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Actualités - COMMUNIQUES ET DECLARATIONS

Vive polémique à Paris sur la présence de Chirac à Damas (photos)

La présence aux obsèques du président syrien Hafez el-Assad du président français Jacques Chirac, seul chef d’État occidental venu rendre un dernier hommage au disparu à Damas, a suscité des critiques à Paris tout en étant défendue comme une «nécessité» au nom «des intérêts de la France dans la région». Face à cette polémique, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hervé de Charette (droite libérale), a résumé en termes directs les objectifs de la démarche française. «On ne peut pas dire que Hafez el-Assad soit un parangon de la démocratie ou un symbole des droits de l’homme. Simplement, les intérêts de la France sont si importants dans cette région qu’il est essentiel que notre pays soit toujours présent», a-t-il dit hier sur la chaîne de télévision LCI. M. Chirac était accompagné du chef de la diplomatie française, Hubert Védrine. «L’essentiel pour nous, a indiqué un porte-parole de M. Védrine interrogé à Paris, c’est la constatation du fait que depuis la conférence de Madrid de 1991, la Syrie a fait le choix stratégique de la paix». «Au moment où les chefs d’État et de gouvernement des pays arabes se réunissent à Damas pour rendre hommage à la mémoire d’un des leurs, la France a souhaité s’associer à ce rassemblement et manifester par sa présence son soutien au choix fait par la Syrie en faveur de la paix», a souligné le porte-parole adjoint du ministère, François Rivasseau. La polémique se focalise sur le lourd passé des relations entre les deux pays. «A-t-on oublié à Paris que le régime Assad a fait assassiner, en 1981, un ambassadeur de France au Liban ?», a demandé dans un éditorial le journal Le Monde. «A-t-on oublié que les attentats dont furent victimes des soldats français, servant sous les couleurs de l’Onu au pays du Cèdre, n’ont pu avoir lieu qu’après un feu vert de Damas. A-t-on oublié le drame des otages qui, là encore, n’a pu se passer sans la complicité, au moins tacite, des omniprésents services secrets syriens à Beyrouth ?», a poursuivi l’influent quotidien. Une offense au Liban Pour le député Vert (majorité) Noël Mamère, s’exprimant sur la radio RMC, «le président de la République aurait pu s’éviter de se rendre à ces obsèques, parce qu’aucun chef d’État occidental n’y est présent pour une raison précise, c’est que Hafez el-Assad, que l’on pleure avec des larmes de crocodile aujourd’hui, a quand même été une grande crapule internationale». François Bayrou, président de l’UDF, a estimé pour sa part en marge d’une conférence de presse qu’«il faut appeler un chat un chat et un dictateur un dictateur». «La France ne devrait pas se prêter à la glorification des dictateurs et des assassins», a-t-il ajouté. De son côté, Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a estimé hier que la présence de Jacques Chirac n’était pas nécessaire. «Oui, je suis troublé parce que la Syrie, ce n’est pas n’importe quel régime. À l’évidence la Syrie n’est pas une démocratie et il faut se souvenir de l’assassinat d’un ambassadeur et d’un certain nombre de militaires français. Il y a eu aussi les otages», a-t-il déclaré hier dans les couloirs du Palais-Bourbon. «Je crois qu’un peu de distance, qu’un peu de retenue n’excluait pas, bien sûr, une représentation française, à travers le ministre des Affaires étrangères, à cette cérémonie de deuil mais ça ne nécessitait absolument pas la présence du président de la République», a-t-il ajouté. Bruno Mégret, président du MNR, a quant à lui déploré la présence de Jacques Chirac à Damas, estimant notamment que «cette démarche est une offense au Liban, ami de la France, qui subit depuis des années la tutelle de plomb de l’occupation syrienne». «Elle est également une insulte à la mémoire des soldats français victimes dans cette région des attentats perpétrés par les amis du régime syrien. Par cet acte nuisible, M. Chirac discrédite la France en soutenant un régime dictatorial et met en cause la cohérence de la diplomatie française au Proche-Orient», a souligné le président du parti d’extrême droite. Daniel Cohn-Bendit a, pour sa part, condamné, hier, à Strasbourg, lors d’une conférence de presse commune pour une Constitution européenne, l’attitude de la France concernant la Syrie après la mort de Hafez el-Assad. Le député européen des Verts s’est déclaré «scandalisé» par l’attitude de beaucoup de chancelleries européennes et le président de l’UDF a estimé que «la France ne devrait pas se prêter à la glorification des dictateurs et des assassins». «C’est l’assassin de beaucoup de gens. Je suis scandalisé par le message politique donné par beaucoup de chancelleries européennes en ce moment : c’est comme si une colombe de la paix venait de mourir», a dit M. Cohn-Bendit. Selon M. Cohn-Bendit, il faut aussi «dire qu’il est inadmissible aujourd’hui, quand on veut une charte des droits de l’homme et des droits fondamentaux, que dès qu’un pays ressent (...) des possibilités d’influence politique, il joue une carte diplomatique la plus déplorable qu’elle soit», a ajouté M. Cohn-Bendit. «Il faut respecter les morts quels qu’ils soient, (mais), politiquement, Hafez el-Assad n’aura jamais mon respect», a-t-il dit. Claude Goasguen, porte-parole de Démocratie libérale, a déclaré hier qu’il était «sans doute courageux» de la part de Jacques Chirac d’aller à Damas assister aux obsèques de Hafez el-Assad mais a souhaité que la France «porte la parole du Liban et du Liban libre». «Nous avons trouvé que l’attitude du président de la République était sans doute courageuse mais qu’il fallait qu’il porte la parole du Liban et du Liban libre. C’est ce qui paraît important actuellement au Moyen-Orient», a déclaré Claude Goasguen dans les couloirs du Palais-Bourbon. «Nous ne souhaitons pas que ce soit interprété comme un soutien quelconque à un gouvernement qui n’est pas démocratique», a ajouté le porte-parole de DL. Une politique tournée vers l’avenir En annonçant le voyage à Damas de MM. Chirac et Védrine, la présidence et le ministère des Affaires étrangères avaient pourtant inscrit l’initiative dans une politique tournée vers «l’avenir». «En allant à Damas, la délégation française a à l’esprit l’avenir, et le rôle que peut jouer la Syrie en faveur de la sécurité et de la stabilité régionale», selon une source diplomatique française. «La Syrie est un élément-clé de cette paix que nous recherchons», avait affirmé le ministre Hubert Védrine. Le président du groupe RPR à l’Assemblée, Jean-Louis Debré, a estimé hier pour sa part que Jacques Chirac «a raison» de se rendre à Damas pour les obsèques de son homologue syrien Hafez el-Assad, parce que la France «veut ouvrir la porte de la paix» dans cette région. «Le président de la République s’est rendu à Damas avec le ministre des Affaires étrangères. La France veut ouvrir la porte de la paix et elle doit saisir toutes les occasions pour faire en sorte que la raison l’emporte sur la passion, que la paix l’emporte sur la guerre», a déclaré M. Debré dans les couloirs de l’Assemblée nationale. «Tout le monde s’accorde à reconnaître que Damas est une place centrale pour faire progresser la paix dans cette région du monde (...). Le rôle de la France est de faire progresser la paix. M. Chirac a donc raison d’aller à Damas», a ajouté M. Debré. Plus inattendue, cette volonté de tourner la page du passé a été également exprimée par deux personnalités chrétiennes libanaises, en exil en France. L’ancien président Amine Gemayel et l’ancien Premier ministre, le général Michel Aoun, ont tous deux souhaité une évolution des relations syro-libanaises avec Bachar el-Assad, successeur désigné de son père. «Nous espérons que cette succession ouvrira une nouvelle page dans les relations libano-syriennes et qu’elle sera pour le Liban une occasion de restaurer, dans le dialogue et la concertation, sa souveraineté nationale, qui passe nécessairement par le retrait des forces armées non libanaises du territoire libanais», a déclaré M. Gemayel qui avait des relations tendues avec la Syrie.
La présence aux obsèques du président syrien Hafez el-Assad du président français Jacques Chirac, seul chef d’État occidental venu rendre un dernier hommage au disparu à Damas, a suscité des critiques à Paris tout en étant défendue comme une «nécessité» au nom «des intérêts de la France dans la région». Face à cette polémique, l’ancien ministre des Affaires...