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Actualités - OPINION

Alice au pays des merveilles

Il travaillait, de l’autre côté du miroir. C’était là-bas, en pays honni, comme ils disent. Il gagnait de l’argent, ni livres ni dollars. C’était une monnaie honnie, comme ils disent. Il faisait bouffer sa famille, il achetait des robes à petite amie. C’était un collabo honni, comme ils disent. Et puis un jour, porte scellée, aller désormais sans retour, ils ne les verra plus, son Liban non plus, et petite amie restera toute seule, ou alors il faudra qu’il se rende. Tempête sous son crâne, il n’a que vingt ans, l’occupation, il est né avec, il n’a connu qu’elle, rien d’autre qu’elle, il n’a côtoyé qu’eux, ces soldats venus d’ailleurs, pas d’autre repère, tempête sous son crâne, et puis... Puis il est passé de l’autre côté du miroir, il a juste fermé les yeux, un peu, il ne s’est plus retourné, lorsqu’on a vingt ans, on est bourré de foi, d’amour, d’espérance, de l’autre côté du miroir, il n’y aura aucun problème, ils l’ont tellement répété, les grands hommes de son pays, tellement… Il est passé de l’autre côté du miroir, sans s’imaginer une seule seconde que sa jeunesse, il risquait de l’enterrer, que sa maman, elle ne le prendrait plus dans ses bras, tous les jours, que petite amie, elle irait faire câlins ailleurs, il n’a jamais tenu une arme, d’aucun côté du miroir, alors tout ira bien, n’est-ce pas…Ses châteaux en Espagne, il les avait déjà rêvés, dessinés, construits, meublés, petite amie sera tellement heureuse, on lui a promis qu’il sera bien traité, il aura donc un avocat, il sera bien traité, c’est sûr, monsieur le ministre de la Justice l’a dit, et redit, n’est-ce pas… C’est dur comme fer qu’il y croyait, il a la vie devant soi, et puis la guerre, c’est tellement sale, tellement bête, tellement con, il faut faire la part des choses, il faut relativiser, il faut oublier, il faut… C’est dur comme fer qu’il y croyait, que de l’autre côté du miroir, on allait en profiter pour changer toute une façon de gouverner, de concevoir une politique, en profiter pour faire avancer, un peu, ce pays qui est le sien, c’est dur comme fer qu’il y croyait, messieurs. Et les Libanais aussi messieurs, ils y croient dur comme fer, là, de ce côté du miroir, au pays des merveilles. Messieurs…
Il travaillait, de l’autre côté du miroir. C’était là-bas, en pays honni, comme ils disent. Il gagnait de l’argent, ni livres ni dollars. C’était une monnaie honnie, comme ils disent. Il faisait bouffer sa famille, il achetait des robes à petite amie. C’était un collabo honni, comme ils disent. Et puis un jour, porte scellée, aller désormais sans retour, ils ne les...