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Actualités - ANALYSE

Vie politique - Télé-Liban n'a pas hésité à bafouer la loi et l'éthique Quand les médias officiels (TV et radio) s'oublient

Les Libanais n’ont jamais été habitués – ou très peu – à une information étatique objective et impartiale. Sous presque tous les mandats présidentiels et à l’ombre de la plupart des gouvernements, les dirigeants ne se sont jamais empêchés d’exploiter les médias officiels pour se faire mousser auprès de l’opinion publique. Quant aux élections législatives, elles se sont rarement déroulées au Liban dans des conditions, non pas exemplaires (il ne faut quand même pas être naïf), mais tout au moins acceptables ou conformes aux normes démocratiques les plus élémentaires. Sous la plupart des mandats présidentiels, le pouvoir a tenté d’infléchir le cours du scrutin dans un sens conforme à ses intérêts. Compte tenu de cette double réalité, les Libanais sont devenus plus que blasés et ils ont appris au fil des ans à percevoir la vie politique dans le pays en faisant preuve de réalisme, teinté d’amertume. Mais jamais comme aujourd’hui l’exploitation des médias officiels à des fins bassement politiciennes et les ingérences des responsables étatiques dans le processus électoral n’ont atteint un tel niveau d’arrogance et d’effronterie. Qu’on en juge par les faits... Au cours des dernières vingt-quatre heures, Télé-Liban a diffusé à plusieurs reprises le texte d’un article paru dans une vague publication éditée à Londres (Al-Mushahid Assiyassi) qui s’en est pris violemment à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Une présentatrice de la télévision (étatique) a ainsi lu le texte «intégral», de cet article qui accuse, notamment, M. Hariri d’avoir financé durant les années de guerre les milices des deux bords afin de prolonger les combats et d’accroître les destructions de manière à pouvoir se poser, par la suite, en sauveur de la nation. L’article en question qualifie en outre M. Hariri de «dictateur» et affirme qu’il a été l’auteur des spéculations sur la livre à l’époque du gouvernement de M. Omar Karamé. La diffusion de ce texte a duré une dizaine de minutes ; elle était accompagnée d’un documentaire télévisé, fruit d’un montage effectué pour la circonstance par Télé-Liban. La télévision étatique a prétendu, en outre, que la publication susmentionnée relevait de la BBC, alors qu’en réalité le lien entre cette publication et la radio britannique a été rompu depuis plus d’un an. La diffusion de ce texte a également été largement assurée par Radio-Liban. Indépendamment de la personne de Rafic Hariri (et du bilan que l’on peut dresser de son action), force est de relever que le comportement des médias officiels dans cette affaire est totalement inacceptable. Télé-Liban est une télévision étatique, c’est-à-dire financée par des fonds publics, donc par l’argent du contribuable. Dans un pays qui se respecte, de tels médias étatiques se doivent de rester au-dessus de la mêlée et, surtout, d’éviter de servir d’instrument de propagande à l’équipe au pouvoir car ils doivent être au service de toutes les parties, puisque financés par le contribuable. Mais au-delà de ces considérations de principe, comment des médias officiels peuvent-ils se livrer à de la diffamation en lançant de graves accusations, voire même des injures, contre une personnalité politique ou en formulant des critiques à caractère personnel contre un pôle d’influence qui n’a pas les faveurs du pouvoir ? Un tel comportement constitue purement et simplement un abus de pouvoir de la part des dirigeants qui se rendent ainsi coupables d’exploitation de l’appareil de l’État à des fins personnelles. Suivant quel principe M. Antoine Haddad, député du Metn-Nord et proche collaborateur du ministre de l’Intérieur Michel Murr, se permet-il, à titre d’exemple, d’utiliser la tribune de Télé-Liban pour lancer des attaques personnelles et injurieuses contre l’un des ténors de l’Assemblée, M. Nassib Lahoud (alors même qu’il a brillé par son absence au cours du mandat écoulé de la Chambre ) ? Nos «responsables» actuels auraient-ils acquis la conviction qu’ils échapperont à l’alternance du pouvoir qui pourrait survenir tôt ou tard dans un pays (et une région) aussi changeant que le Liban ? L’ancien Premier ministre Rafic Hariri avait lui-même commis une telle erreur lorsqu’il était à la tête du gouvernement. Il n’avait pas alors hésité à exploiter les médias officiels, et plus particulièrement Télé-Liban, pour promouvoir son image de marque et entretenir sa propre propagande politique. Aujourd’hui, cette exploitation des médias officiels à des fins personnelles se retourne contre lui. Les dirigeants présentement au pouvoir peuvent-ils garantir qu’ils ne feront jamais les frais d’un même renversement de situation ? Tout aussi effrontée est l’attitude du ministre de l’Intérieur qui est censé veiller à la bonne marche du scrutin législatif, mais qui n’hésite pas, plutôt, à user de son pouvoir et à exploiter tout l’appareil et les services du ministère de l’Intérieur pour combattre sa bête noire, Nassib Lahoud. Comment peut-on encore avoir confiance dans le processus électoral lorsque le ministre de l’Intérieur se lance dans des campagnes injurieuses contre ses adversaires et que les services de son ministère se mobilisent, sans crier garde, pour soutenir sa bataille du Metn ? L’affaire du documentaire anti-Hariri montée par Télé-Liban ainsi que le comportement du ministre de l’Intérieur dans sa «guerre» contre M. Nassib Lahoud montrent à quel point les dirigeants actuels font fi de la notion d’État de droit. Et à quel point nos responsables ont encore du mal à établir une quelconque distinction entre le souci de la chose publique et les considérations purement clientélistes et politiciennes.
Les Libanais n’ont jamais été habitués – ou très peu – à une information étatique objective et impartiale. Sous presque tous les mandats présidentiels et à l’ombre de la plupart des gouvernements, les dirigeants ne se sont jamais empêchés d’exploiter les médias officiels pour se faire mousser auprès de l’opinion publique. Quant aux élections législatives,...