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Actualités - REPORTAGES

Reportages - C'est un grand malheur, une terrible catastrophe En taxi, jaune, en autobus ou à pied, le chemin de Damas des ouvriers syriens (photos)

«C’est un grand malheur, une terrible catastrophe», les ressortissants syriens, ouvriers ou membres des services de renseignements ne trouvent pas des mots assez forts pour traduire la perte qu’ils viennent de subir. Pour eux, «la disparition du père qui a préservé la dignité de la Syrie et de toute la nation arabe» ne pourrait être comblée que par l’accession au pouvoir de son fils «le Dr colonel Bachar». Les ressortissants syriens qui avaient raté samedi les bus et les cars de transports en commun ainsi que les taxis jaunes pour rentrer en Syrie afin de rendre un dernier hommage au leader disparu, ont pris la route hier. Sur la voie internationale Beyrouth-Damas et jusqu’à Chtaura, à tous les barrages syriens, les membres des services de renseignements, écoutaient, les yeux bouffis et le teint livide des versets coraniques. Rares étaient les ouvriers syriens qui n’avaient pas pris le chemin de Damas. L’un d’eux était assis paisiblement sur la pelouse d’un rond-point de Zahlé. Pourquoi n’est-il pas parti avec les autres ? «Je n’avais pas tellement envie d’y aller aujourd’hui et puis je veux me reposer», explique en souriant cet ouvrier syrien originaire de Hama. Au niveau de Dhour el-Abadié, la Ligue des ouvriers syriens présents au Liban a organisé une marche. Encadrées par des membres des services de renseignements syriens, une centaine de personnes portaient des portraits du président Assad, décorés de grands rubans noirs en signe de deuil. Ceux-là partiront plus tard pour participer aux funérailles du «père de la Nation». Hier, en début de matinée, non loin du centre des services de renseignements chargé de toute la Békaa (sauf Baalbeck), les membres du conseil municipal de Jdita ont orné eux-mêmes de drapeaux noirs, le monument dédié à Bassel el-Assad. C’est une villa toute blanche qui abrite le quartier général des services de renseignements syriens. Quelques Mercedes immatriculées en Syrie sont garées dans le jardin de la propriété où les hommes en civil ont des mines défaites. Dans leurs locaux ornés de tableaux dédiés au président Assad et à ses fils Bassel et Bachar, ils regardent les yeux noyés de larmes les images retransmises en direct par la télévision syrienne. Mis à part quelques balbutiements sur la perte qu’ils venaient de subir, c’est un silence de mort qui règne en ces lieux. « Nous vivrons notre deuil chez nous » À Chtaura un bus plein à craquer d’ouvriers syriens s’apprête à démarrer. «Nous voulions partir hier, mais nous attendions notre paie», indique un ressortissant syrien qui s’applique à lancer son balluchon sur le toit du véhicule. Et de poursuivre «au haut Metn, il n’y a plus aucun ouvrier ; nous resterons chez nous quarante jours pour vivre correctement notre deuil». D’autres attendent des voitures pour les transporter jusqu’à Masnaa. Ils affirment qu’ils présenteront leurs condoléances à Damas ou qu’ils assisteront aux funérailles à Qerdaha. Ils disent qu’ils visiteront leurs villages de l’Est, de l’Ouest, du Sud et du Nord syrien avant de revenir au Liban. D’ailleurs beaucoup d’entre eux ont empaqueté dans leurs valises, balluchons, ou grands sacs noirs, les effets qui rendaient agréable leur séjour au Liban. Seuls les chauffeurs de taxis jaunes soulignent qu’ils «passeront uniquement quelques jours en Syrie». Bar-Élias accueille badauds et ouvriers syriens avec d’immenses banderoles noires et de versets coraniques diffusés par les haut-parleurs de toutes les mosquées de la localité. Non loin de la route principale, dans un champ agricole, des bédouins se préparent à plier leurs tentes. Ils comptaient passer toute la saison agricole dans cette zone de la Békaa. La mort du président Assad a modifié leurs projets. Les femmes ont rassemblé leurs enfants et leurs quelques modestes ustensiles de cuisine. Assises sur des baluchons, elles attendent que les hommes démontent les tentes. «Le chef est mort et c’est la catastrophe… il n’y a plus de travail», explique un homme de la tribu. À Masnaa, des voitures immatriculées au Liban franchissent la frontière. Elles sont pleines à craquer de ressortissants syriens qui vivent depuis plus d’une dizaine d’années au Liban. Ces personnes veulent tout simplement présenter leurs «condoléances et rentrer dans quelques jours au Liban». Dans un bus qui se dirige vers la Syrie, deux femmes libanaises, mariées à des Syriens, refusent de se faire prendre en photo ou même de donner leur nom. Elles indiquent cependant qu’elles séjourneront «le temps qu’il faut en Syrie avant de reprendre le chemin de Beyrouth». La longue marche sous un soleil étourdissant Au poste frontalier de Jdeidé, à quelques kilomètres de Masnaa, certains chauffeurs profitant de la halte douanière préparent leurs voitures pour le grand deuil : Ils enrubannent les pare-chocs et les antennes de leurs véhicules de tissus noirs. Les ouvriers syriens descendent des cars qui les transportent, effectuent leurs formalités, et remontent précipitamment dans les véhicules qui les mèneront à destination. Pour eux tous, la mort du président Assad est «une catastrophe pour toute la nation arabe». Certains affirment qu’ils resteront «quarante jours en Syrie». Hier vers midi à Jdeidé, les Syriens du Liban commençaient à affluer à pied par dizaines. Leur marche sous le soleil étourdissant s’expliquait par «le manque de véhicules se dirigeant vers la Syrie». Pour ceux qui ont décidé de franchir la frontière à pied, le trajet Beyrouth Masnaa a duré plus de trois heures. «Nous avons changé à plusieurs reprises de voiture», explique trois cousins menuisiers qui travaillent à Hazmieh et qui vont à Hama «passer au moins trois semaines». Iront-t-ils à Damas ou à Qerdaha ? «Probablement pas». Pourtant, ils n’ont pas hésité à transporter leurs outils et à marcher sous un soleil accablant. Et ils ne sont pas les seuls. Fatigués certains ouvriers s’entraident pour porter une seule valise, tandis que d’autres tentent tant bien que mal de garder sur les épaules les matelas qui leur servent de lit. Épuisées quelques femmes se déchaussent, et préfèrent marcher pieds nus sur l’asphalte brûlant. D’autres, armées de courage, portent leurs valises sur la tête. Et les mains libres, elles essaient de traîner leurs enfants derrière elles. Le poste-frontière syrien franchi, tous ces Syriens auront encore à attendre quelques heures pour trouver un véhicule qui les mènera à destination. Mais qu’importe ? Pour eux, «le président Assad, le père de la Nation, est mort et c’est le devoir de chaque Syrien d’aller lui rendre un dernier hommage».
«C’est un grand malheur, une terrible catastrophe», les ressortissants syriens, ouvriers ou membres des services de renseignements ne trouvent pas des mots assez forts pour traduire la perte qu’ils viennent de subir. Pour eux, «la disparition du père qui a préservé la dignité de la Syrie et de toute la nation arabe» ne pourrait être comblée que par l’accession au...