Delirium très mince

Quel dommage que les facultés de sciences po ne viennent pas puiser dans la brouettée de slogans proposés par les candidats à la prochaine loterie des 128 perles de la République. Et quels slogans ! Une bouillie d’onomatopées primitives, pompées au hasard dans les journaux et balancées sur des confettis d’affiches dont la mocheté lutte contre la laideur des murs. Et gagne… Tout ça pour produire une espèce de sabir surréaliste dans lequel le Liban est bassiné à toutes les entournures : «Le Liban à tous ses fils», «Tous pour le Liban», «Le Liban, le garde du corps et moi». Y a même un hurluberlu au regard bleu acier qui n’y est pas allé de main morte : «Vive le Liban», proclame-t-il sur son poster gluant, avec un courage et un concept qui forcent l’admiration. Puis, tu as l’aspirant décideur, celui qui assaisonne sa tronche de cake par les mots «liberté» et «décision», alors qu’il sait très bien qu’il n’aura le choix qu’entre décider de ne pas être libre, et avoir la liberté de ne pas décider. Y a aussi l’obsédé sexuel qui a découvert tout seul que «la femme est la partenaire de l’homme» et l’écolo graisseux qui nous donne des leçons d’hygiène en nous promettant «notre bain quotidien». Et je ne t’oublie pas le communiste résiduel qui, crise oblige, s’engage à prendre l’argent des pauvres pour nourrir les miséreux, sans même savoir de quoi il kolkhoze. Finalement y a que deux engeances qui n’ont rien à braire des slogans : les vieux débris de la politique et les anciens patrons miliciens. Les uns sont vautrés dans leur pedigree familial, les autres assis sur leur sinistre tableau de chasse. D’ailleurs pourquoi veux-tu qu’ils s’excitent ? La politique chez nous, il y a les Syriens qui la font et les Libanais qui en parlent. Les premiers leur font miroiter le Père Noël, les seconds y croient et vont voter.