Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Portrait d'artiste - Mohamad el-Rawas, de la sérigraphie à la composition en 3D ? Recyclage de l'image (photos)

Le premier détail que retient l’œil en découvrant l’atelier de Mohamad el-Rawas, c’est l’ordre. Pas de bric-à-brac, pas de fouillis dans cette petite pièce très claire : chaque objet, chaque instrument de travail est à sa place. Un visiteur étranger s’y retrouverait facilement. «J’aime l’ordre et la discipline, confie l’artiste. Je déteste l’anarchie, elle me paralyse». À ses étudiants de la Lebanese American University, il avoue «ne pas aimer enseigner la critique», et ajoute : «Je veux simplement voir comment un concept évolue dans leurs esprits et développer leur capacité d’organisation». Vers 1975, alors qu’il était âgé de 25 ans, Mohamad el-Rawas peignait : «La première étape, c’était de peindre ce que je voyais, mais en réorganisant les éléments». Ordre, (ré)organisation : «Mes peintures, mes œuvres de jeunesse étaient faites de formes, de couleurs, de textures, de valeurs et de lignes au sein d’un support. Le tout voulait évoquer l’harmonie, le contraste et l’équilibre. J’étais déjà très attaché aux principes du design». L’artiste-pédagogue conclut son explication en disant : «Le but principal de mon travail, c’est de construire une entité visuelle plastiquement attirante». La guerre, ce grand mensonge En quoi croit-on en art ? Voilà la question que s’est posée l’artiste au début de la guerre. «Pendant deux ans, raconte-t-il, j’ai arrêté de peindre. Je vivais mal ce que je qualifiais de “grand mensonge”. J’ai beaucoup voyagé et, de retour au Liban, j’ai compris que je n’avais plus besoin du support de la réalité pour créer. En fait, la guerre m’a fait prendre conscience du rôle de l’art : celui-ci ne doit pas être utile. Pour appliquer ce nouveau principe, j’ai décidé que mes travaux ne seraient plus que de simples commentaires sur la vie». Premier exercice de cette nouvelle étape : Feminine Transitional Attempts», réalisé en 1976. «Je voulais rendre tangible l’effet mécanique du travail de création, explique-t-il. L’image ne devait plus être peinte, mais faite par une machine». 1978 : Tune est réalisé avec de la gouache, de l’encre sur papier, à partir d’une photo de femme par Alain Robbe-Grillet. Ses œuvres sont faites de nombres, de chiffres et de lignes, mais la figure féminine est très récurrente : «Je pense posséder le sens de l’équilibre entre l’émotionnel et le cérébral», confie-t-il. Complexe du collage À la fin des années 70, la recherche de Mohamad el-Rawas était la suivante : comment reproduire la photographie, «l’intégrer à l’œuvre», comme il le dit lui-même, sans utiliser le collage, qu’il déteste ? En procédant par tâtonnements, il commence par utiliser le rapidographe et le pistolet vaporisateur. «À cette période, je réalisais encore des assemblages, se souvient-il. Je ressentais comme une véritable urgence d’utiliser un support fait d’images, de photos, de cartes postales ou de peintures de maîtres». Nommé consultant artistique à Rabat en 1978, il croit découvrir, chez un marchand ambulant, un liquide miracle qui reproduit une image sur un papier selon le procédé de la décalcomanie. Il achète tout le stock et découvre rapidement qu’il ne s’agit, en fait, que d’un simple solvant pour la peinture. «Ce qui est sûr, ajoute-t-il, c’est que ce produit m’a débarrassé du complexe, banal et facile, du collage». Cet adepte du «recyclage de l’image, grâce auquel on présente quelque chose de nouveau», trouvera enfin, entre 1979 et 1981, l’ultime réponse à sa question : l’art graphique, qu’il apprend à Londres, à la Slade School of Fine Arts. Répertoire thématique Gravure, litho et sérigraphie, gravure, estampe, mezzotinto, eau-forte : les œuvres de Mohamad el-Rawas utilisent l’ensemble des procédés graphiques. Mais la réelle fascination de l’artiste, c’est celle qui précède la conception à proprement parler : la recherche de l’image, des images autour desquelles l’œuvre prend forme : «Si le temps me le permettait, confie-t-il, je voudrais créer un répertoire thématique. La catégorisation des données est un procédé habituel au cerveau et, pour moi, le savoir est une véritable joie cérébrale». Alors dans son atelier, cet orfèvre du détail, après avoir été capable de reproduire au feutre, grain par grain, une photographie, découpe le bois et le métal, mélange ses pigments, pour créer une œuvre, en relief ou non, toujours protégée par une vitre : «Je crois, explique-t-il, que l’art doit être regardé comme quelque chose de sacré». Son obsession de l’image ? Mohamad el-Rawas la justifie par un «amour de la texture physique, que m’offrent le pigment et le grain de la reproduction d’une image sur un papier». L’artiste réalise une œuvre par mois, entouré de musique et de bonzaï, ses «sculptures vivantes», qu’il retouche à peine. Une œuvre en cours ressemble étrangement à un décor de théâtre, comparaison qu’il approuve : «J’aime le théâtre pour l’idée d’assemblage sans truquage». La confection d’œuvres en trois dimensions lui a déjà effleuré l’esprit, mais trouver le petit bouquet de fleurs qui complètera le travail en cours reste sa préoccupation immédiate. Mohamad el-Rawas est un artiste résolument ordonné.
Le premier détail que retient l’œil en découvrant l’atelier de Mohamad el-Rawas, c’est l’ordre. Pas de bric-à-brac, pas de fouillis dans cette petite pièce très claire : chaque objet, chaque instrument de travail est à sa place. Un visiteur étranger s’y retrouverait facilement. «J’aime l’ordre et la discipline, confie l’artiste. Je déteste l’anarchie, elle...