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Actualités - REPORTAGES

Promenade - Le village aux 54 sources Marjeyoun, oasis architecturale(photos)

Accroché sur une colline crénelée de pins et de cyprès, Marjeyoun a un air de gros village. Chef-lieu de caza, il tire son nom des 54 sources qui s’y trouvent et dont les eaux abondantes irriguent une plaine agricole fertile. La troisième du Liban en superficie, après la Békaa et le Akkar. Planté à 700 mètres d’altitude, le bourg s’enfonce dans le sud-est, à 98 kilomètres de Beyrouth et à 55 kilomètres de Saïda. Au temps des Cananéens, le site était célèbre pour ses bains, ses jardins et ses vergers. C’est du moins ce que rapporte la chronique médiévale Safar el-Moulouk. Mais il ne subsiste du passé que les grottes de Tell Debbine, des débris de poteries, des pièces de monnaie ancienne et des lanternes, que les habitants actuels moissonnent et collectionnent. Longtemps centre de départ et d’arrivée pour les caravanes faisant la navette entre Bilad al-Cham et La Jazira, le village a été, du temps des Ottomans, un marché important, dépendant tour à tour de la wilaya de Damas, de Saïda, ou de Saint-Jean d’Acre (Akka). Ce n’est qu’en 1884, que la bourgade est rattachée à Beyrouth. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, la plaine de Marjeyoun a été le théâtre d’affrontements entre vichystes et gaullistes. Les lignes de tranchées sont toujours visibles sur les hauteurs, et les soldats morts au combat reposent dans deux cimetières, à Marjeyoun et à Debbine. Par ailleurs, l’actuelle caserne a été construite par les forces de la France libre. Jusqu’en 1948, Marjeyoun a été un centre de villégiature où se pressaient Palestiniens, Égyptiens et Jordaniens. Mais le percement de la route Beyrouth – Chtaura – Damas, le chemin de fer, puis l’occupation de la Palestine et la fermeture des frontières ont privé la localité de tout rôle régional. Panorama de pierre La grand-place entièrement pavée de basalte et les maisons qui la bordent révèlent les valeurs esthétiques des générations antérieures. Sur le plan architectural, Marjeyoun, qui préserve les traditions, apparaît comme une rescapée, dans un pays désormais voué au béton. Ironie du sort, les bouleversements de l’histoire lui ont permis de conserver son cachet ancien. Des ruelles étroites qui serpentent dans la colline mouchetée de tuiles rouges. Toutes les façades ne se ressemblent pas. On passe du pisé à la pierre de taille, et les styles s’enchevêtrent dans un joyeux désordre. Adossée à une maison à colombages, une construction des années 40 jouxte une demeure en grès (pierre ramlé) datant de l’époque ottomane. En longeant les venelles, un petit chef-d’œuvre qui remonte aux années 30 côtoie une réalisation tarabiscotée à la Guimard. Plus loin perché, un ensemble harmonieux d’élégantes demeures datant des années 40, qui déploient leurs halls et leurs baies à trois arcs. Il n’est pas rare de découvrir quatre ou cinq bâtisses fichées autour d’une cour centrale. Plus haut, se dresse un clocher, celui de l’archevêché grec-orthodoxe construit dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Alors que la première pierre de l’archevêché grec-catholique a été posée en 1902. Une mosquée. Accolée à l’ancien sérail (1880) qui abrite aujourd’hui l’École technique, elle est dans un état de délabrement total. Elle date «de l’époque de la moutassarifiah», disent les habitants. Aucune tour de béton ne ceinture ces vieilles bâtisses dont le rapport à l’histoire et à la mémoire reste intact. Même les dernièrs édifices, qui remontent aux années 70, révèlent un art de construire respectueux du caractère traditionnel. Quatre-vingt pour cent de la population de Marjeyoun se trouvant à Beyrouth ou à l’étranger, une grande partie des habitations reste abandonnée et le temps a beaucoup contribué à leur délabrement. Beaucoup d’autres maisons ont été touchées par les obus. Aussi, «pour les remettre à neuf, la population a-t-elle été dispensée de permis de restauration», explique M. Badih Lahoud, secrétaire du président de la municipalité. Signalons aussi que la Direction générale de l’urbanisme (DGU) a déjà établi un plan directeur pour l’aménagement de Marjeyoun et de ses environs. L’étude a été préparée par l’architecte Diran Harmadayan, qui a sillonné la région au cours de ces deux dernières années. «Nous avons anticipé la libération», explique M. Joseph Abdel Ahad, directeur de la DGU. Aujourd’hui, une ère nouvelle s’ouvre. Sans vouloir être cynique, bien au contraire, on peut souhaiter pour Marjeyoun qu’elle ne soit pas plus mal lotie – c’est la mot – en temps de paix qu’en temps de guerre. C’est-à-dire que son retour dans le giron de la mère-patrie n’en fasse pas, comme tant d’autres, une cité-béton.
Accroché sur une colline crénelée de pins et de cyprès, Marjeyoun a un air de gros village. Chef-lieu de caza, il tire son nom des 54 sources qui s’y trouvent et dont les eaux abondantes irriguent une plaine agricole fertile. La troisième du Liban en superficie, après la Békaa et le Akkar. Planté à 700 mètres d’altitude, le bourg s’enfonce dans le sud-est, à 98 kilomètres de...