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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Séminaire - Une mission d'experts va remettre ses recommandations à l'Etat Projet de prison pilote au Liban (photo)

Les prisons pour quoi faire exactement et comment les gérer le plus humainement possible dans le respect des droits de l’homme ? C’est ce type de réflexion que l’on a soulevée hier à l’hôtel Alexandre où une panoplie de juristes libanais et internationaux se sont penchés sur la question de la réforme des prisons libanaises. Invité par l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Beyrouth, en collaboration avec les autorités libanaises, un groupe d’experts internationaux, mené par l’Association internationale pour la réforme pénale (PRI), avait effectué la semaine dernière une visite dans les différentes prisons libanaises dans le cadre d’une mission de réforme du système pénitentiaire libanais. Hier, elle devait rencontrer les juristes libanais pour échanger avec eux ses premières impressions. Le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Michel Lyan, a dressé un tableau fidèle de la situation dans les prisons libanaises, en soulignant «qu’elles n’ont pas été construites dans ce but et n’obéissent pas aux normes particulières applicables à ce genre d’établissements». «Aujourd’hui, dit-il, les prisons libanaises sont surpeuplées, et les détenus y sont entassés dans une promiscuité insupportable, en l’absence des conditions d’hygiène et de sécurité les plus élémentaires». D’où la nécessité d’apporter des solutions rapides non seulement matérielles, mais également politiques, ajoute M. Lyan. Les experts européens prendront à leur tour la parole, partageant avec le public leurs expériences respectives dans le domaine des réformes pénales et pénitentiaires qui ont été introduites dans leurs pays. Daniel Machover, avocat à Hickman & Rose, un bureau d’études qui consacre une de ses activités à la défense des droits des prisonniers, interviendra sur la question des législations internationales et de la pratique anglaise dans ce domaine. Après avoir rappelé les conventions et traités qui protègent les droits des prisonniers (essentiellement dans le cadre des traités de l’Onu et des textes européens), l’intervenant a évoqué les grands principes de droits y afférents, tels que la non-discrimination sur la base de la race, de la couleur, du sexe, de la religion etc., l’interdiction des arrestations ou des détentions arbitraires, la présomption d’innocence, le principe de normalité qui sous-entend que les prisonniers gardent tous leurs droits civils (tous ceux qui ne sont pas éliminés du fait de leur détention), le droit à la vie, qui doit être protégé par la loi, la prohibition de la torture, ou tout autre traitement ou sanction humiliante, le droit à des conditions humaines, le principe de la séparation des jennes et leur droit à un traitement spécial, le droit aux soins médicaux, le droit de se plaindre, et enfin, l’application de la discipline par le biais d’un procédé établi. À la lumière de ces principes juridiques, les pratiques et la législation libanaise laissent fort à désirer. Les juristes libanais se succéderont à la tribune pour dénoncer, une fois de plus, une situation on ne peut plus intolérable. Pour M. Doreid Bcherraoui, professeur de droit à l’université Robert Schumann et substitut du procureur de la République au ministère de la Justice en France, il existe un grand fossé entre les procédures pénales française et libanaise. En France, dit-il, les détenus ont leurs droits propres, surtout pour ce qui est des droits de défense. La législation libanaise ne différencie pas entre la détention provisoire et la condamnation, ce qui est contraire aux conventions internationales, relève l’intervenant. «En outre, il est indispensable que l’on établisse une classification des prisons en fonction de la personne du détenu, c’est-à-dire en fonction de la gravité du crime commis». En d’autre termes, on ne peut pas mettre un condamné à une peine criminelle avec un autre condamné à une peine correctionnelle, explique le juriste. Il sera rejoint sur ce point par un autre avocat libanais, Me Melhem Khalaf, qui mettra en exergue les lacunes du fameux décret de 1949, qui opère une discrimination absurde entre les prisons pour ce qui est de la séparation des prisonniers en fonction de leur «personnalité». Ainsi, dit-il, la prison de Roumieh reçoit par exemple toutes les catégories d’âge, quelle que soit la nature du crime (ou délit) commis, d’où la nécessité de revoir les textes de loi. Me Khalaf dénoncera en outre le nouveau projet de loi sur la réorganisation des prisons «qui ne définit pas une répartition claire des tâches et ne précise pas à qui incombe l’autorité effective». «La prison coûte cher et rend les gens encore plus nuisibles». C’est par cette constatation que M. Rob Allen, le représentant d’une ONG britannique, introduira son intervention. Son association s’occupe de la réinsertion des délinquants, grâce à des programmes sociaux d’éducation et de réhabilitation. «Parmi les activités de notre association, relève l’intervenant, une campagne d’information destinée au grand public qui vise à les conscientiser sur le fait que la prison et les moyens les plus durs ne sont pas nécessairement la solution à nos problèmes sociaux», dit-il en insistant sur l’avantage des alternatives à l’emprisonnement. Le président du tribunal de grande instance d’Epinal, en France, François Staechelé, traitera de la coopération entre les autorités et les organes de la société civile en matière pénale et pénitentiaire. « La réponse que la société donne à une infraction doit souvent être protéiforme : protéger la collectivité et notamment les victimes potentielles, dissuader, réparer, apaiser, réinsérer, prévenir le renouvellement de l’infraction par une action sociale portant sur l’emploi, la formation professionnelle, le logement, etc.», relève le juge Staechelé. Les raisons pour une telle coopération sont nombreuses, dira-t-il. Tout d’abord, il est à noter qu’une majorité des condamnés à de courtes peines pourrait être gérée en liberté, à la condition que soit mis en place un système de contrôle et de soutien efficace. En second lieu, la prison coûte cher, dit-il. «La sagesse commande de n’en user que lorsque la sécurité l’exige. Les modes alternatifs, en revanche, sont beaucoup moins coûteux et même productifs et doivent être préférés chaque fois que la sécurité publique n’est pas mise en danger». Des raisons sociales enfin, puisqu’un certain nombre de conduites délinquantes ne sont que les symptômes de dysfonctionnements sociaux profonds, affirme-t-il. Quelles sont les solutions proposées ? Et comment le Liban pourra-t-il bénéficier de l’apport du groupe d’experts venu présenter ses recommandations au gouvernement libanais ? Si les observations de la délégation ont été gardées, du moins pour l’instant, confidentielles, l’échange entre juristes libanais et européens n’en a pas été moins fructueux. Quant aux propositions débattues au sein de la délégation, il est déjà question de lancer le projet d’une «prison pilote» qui devrait servir de modèle expérimental, en attendant de mettre en place une réforme globale du système pénitentiaire qui engloberait le reste des prisons, nous confie Me George Assaf, directeur de l’Institut des droits de l’homme. Ces démarches pourront-elles aboutir ? Tout laisse croire jusque-là que les responsables libanais, qui ont autorisé les experts internationaux à visiter les prisons, semblent prêts à faire bouger les choses. Iront-ils jusqu'au bout ?
Les prisons pour quoi faire exactement et comment les gérer le plus humainement possible dans le respect des droits de l’homme ? C’est ce type de réflexion que l’on a soulevée hier à l’hôtel Alexandre où une panoplie de juristes libanais et internationaux se sont penchés sur la question de la réforme des prisons libanaises. Invité par l’Institut des droits de...