens», enchaîne le député en faisant allusion aux dossiers du Port, celui du cellulaire et des hôpitaux publics. M. Pharaon reconnaît toutefois que les problèmes existaient déjà du temps de Hariri, et que le traitement des grands dossiers, «quoique lent à l’époque», avait quand même démarré. «Qu’est-il advenu du rapport sur la réforme administrative qui avait été préparé par le ministre Béchara Merhej ?, s’est interrogé le député. Depuis, tout a été suspendu». Avec le recul et une expérience de quatre ans, quel regard critique peut-il apporter à l’action parlementaire et à son rôle de député ? «Lorsqu’on débarque nouvellement au Parlement, on arrive avec plein d’idéaux et des projets plein la tête. Malheureusement, on se rend vite à l’évidence et on réalise que le pouvoir réel est entre les mains de l’Exécutif, par ailleurs frappé d’inertie» . Pourquoi le Parlement n’a-t-il jamais assumé sa fonction qui consiste à contrôler l’action du gouvernement ? «C’est une erreur, répond le député sans hésitation. Le meilleur service que le Parlement aurait pu rendre au gouvernement aurait été d’avoir provoqué un remaniement ministériel après le budget de 1999», ajoute-t-il, en expliquant que tous les parlementaires étaient conscients de la gravité de la situation et que l’équipe gouvernementale se dirigeait vers l’échec. «Il y a eu une certaine pression puis les vacances parlementaires sont venues…» Informatique et liberté L’autre problème, souligne le député, «est l’absence d’interlocuteur en matière de réorganisation de certains secteurs», tels que le secteur économique, social, ou celui de la santé. «Les ministres sont des personnes très occupées à gérer leurs ministères et les problèmes quotidiens. Par conséquent, il leur reste peu de temps pour s’occuper des nouveaux projets», relève M. Pharaon, qui estime qu’il faudrait mettre en place un organisme tel que le CDR, qui puisse se consacrer aux nouveaux projets. Michel Pharaon pourra-t-il apporter de nouvelles idées au prochain Parlement, s’il est élu ? «Le projet qui me tient à cœur, c’est une proposition de loi sur l’informatique et les libertés que je compte présenter si je suis réélu». Il s’agit d’un texte de loi inspiré de la législation française et qui vise à protéger les libertés des citoyens contre la toute puissance de l’informatique, qui sert d’outil pour recueillir des informations sur les gens, leur passé, leurs affiliations politiques, etc. «La loi française interdit désormais la collecte d’informations sur la personne, autre que son nom, prénom-et adresse». Selon lui, les relations libano-syriennes ont-elles besoin d’un «lifting», un peu comme on l’entend dire par certains candidats ou responsables politiques ? Sur cette question, le député de Beyrouth met de côté les idéologies et préfère penser en termes de «realpolitik». Il ne s’agit pas de brandir le slogan du retrait à tout bout de champ, et de manière provocatrice, relève M. Pharaon. Pour lui, la réclamation du départ des troupes syriennes aujourd’hui pourrait provoquer «une déstabilisation qui ne serait pas dans l’intérêt du Liban». «Le principe de la souveraineté libanaise est une chose essentielle, mais celle-ci ne sera véritablement rétablie qu’à travers une paix véritable», dira-t-il. Cela n’empêche pas pour autant de réitérer régulièrement un principe, à savoir que le Liban ne saurait recouvrer son indépendance qu’avec le retrait de toutes les armées de son territoire, précise le député. Quant à la redéfinition des relations à proprement parler, elle doit se faire dans la pratique, à travers une action politique «qui prenne en compte le respect mutuel des deux nations et les intérêts économiques de l’une et de l’autre». En bref, ni états d’âme ni aventurisme. Michel Pharaon avance ses pions, prudemment, calmement. Sa philosophie de la politique se résume à «l’art du possible». Il le pratique avec détermination, mais aussi en connaissance de cause. Le choix de ses alliances électorales en est une preuve tangible.
Ce n’est pas l’homme aux slogans. Les promesses électorales, ce n’est pas son fort non plus. Michel Pharaon, qui se dit un peu à l’image de son colistier et tête de liste Rafic Hariri, est un homme avant tout pragmatique. Toujours à l’écoute des gens , il sait tâter le pouls de la capitale et répondre aux doléances. S’intéressant aux besoins de sa circonscription,...