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Actualités - INTERVIEWS

Abou-Rizk : ce gouvernement n'existe pas (photo)

– Vous avez fait fort encore une fois, il y a quelques jours, en demandant au Premier ministre s’il savait que «les Libanais avaient faim»... Ce gouvernement n’existe pas, voilà pourquoi nous continuons à lui rappeler l’évidence. Ce gouvernement n’assume pas ses responsabilités, il ne joue en rien le rôle qui lui est dévolu, du moins par sa politique socio-économique qui est en train de mener à l’appauvrissement et à la famine. – Pensez-vous que ce soit une politique délibérée ? Lorsque l’on est incapable de faire autrement, eh bien que l’on démissionne. Quand on occupe un poste de responsabilités, il faut agir, trouver des solutions. – Qu’en est-il, sur ces deux dernières années, du nombre d’employés licenciés ? À la CGTL, nous n’avons aucune statistique. Et dans les ministères, c’est pareil. – Mais c’est une lacune très grave, non ? Il n’y a aucun chiffre officiel ? C’est extrêmement grave, et il n’y a rien de plus dangereux. Aucun organisme n’est officiellement chargé de mener à bien ce travail. Quant aux estimations sur le chômage, qui sont essentielles, elles n’existent pas non plus. – Vous avez quand même des chiffres à ce sujet ? La moindre estimation coûte entre 200 000 et 300 000 dollars, comment voulez-vous que je fasse ? Il faut cependant se rappeler qu’au Liban, à la différence des autres pays, le taux de chômage est particulièrement fonction de l’émigration, qui est très importante. Plus cette émigration est forte, plus le taux de chômage diminue, ce qui ne veut pas dire que c’est une bonne chose pour le Liban, loin de là : il est en train de perdre toute sa jeunesse. Le taux de chômage doit varier actuellement entre 22 et 25 %. – Quel est le secteur le plus touché par la crise aujourd’hui ? Tous. La crise économique touche tout le pays. Les ouvriers comme les patrons. – Même le secteur de l’immobilier ? C’est un secteur à l’arrêt, avec des millions de dollars gelés depuis des années. Et la stagnation de l’immobilier se répercute négativement sur les banques, un des très rares secteurs qui tient encore sur ses pieds. Il faut impérativement stopper cette récession. – Et qui est censé le faire ? Il n’y a que l’État qui en soit capable, mais malheureusement le gouvernement a décidé, dès le premier jour, de suivre une politique d’austérité. Ce qui est contraire à toute logique. Dans n’importe quel pays au monde, on sait que lorsqu’il y a marasme et récession, on n’applique pas une politique d’austérité, au contraire, on investit à fond. – Donc la politique des gouvernements Hariri était plus adaptée ? Certes, le gouvernement Hoss a pris l’exact contrepied de ceux qui l’ont précédé. Sauf qu’en gros, c’est la même chose, les taux d’intérêt, par exemple, sont toujours très élevés. Et l’État continue de bâtir sa politique sur les revenus improductifs, sous le prétexte fallacieux de stabiliser le taux de change de la livre libanaise et de protéger la monnaie nationale. C’est du n’importe quoi. – Quelle est donc la conséquence de cette politique économique actuelle ? Les 14% de taux d’intérêt ferment automatiquement les portes au nez des détenteurs de capitaux. Le gouvernement, dans tous ses discours, appelle à la redynamisation de l’investissement. Mais comment voulez-vous investir tant que les taux d’intérêt servis sur les bons du Trésor restent élevés? C’est pareil pour l’État : quand il a besoin d’argent, tout ce qu’il fait c’est plonger la main dans la poche des contribuables. – C’est le cas avec l’essence, c’est ça ? Absolument. Le ministre du Pétrole fait ce qu’il veut avec le barème des prix. Et puis ces 6 000 LL de taxe ! Nous, nous sommes prêts à payer le prix de revient, mais pas ces 6 000 LL ! Qu’ils aillent plutôt faire leur beurre et taxer les cellulaires, ou le domaine public maritime et fluvial, un dossier qui traîne depuis une dizaine d’années. « C’est le gouvernement qui veut provoquer la grogne de la population » – Mais que demandez-vous au gouvernement ? Retirer les 6 000 LL. Tant que le gouvernement n’assure pas un réseau de transport public à l’européenne sur tout le territoire, aucune taxe sur l’essence ne doit être imposée aux Libanais. Il faut impérativement que l’État reprenne ses droits et assume ses responsabilités, dans le secteur du pétrole, et que tout ne soit pas sous le contrôle des importateurs. Tout le monde connaît ces gens, mais personne ne sait quelles sont les relations qu’ils entretiennent avec le ministère du Pétrole. – À propos du tourisme, est-ce que ce secteur-clé est aussi florissant qu’il devrait l’être ? Mais comment voulez-vous voir des touristes dans un pays où il n’y a pas d’électricité ? Il y a quelques jours, le gouvernement parlait d’encourager les expatriés à revenir au pays. Pensaient-ils leur demander d’apporter, chacun avec lui, sur son dos, un petit générateur d’électricité portatif ? Est-ce possible qu’avec des millions et des millions de dollars dépensés pour ce secteur, nous continuons à vivre dans le noir ? Et l’excuse de la chaleur est inacceptable, complètement illogique, jusqu’à quand le gouvernement va-t-il continuer à prendre les gens pour des imbéciles ? – La privatisation de l’EDL, vous êtes contre ? Évidemment que nous sommes contre, d’ailleurs nous refusons toute privatisation. Que le gouvernement aille privatiser Télé-Liban ou la MEA, s’il le peut, plutôt que l’EDL. On ne veut pas la privatisation d’une nouvelle poule d’or, comme avec le téléphone : l’EDL, contrairement à Télé-Liban, n’a aucun concurrent, elle sera un jour gagnante. – Pour ce qui est des travailleurs étrangers, quelle est la solution, aujourd’hui, par rapport aux problèmes qu’ils engendrent ? La solution ? Qu’on arrête l’importation de la main-d’œuvre étrangère. Qu’on arrête de donner et de renouveler les permis de travail. Qu’on les renvoie dans leur pays. – Mais c’est un problème politique aussi... Bien sûr. L’État doit protéger la main-d’œuvre libanaise, de la même façon qu’il est censé protéger l’industrie, l’agriculture ou le tourisme. Le patron a aujourd’hui toutes les facilités, il fait des bénéfices énormes, et c’est le Libanais qui est au chômage, il ne peut pas, lui, vivre avec 200 dollars par mois. C’est la faute de l’État : avec les permis de travail, le chômage augmente, l’émigration augmente. Il y a aujourd’hui 7000 ingénieurs sans travail. – Que va-t-il se passer le 12 juillet ? Nous demandons à tous les Libanais, quel que soit leur niveau socioculturel, de participer à cette manifestation du «non», cette manifestation sera celle du cri, pour que les Libanais puissent demander des comptes au gouvernement, par rapport à leur asphyxie et leur niveau de vie, qui est au plus bas. Et pour cela, il n’y a pas que le Parlement. Il y a la rue. – Pensez-vous que cette manifestation pourrait changer quelque chose ? Bien sûr. Seul le peuple est capable de changer les choses. Le dernier mot est à lui. Maintenant, s’il va descendre dans la rue ou pas, ça, je ne sais pas, je le souhaite, je le demande, c’est tout. Quand le peuple a mal, il faut qu’il hurle ses «aïe». – Y a-t-il un timing quelconque entre cette manifestation et l’échéance électorale qui arrive à grands pas ? À ces suspicions que vous avancez, je vous dirai que l’activité de la CGTL a toujours été constante et que nous n’avons jamais agi en fonction de quelque échéance que ce soit. Le gouvernement s’est mis en tête d’augmenter le prix de l’essence et les gens se sont enflammés tout seuls. C’est le gouvernement qui nous a imposés ce timing. En commission ministérielle, nous l’avons supplié d’attendre l’échéance électorale avant toute augmentation. Il a refusé et a continué sa politique de hausse des prix. Apparemment, c’est lui qui veut provoquer les remous et la grogne populaires. Ce gouvernement les impose, aujourd’hui, aux Libanais, il décide, ainsi, de tous les timings.
– Vous avez fait fort encore une fois, il y a quelques jours, en demandant au Premier ministre s’il savait que «les Libanais avaient faim»... Ce gouvernement n’existe pas, voilà pourquoi nous continuons à lui rappeler l’évidence. Ce gouvernement n’assume pas ses responsabilités, il ne joue en rien le rôle qui lui est dévolu, du moins par sa politique socio-économique...